« Putschistes » ! C’est ainsi que Mahamadou Issoufou a qualifié les acteurs de la société civile lors de son passage à Paris, après sa rencontre avec son homologue français qui a daigné enfin le recevoir. Des propos qui ne reflétaient pas du tout la réalité, tant ils étaient déplacés. Arrêtés le 25 mars 2018, les principaux acteurs de la société civile en fronde contre la loi de finances 2018, jugée antisociale par une large majorité des populations nigériennes, et la mauvaise gouvernance, viennent de recouvrer la liberté. Suite au délibéré du tribunal de grande instance hors classe de Niamey, d’hier, mardi 24 juillet 2018, Nouhou Mahamadou Arzika, Ali Idrissa, Moussa Tchangari et Me Lirwana, ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis. À préciser que le 4e continue à garder prison suite à sa deuxième condamnation. Autant dire, au vu de la hargne utilisée par le pouvoir de Niamey contre ces citoyens dont le seul tort est d’exercer un droit constitutionnel, qu’ils sont innocents aux yeux du juge. Certains ont d’ailleurs été purement et simplement relaxés. Quatre mois gratuits de détention préventive, de privation de liberté, ce que l’homme a de plus cher. Ainsi, donc, les « putschistes » de Mahamadou Issoufou sont libres. Les mots n’ont alors plus leur sens. Cet intermède a tout de même permis de connaitre davantage la mentalité et la vraie face des maitres de Niamey. Prédation des ressources nationales, violations constantes des lois et règlements de la République, endettement irréfléchi et vertigineux du pays, collusion avec des trafiquants de toutes sortes. Sur fond de préservation d’intérêts purement personnels et claniques au détriment de l’intérêt général, et une dérive autoritaire digne des régimes staliniens. Conscients que leur gestion est aux antipodes des règles de bonne gouvernance, les camarades deviennent très allergiques, n’hésitent pas à détourner les appareils d’Etat pour charger gratuitement les citoyens libres, et usent de délations et d’accusations mensongères pour les priver de leurs droits élémentaires. Sinon, qu’ont dit et disent les acteurs de la société civile ? Ils ne demandent que le respect des lois et des aspirations du peuple, la bonne gouvernance. Ils disent tout simplement que le Niger est mal géré et la loi de finance 2018 est antisociale.
Pendant que les multinationales qui se font des milliards chaque jour sur le dos des Nigériens sont exonérées, la répression fiscale s’abat sur les citoyens nigériens, appauvris, et spoliés par sept ans de gestion mafieuse. Voilà ce que dénoncent les acteurs de la société civile et bien d’autres Nigériens. Et, comme à l’accoutumée, le pouvoir de Niamey, coincé de toutes parts, vomi à l’intérieur comme à l’extérieur, parle de complot, de coup d’Etat, de déstabilisation des institutions de la République, d’insurrection, de « militaires ethnicistes » et même de « juges corrompus ». Sans oublier les montages grossiers, comme la prétendue attaque du domicile de Ben Omar. À chaque fois, après ces propos dont aucune preuve ne sera jamais fournie, des Nigériens, opposants, membres de la société civile et journalistes, sont jetés en prison, pendant des mois, voire des années, avant d’être libérés par le juge, pour non-lieu. L’exemple du verdict d’hier est assez illustratif et donne à réfléchir. Car, il dément de la plus belle manière les propos tenus à Paris par Mahamadou Issoufou qui traitait les acteurs de la société civile de putschistes qui ont « souhaité organiser des marches à minuit pour le renverser». Pour les acteurs de la société civile, le combat ne fait que commencer. De retour à Niamey, Nouhou Arzika, au regard de la mobilisation faite à l’occasion de leur accueil, a affirmé que « les objectifs poursuivis par ceux qui nous ont embastillés n’ont pas été atteints. Par contre, nous, nous avons atteints nos objectifs ». Et de finir en disant : « la lutte continue ». D’ailleurs, elle n’a jamais été arrêtée ». Pour Moussa Tchangari également, c’est la même rengaine : « Nous continuerons à nous battre, et nous sommes certains que notre lutte ne sera pas vaine. Elle fait déjà peur aujourd’hui, demain, elle nous apportera les fruits doux d’un pays enfin véritablement démocratique ». Pour Moussa, ceux qui ont orchestré leur détention sont « prisonniers de la peur, de leur attachement aux biens matériels ». Avis donc à ceux qui ont déjà crié victoire, à ceux qui ont affirmé avoir réglé leurs comptes aux « Putschistes ». Avis à ceux qui pensent que même dans l’Etat démocratique, le droit est une question de rapport de force physique et non une application intelligente des dispositions légales déjà établies.