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Niger-USA : lancement du MCA, des milliards de financement et un droit de regard pour l’Oncle Sam

Publié le mardi 7 aout 2018  |  Tamtam Info
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© Autre presse par DR
Conseil d’Administration du MCA Niger Pour une bonne mise en œuvre du Compact
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Le président nigérien Mahamadou Issoufou a lancé, dimanche 5 Août, les activités du programme Compact Niger, un projet de soutien à la croissance économique financé par les USA à travers le Millenium Challenge. D’une enveloppe de 250 milliards Fcfa, il cible près de 4 millions de personnes vivant en majorité dans les zones rurales, mais donnent aussi un droit de regard à l’Oncle Sam sur des questions internes notamment les droits de l’Homme et la bonne gouvernance.

C'est par une cérémonie solennelle, célébrée en grande pompe et très riche en couleurs, qu'ont été lancé, dimanche 5 août à Margou au sud de Niamey, les activités du programme Compact Niger (MCA) de l'initiative américaine Millenium Challenge Corporation (MCC). Pour l'occasion, le chef de l'Etat, Mahamadou Issoufou, a fait spécialement le déplacement en compagnie de plusieurs membres de son gouvernement, ainsi que de l'ambassadeur des Etats-Unis au Niger, Eric Whitaker, et de Jane Hauch, vice-président du MCC qui était en visite de travail dans le pays.

Pour les autorités nigériennes, il y avait en effet de quoi marquer d'un cachet particulier cet événement, car en plus du montant important du financement, de son impact sur la stratégie de développement de «la Renaissance», l'éligibilité du Niger au programme constitue une bonne appréciation du gouvernement américain sur la gouvernance politique et économique du pays.

D'un montant de 437 millions de dollars soit 250 milliards de francs CFA environ étalé sur quatre années, entièrement financé grâce à un don du gouvernement américain, le programme vise la réduction de la pauvreté à travers la croissance économique. Près de 4 millions de personnes sont ciblés par les interventions du Compact Niger, qui concerneront des secteurs comme l'irrigation, l'agrobusiness et les transports à travers 3 régions du pays. Intervenant en marge de la cérémonie de lancement du programme, le président Issoufou a estimé devant les médias, que cette initiative traduit « l'excellence de la coopération » entre les USA et le Niger.

« Cette coopération reflète notre conscience commune de la liaison étroite qui existe entre sécurité et développement et intervient en effet dans ces deux secteurs. (...). Nous allons continuer à faire des efforts pour mériter la confiance de nos amis américains en promouvant la bonne gouvernance, un des objectifs du programme de Renaissance. Il s'agit pour nous de poursuivre cet effort de consolidation, de renforcement de la bonne gouvernance politique et économique de notre pays », a déclaré le président Mahamadou Issoufou.

Prime à la bonne gouvernance

Le MCC est une initiative américaine qui consiste en un partenariat avec les pays qui ont réalisé une certaine performance dans les domaines de la bonne gouvernance, dans la gestion des affaires publiques, la création d'un environnement favorable à l'initiative privée, et l'engagement de l'Etat à faire des investissements conséquents dans le secteur social. Elle se décline surtout en un important financement auquel les pays bénéficiaires ont droit, une fois qu'elles ont remplies les critères d'éligibilité qui reposent notamment sur la stabilité politique du pays, la promotion des droits de l'Homme et de la bonne gouvernance, de la démocratie et surtout d'ouverture économique. Plusieurs pays africains en bénéficient déjà, d'autres sont en instances alors que beaucoup ont été recalés en attendant de meilleurs résultats dont l'appréciation reste du seul ressort de l'administration américaine.

Pour le gouvernement nigérien, le lancement des activités du programme Millénium Challenge Account (MCA-Niger) est un réel motif de satisfaction puisqu'il couronne les efforts du gouvernement pour le respect des critères du MCC. « L'approbation de ce don, d'un montant colossal, récompense donc les efforts et les progrès accomplis par le Niger en matière de gouvernance politique, économique et sociale », a souligné en ce sens, Ouhoumoudou Mahamadou, le ministre directeur de cabinet du Président et par ailleurs, PCA du MCA-Niger.

