TILLABÉRI - Quelques gorgées de lait hyper-vitaminé et des piqûres ont suffit à ramener à la vie la petite Salimata, 20 mois, agonisante à son admission au centre de lutte contre la malnutrition de Tillabéri, dans l’ouest du Niger. Chétive, le souffle court, les yeux révulsés, ses petites mains restent agrippées au sein de sa mère Oumou, âgée de 20 ans, dont c’est le premier enfant. La petite se tranquillisant, Oumou, hagarde à son arrivée, se reprend à espérer et à sourire, la tête recouverte d’un voile gris fleuri, dans un coin des urgences.
"C’est une rechute. Ma fille faisait déjà partie d’un programme pour malnutris", explique-t-elle en djerma, une langue locale, à l’AFP, avant de remercier le centre pour lui avoir sauvé la vie.
Dans les salles voisines, d’autres mères, visiblement angoissées, aèrent à l’aide de petits éventails leurs enfants amaigris et convalescents allongés sur des lits. Tous souffrent de malnutrition sévère.
"C’est la forme la plus fatale pour les enfants de moins de cinq ans, lorsque l’insuffisance de l’alimentation se greffe à des maladies telles que le paludisme, les diarrhées ou les pneumonies", explique la responsable du Centre, Mariétou Adamou.
A la fin de l’été, Tillabéri, proche du fleuve Niger, connaît un début de pic paludéen.
Chaque année à la même période, les chiffres de la malnutrition s’affolent alors dans cette zone semi-aride située à une heure de route de Niamey et souvent confrontée à une grave crise alimentaire.
La faute à un "cercle vicieux infection-malnutrition", l’une provoquant l’autre et vice versa, selon Guido Cornale, le responsable de l’Unicef au Niger.
A Tillabéri, 101 malnutris "sévères" ont ainsi été hospitalisés en septembre, contre 55 en août.
Il existe environ 2.000 centres au Niger comme celui de Tillabéri, souvent adossés à une ONG. Des relais dans les villages font également du dépistage et tentent d’éduquer les populations, notamment à l’hygiène ou à l’allaitement maternel exclusif. Des cliniques mobiles sont en projet.
Gouvernement et bailleurs tentent de resserrer le maillage sanitaire au maximum, l’éloignement par rapport aux points de santé étant une cause importante de mortalité chez les enfants malnutris.
"S’il y a un malnutri au Niger, on le traque et on le prend en charge aussitôt", affirme Sanoussi Atte, un responsable du ministère nigérien de la Santé.
Résultat : le taux de guérison a atteint 85%, selon l’Unicef. Ce qui n’a pas empêché plus de 2.500 enfants de moins de 5 ans, dont une grande partie étaient des nourrisons, de mourir des suites de la malnutrition entre le 1er janvier et les premiers jours de septembre, sur plus de 250.000 traités.
"Un travail sans fin"
"Conscientes des risques mortels courus par leurs bébés, de plus en plus de mères affluent dans les centres de renutrition", constate Mariétou Adamou.
"Certaines femmes parcourent de longues distances, souvent à pied", pour rejoindre l’un de ces lieux, constate Boureima Hamadou, expert à l’Unicef de Niamey.
Les enfants y reçoivent gratuitement des rations alimentaires hebdomadaires, notamment du +plumpy nut+, une pâte énergétique à base d’arachide et à haute teneur en protéines, ainsi que des médicaments et de la vitamine A.
"Les efforts réalisés par le gouvernement, les ONG et les agences des Nations unies ont abouti à augmenter de manière considérable - inégalée sur le continent africain et probablement dans le monde - les capacités de prise en charge de la malnutrition aiguë au Niger", observe l’Unicef.
Quelque 500,000 enfants sont ainsi soignés chaque année par le système de santé, toutes formes de malnutrition confondues, de même source.
Mais les centres se multipliant, "de plus en plus d’enfants malnutris s’y présentent", certains "si faibles qu’il est déjà trop tard", regrette l’Unicef, qui qualifie la lutte contre la malnutrition au Niger de "travail sans fin".
Dans ce pays, la malnutrition chronique, qui compromet le développement physique et cognitif, touche 1.6 million d’enfants de moins de 5 ans, soit près d’un sur deux.