Située à une cinquantaine de kilomètres de Tahoua, la commune de Badaguichiri dans le département d’Illéla vit en ce mois de septembre 2013, comme la plupart des villages nigériens, une intense activité champêtre. A notre arrivée aux environs de 14h, il y avait très peu de monde dans les ruelles de cette bourgade. « Beaucoup de jeunes sont allés en exode, ceux qui sont là sont occupés par les travaux champêtres », nous a confié un habitant.
Au CSI, des femmes assises par petits groupes à l’ombre des neem attendent pour certaines des soins ou pour elles ou pour leurs enfants. D’autres sont venues elles, accompagner des proches malades ou en état d’accouchement.
Hadjara, la trentaine est assise sur une natte à côté de sa fille de 04 ans qu’elle a transportée ce matin au Csi. L’enfant est atteinte de paludisme. Elle respire difficilement et a une forte fièvre. Sa mère, le regard triste, tente avec un éventail en plastique, de chasser les mouches qui bourdonnent autour de la fillette affalée sur la natte qui sert ici de lit d’hospitalisation.
Hadjara a déboursé 880f pour payer les produits prescrits par le médecin du centre. Pas grand-chose. Juste quelques ampoules injectables et du paracetamol. Et pourtant, l’enfant de Hadjara devait bénéficier comme tous les enfants de 0 à 5 ans, des soins gratuits ! Aboubacar Mahamadou Aminou, le jeune médecin responsable du Csi se dit embarrassé par la situation qu’il gère quotidiennement. « Actuellement, nous a-t-il dit sur un ton pathétique, nous sommes au pic du paludisme avec plus d’une centaine d’enfants de moins de 5 ans en consultation par jour. Nous sommes, depuis le 15 du mois passé, en rupture de médicaments. Ce matin, le président du Coges, en l’absence du trésorier, est allé versé environ un million de francs à la caisse commune du district à Illéla. 60% de cette somme sont constitués des factures de la gratuité, et le reste en cash. Mais face à la situation que nous vivons à Badaguichiri, le président n’a pu obtenir que quelques produits de la pharmacie commune du district qui ne couvrent pas nos besoins. Quand les bénéficiaires de la gratuité se présentent ici, je suis obligé de leur dire qu’il n’ya pas plus de produits. Allez voir à la pharmacie du district d’Illéla à une vingtaine de kilomètres de là. Ces femmes préfèrent que je leur établisse des ordonnances pour qu’elles paient au niveau des centrales d’achat de la commune les produits que d’aller au district où elles ne sont pas sûres d’avoir gratuitement ces médicaments, car là-bas aussi, les ruptures sont fréquentes ».
Pour Yahaya Souleymane, président du coges, Badaguichiri souffre de ce système de caisse commune au niveau du district. « Ce matin, j’ai été à Illéla verser 400 000 francs cash mais je n’ai eu que des produits d’à peine de 100. 000f. C’est insuffisant. Avec l’affluence des bénéficiaires de la gratuité au csi, on ne peut même pas tenir la semaine, » relate t-il sur un ton de dépit.
Ouisseini Aboubacar, responsable du service développement communautaire de la mairie, pense aussi que Badaguichiri doit avoir sa propre caisse. « Nous voulons être indépendant vis-à-vis de cette caisse commune de district qui ne règle pas du tout nos problèmes de santé. Notre Csi reçoit des malades venant des autres départements comme ceux de Keita, Bouza et Tahoua. C’est dire que nous avons besoin de plus de ressources. Et pour ça, nous voulons vraiment avoir notre autonomie dans la gestion de la gratuité des soins ». Cet élu local ne tarit pas d’éloges à l’endroit de Médecins du monde France. Selon lui, c’est grâce aux appuis de cette Ong que le CSI arrive souvent à soulager les souffrances des femmes enceintes et des enfants à travers son initiative de « centime additionnel » et de prise en charge des accouchements.
A Edir, un village situé à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Tahoua, Alio Chini, un infirmier, chef du CSI, décrit une situation similaire : « Nous consultons plus d’enfants de 0 à 5 ans que d’adultes payant. Ce qui fait que nous sommes très souvent en rupture de stocks. Mais avec l’appui de certaines Ongs comme Concern, nous arrivons cahin cahan à joindre les deux bouts. Ce n’est pas facile surtout quand les remboursements de nos factures trainent ».
En dépit des énormes difficultés que connaissent les centres de santé dans leur fonctionnement depuis la mise en place de la politique de gratuité des soins, l’Etat enfonce davantage le clou en leur demandant d’évaluer la valeur des dons en médicaments qu’ils reçoivent des partenaires (Ong, organismes internationaux etc.) afin que ces sommes soient déduites des remboursements. Ce qui affecte encore plus l’exécution par ces formations sanitaires, de leurs paquets d’activités.