Selon le ministre, le mérite revient en priorité au président Issoufou, « qui sitôt investi en Avril 2011, s'est fixé comme objectif prioritaire la qualification du Niger au Programme Compact du MCC, et a en conséquence, introduit les réformes nécessaires en matière de gouvernance politique, économique et sociale, organisé le suivi de leur mise en œuvre par des réunions régulières de haut niveau, et alloué les moyens financiers conséquents à l'équipe chargée de la préparation du Compact ». « Le pari a été tenu et le Niger fut qualifié dès Décembre 2015 », a ajouté, Ouhoumoudou Mahamadou, qui en attribue donc la paternité des efforts remerciés par les autorités américaines au chef de l'Etat.

Droit de regards

C'est pourtant dès le milieu des années 2000, que le Niger a commencé à frapper à la porte du MCC dont les critères de sélection relèvent à l'époque d'un vrai parcours de combattant pour bon nombre de pays. Le processus a d'ailleurs été rompu en 2010 à la suite de la période d'instabilité institutionnelle qu'a connu le pays, avant de reprendre au lendemain des élections générales de 2011.

Avec l'éligibilité du Niger et le lancement des activités, le régime de Niamey a toutes les raisons de jubiler. Toutefois, c'est aussi un défi que s'impose le gouvernement qui devra désormais se soumettre à l'appréciation américaine sur sa politique notamment en matière de droits humains. La tâche ne s'annonce pas du tout aisée si l'on tient compte des exigences pour le respect des critères et que Niamey a d'ailleurs eu à connaitre il y a quelques semaines. Fin juillet, alors que se tenait le procès des activistes de la société civile qui dénonçaient la loi des finances et la mauvaise gouvernance, des membres du Congrès américain des deux partis, républicains et démocrates, ont saisi le secrétaire d'Etat, Mike Pompéo, à intensifier les pressions sur les autorités nigériennes pour la libération des détenus.

Le 24 juillet, date du prononcé du verdict, les principaux acteurs de la société civile ont été condamnées à 6 mois de prison dont 3 avec sursis et sont aussitôt sortis de prison. Si le gouvernement se défend d'avoir subi « toute ingérence ou pression extérieure dans cette affaire qui relève de la justice »,le sénateur Cory Booker, membre du Comité sénatorial des affaires étrangères et haut-démocrate du sous-comité sur l'Afrique et la politique de santé mondiale, s'est réjoui de cette libération tout en appelant l'administration américaine à continuer à surveiller l'évolution de la situation des droits humains dans le pays.

« Il est encourageant de voir le gouvernement nigérien libérer un certain nombre de militants qui ont pacifiquement exercé leur droit démocratique à la liberté d'expression », a estimé le sénateur Booker, pour qui il est important que les États-Unis qui sont en train de développer leur coopération en matière de sécurité avec le Niger continuent à faire pression sur la protection des droits de l'Homme et la bonne gouvernance. « Nous exhortons le département d'Etat à soutenir les leaders de la société civile emprisonnés pour avoir exercé leur liberté d'expression, d'association et de réunion, qui sont protégés par la constitution Nigérienne et les normes internationales des droits de l'homme » ont plaidé les congressistes américain, qui ont demandé à l'administration américaine en « d'envoyer un signal fort et sans équivoque au gouvernement du Niger afin qu'il réaffirme son engagement en faveur des droits de l'Homme en libérant les militants de la société civile arrêtés et en arrêtant les poursuites contre les citoyens ».

La position des sénateurs et représentants américains a fait couler beaucoup d'encre à Niamey. Au delà des interprétations qu'elle a soulevé au niveau de l'opposition politique et de la société civile qui voit, par là, une condamnation de la gouvernance du président Issoufou, l'épisode a été une illustration parfaite du droit de regard que peuvent s'accorder désormais l'administration américaine dans la politique interne du pays. Une donne que le gouvernement du Niger comme des pays bénéficiaires du « don américain » sont obligés de se soumettre comme contrepartie, comme le dit le dicton local selon lequel, « la main qui reçoit est toujours en dessous de celle qui donne ».
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