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Comment la France vient en aide au Niger pour lutter contre le terrorisme dans le Sahel

Publié le lundi 2 juillet 2018  |  Le Sahel
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© AFP par OLATUNJI OMIRIN
Une patrouille de soldats nigériens dans un camion au Camp Kabalewa réfugiés
Vendredi 13 mars 2015. Camp Kabalewa. Niger
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Un trou en pleine tête. Des yeux révulsés. La photo du cadavre du terroriste est projetée, en grand, sur le mur de la salle de classe. Samna Chaibou en a vu d’autres. « Regardez bien la bombe sous sa veste, insiste donc le procureur de Niamey. Vous voyez les câbles ? Quand vous rencontrez quelqu’un qui recherche des fils électriques, cela doit attirer votre attention… »
C’est plus une évidence qu’un cours magistral d’antiterrorisme. Pourtant, les seize élèves encravatés de la toute nouvelle École de formation judiciaire du Niger s’appliquent à recopier, mot pour mot, la leçon dans leurs petits cahiers à grands carreaux. Même les conseils les plus basiques sont bons à prendre, vu l’ampleur de la tâche qui les attend, d’ici un an, quand ils seront diplômés.
Avec seulement 398 magistrats et 145 avocats pour 20 millions d’habitants, le Niger connaît actuellement une crise judiciaire d’autant plus grave que ses 6.000 kilomètres de frontières sont gangrenés par les mouvements terroristes. Boko Haram à l’est. Al-Qaïda au Maghreb islamique au nord. Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), à la frontière avec le Mali. Sans parler du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) ni des trafiquants de migrants en tout genre…

Seuls 10 % des 1.400 terroristes arrêtés ont été poursuivis
Pour prévenir les risques d’attentats, des plots en béton ont été installés devant les grands hôtels de Niamey, la capitale du pays. Des gardes veillent et inspectent chaque véhicule jusqu’à l’intérieur des boîtes à gants. Mais ce n’est qu’une goutte d’eau au milieu du désert sécuritaire et surtout judiciaire. « La chaîne pénale est complètement défaillante », se désole un diplomate français. Pour y remédier, l’Agence française de développement (AFD) -que 20 Minutes a accompagnée sur le terrain- mène donc actuellement un projet d’appui à la justice, doté de six millions d’euros de fonds d’urgences européens.

« Il faut commencer par revoir toutes les procédures, explique Franck Leroy, chargé de mission pour l’AFD. Bien souvent, la plupart des suspects sont libérés en raison de vices de forme… »
Pour éviter ça à l’avenir, le Niger apprend doucement. Des formulaires préremplis ont été distribués aux forces de sécurité. « Ils n’ont plus qu’à cocher oui ou non désormais quand ils arrêtent quelqu’un, précise Samna Cheibou. Cela permet d’éviter les erreurs. » Et puis, on leur a également expliqué qu’ils ne pouvaient pas perquisitionner une maison sans avoir, au préalable, obtenu l’accord d’un juge. Ou encore que cela ne servait à rien de saisir tous les téléphones portables sans avoir noté, au préalable, à qui ils appartiennent…

Le juge se trouve à 1.500 kilomètres des témoins à auditionner
Mais le Niger souffre aussi d’un autre problème contre lequel il ne peut rien : l’immensité de son territoire. « La majorité des terroristes se revendiquent de Boko Haram et sont dans la région de Diffa (sud est), explique Gingarem Morou, inspecteur général des services judiciaires. Mais les juges antiterroristes sont, eux, à Niamey, à 1.500 kilomètres de là ! Ils ne peuvent même pas entendre les témoins… Cela ne va pas. »
C’est aussi un problème pour couper les routes menant à la Libye qu’empruntent régulièrement les trafics de migrants. Ainsi, l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes se félicite d’une amélioration de la situation. Elle assure n’avoir trouvé « que » 80 cadavres de migrants dans le désert en 2017 contre plus de 900 les années précédentes, sans se douter que les trafiquants empruntent aujourd’hui, selon plusieurs experts internationaux, d’autres chemins le long de la frontière avec le Tchad…

Autant de difficultés que devrait évoquer Emmanuel Macron, en déplacement, ce lundi, en Mauritanie pour un déjeuner avec les pays de l’Union africaine consacré à la sécurité dans la région. « La France reste impliquée pour aider les pays de la région à assurer la sécurité de leur zone, confie un conseiller à l’Elysée. Le projet d’appui de la justice au Niger va dans ce sens. »
Et après quelques mois passés à tenter de restructurer tous les échelons de la justice, il semble porter ses premiers fruits. Selon le procureur de Niamey, les premiers procès de terroristes ont enfin débuté. « Et contre ceux-là, on a de sérieux indices… »
Ce reportage a été écrit dans le cadre d’un voyage effectué à l’invitation de l’Agence française de développement.
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