Monsieur le Premier Ministre, La situation d’impasse dans laquelle végète l’école nigérienne est préoccupante à plus d’un titre. En effet, Il ne se passe pas de semaine sans grève des enseignants ou des élèves venant perturber le fonctionnement d’un système scolaire déjà fragilisé par plusieurs années d’instabilité. On ne compte plus le nombre de jours perdus au cours de ces grèves répétitives. Malheureusement, les engagements que prend le Gouvernement dans le cadre des différents protocoles d’accord ne sont jamais tenus, ce qui n’est pas de nature à améliorer la situation.
Il nous revient, en effet, l’information selon laquelle aucun point du protocole d’accord du 13 décembre 2017 entre Cause-Niger/ SYNACEB et le Gouvernement n’a été totalement réalisé:
.L’engagement pris du paiement à terme échu des pécules des enseignants contractuels n’est pas tenu;
. Les recrutements à la Fonction Publique au titre des années 2012, 2013 et 2014 n’ont pas été suivis de mise en solde;
La grille salariale acceptée par le Gouvernement n’est pas appliquée.
Pire, c’est dans ce contexte que vous avez pris la décision de rompre le dialogue avec Cause-Niger/SYNACEB depuis le mois de février 2017, et opté pour un nouvel accord avec la FUSEN au cours de la même année. C’est également dans ce contexte qu’est intervenue l’évaluation controversée des enseignants contractuels qui a eu pour conséquences le licenciement de 13.000 enseignants contractuels et la démission d’au moins 500 autres pour motifs d’affectations arbitraires. Les enseignants soutiennent, en effet, que ces décisions d’affectation sont prises en violation flagrante des dispositions de l’arrêté 000113/MEP/A/PLN/SG/DGR/DRH du 15 janvier 2018 fixant les critères d’affectation et de mutation des personnels de l’enseignement primaire. Alors que ledit arrêté dispose en son article 3 que les affectations nationales se font au cours des mois d’août et de décembre, une série de décisions d’affectations
concernant au moins 1500 enseignants ont été prises entre la fin du mois de janvier et la mi-février 2018. Paradoxalement, malgré l’illégalité manifeste des décisions d’affectation, peu de temps est accordé aux enseignants pour regagner leur nouveau poste d’affectation. Moins d’un (1) mois souvent entre les décisions d’affectation et les décisions de résiliation de contrats.
Le résultat est aujourd’hui connu de tous. C’est entre autres:
Les licenciements et les démissions massives d’enseignants compétents;
Les fermetures d’écoles et ou de classes pour pénurie d’enseignants;
Les jumelages de classes de même niveau ou de niveaux différents
(multigrades) avec pour conséquences des pléthores et conséquemment
la baisse de la qualité de l’enseignement.
Finalement, l’histoire a donné raison aux syndicats d’enseignants qui soutenaient que l’objectif du Gouvernement n’est pas d’améliorer la qualité de l’enseignement mais bien un raccourci inavoué et inavouable pour rendre soutenable la masse salariale que le Gouvernement a réussi à augmenter à hauteur de 189% entre 2010 et 2016. Les arguments que vous avanciez, relativement à l’amélioration de la qualité de l’enseignement résistent très peu à la critique. Sinon, si c’est vraiment la qualité de l’enseignement que vous visiez, vous n’auriez jamais introduit une telle idée génératrice de perturbations en pleine année scolaire et sans concertation véritable avec les acteurs incontournables que sont les enseignants. La solution de jumelage des classes est une solution obsolète car elle dégrade les conditions d’enseignement-
apprentissage par l’augmentation du ratio élèves-maître. Bien plus, les perturbations ainsi créées augmentent considérablement la déperdition du temps scolaire.
Aussi, avons-nous le devoir, en conformité avec les pouvoirs que nous confère la
Constitution, de vous poser les questions suivantes:
Pourquoi les enseignants contractuels ne sont toujours pas payés à temps?
Pourquoi l’octroi de matricules sans mise en solde des enseignants?
Comment expliquez-vous votre choix de rompre le dialogue avec Cause-Niger/SYNACEB au profit de la FUSEN ?
Pourquoi des personnes malades, des femmes mariées, des femmes en congé de maternité et des titulaires de classes ont-elles été affectées en violation de l’arrêté n0000113 du 15 janvier 2018 fixant les critères d’affectation et de mutation des personnels de l’enseignement primaire?
Combien d’écoles sont fermées suite à l’évaluation des enseignants contractuels?
Combien de classes sont fermées suite aux licenciements et aux démissions d’enseignants au primaire?
Quels sont le nombre total de classes multigrades créées suite à l’évaluation et le nombre d’apprenants concernés?
Combien a coûté (en FCFA) l’évaluation des enseignants contractuels et quelle est l’économie (en FCFA) faite par l’Etat du Niger aux mois de janvier, février et mars 2018 ?
Avez-vous évalué l’impact, même sommaire, de l’évaluation des enseignants sur la qualité des enseignements au primaire? Si oui, quel est cet impact?
Que comptez-vous faire pour ramener la sérénité dans le système éducatif ?
Veuillez recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de mon profond respect.