La Cour constitutionnelle, saisie par le gouvernement dans une lettre en date du 9 août 2018, pour avoir son avis sur le projet d'ordonnance portant abrogation de la loi n°2014-30 du 4 juin 2014 autorisant la ratification de la Convention cadre de crédit d'un montant d'un milliard de dollars, répond par un avis négatif. Dans l'avis n°20/CC du 13 août 2018, la Cour constitutionnelle dit que le projet d'ordonnance " n'est pas conforme à la loi n°2018-41 du 5 juin 2018 habilitant le gouvernement à prendre des ordonnances ". Le gouvernement justifie sa demande par le fait que " Cette Convention cadre de crédit n'a pas pu entrer en vigueur puisque certaines conditions cumulatives, notamment la signature d'un contrat de vente de brut aux chinois et d'une convention portant projet prioritaires à être financés, n'ont pas été remplies ". Clair et limpide. Sans entrer dans le débat juridique, soin aux spécialistes de la question de le faire, il est légitime de se poser des questions. D'ailleurs les nigériens n'ont pas cessé de s'interroger sur ce fameux prêt au vu de ses insaisissables contours. Pourquoi le gouvernement opte-t-il pour son abrogation ? Les chinois n'ont-ils pas tenu leurs engagements ? Se sont-ils rétractés en raison de la polémique que ce prêt plein de cachoteries de la part du gouvernement, a suscitée ?
Le point de départ de la polémique
En 2013, le ministre de l'intérieur, à l'époque Hassoumi Massoudou, destitue le président du Conseil de ville élu de Niamey, Oumarou Moumouni Dogari. Il est interpellé par la représentation nationale pour répondre de cette destitution au forceps. Dans sa réponse aux députés, le ministre de l'intérieur motive sa décision en invoquant le caractère dangereux des emprunts de la ville de Niamey auprès de certaines banques, des emprunts dont la hiérarchie n'était même pas au courant. Ce qui bien entendu était faux. En réplique, Hama Amadou, président de l'Assemblée nationale invoque pour la première fois le prêt Eximbank, un prêt de deux (2) milliards de dollars, sans que le peuple ni gérien, en fût informé, à travers sa représentation qui a pourtant comme missions, entre autres, le contrôle de l'action gouvernementale. C'était tout juste pour faire le parallèle avec le prêt contracté par le Conseil de ville de Niamey qui a été d'ailleurs salué en son temps à travers une cérémonie officielle à laquelle ont pris part des membres du gouvernement. Mais, avant de fermer la page, le président de l'Assemblée nationale a cru bon de préciser à l'opinion et aux secrétaires de séance dans le procès-verbal de séance de mentionner que le prêt est d'un milliard. " Et c'est un milliard que le Niger va payer ". Ce n'est sûrement pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Sur le coup, Hassoumi a tout simplement répondu que la convention passerait à l'Assemblée pour ratification. C'est après cette séance somme toute laborieuse pour certains que le gouvernement a organisé une communication abondante et maladroite pour apporter des démentis formels aux propos de Hama Amadou. Le prêt est d'un milliard de dollars et non deux. Est-ce pour mettre fin aux débats que les chinois ont poliment révélé le montant du crédit (deux milliards de dollars) dans une dépêche publiée par la très officielle agence de presse chinoise Xinhua, le 9 janvier 2014 ? " Le Niger et la Chine ont conclu des discussions engagées depuis longtemps entre le ministère nigérien du Plan avec Ex-Im Banque de Chine. C'est notamment un accord de prêt de l'ordre de deux milliards de dollars, environ 1000 milliards de FCFA 'pour servir à des investissements d'infrastructures de nature à accélérer le développement de notre pays', selon le ministre d'Etat nigérien en charge de la Coopération ", peut-on lire dans la dépêche du 9 janvier 2014, publiée par Xinhua.
Pourquoi le prêt n'a pas été consommé au point d'être contraint à l'abrogation de la convention ?
Le gouvernement demande l'avis de la Cour sur un projet d'ordonnance portant abrogation de la convention de prêt d'un milliard auprès de la Banque chinoise. La. Cour donne un avis défavorable, puisque non conforme à la loi d'habilitation. Toujours est-il que le fait que le gouvernement du Niger envisage l'abrogation de la Convention de prêt n'est pas fortuit. L'abrogation est même fortement motivée. Au-delà des motifs donnés par le gouvernement qui a toujours cultivé un flou désordonné autour de l'Affaire, la polémique et les discussions chaudes que le prêt a engendrées jusque dans l'hémicycle ont certainement mis la puce à l'oreille des chinois. Si le gouvernement ne reconnait pas les deux milliards, et que le peuple qui remboursera le prêt n'a connaissance que d'un milliard, alors il y a quelque chose qui ne va pas. Une raison pour les chinois de cultiver la prudence et attendre voir. En plus, tous ces prêts sont suivis par les institutions financières internationales avec lesquelles le Niger a signé des accords. Elles ont plusieurs fois alerté le pays sur le caractère pernicieux de ces emprunts irréfléchis avec des conditionnalités inacceptables et qui frisent le seuil de tolérabilité. C'est ainsi que le prêt congolais de 50 milliards, un prêt de gré à gré, a disparu en 2013 de la loi de finance, puisque les conditions ne répondaient pas aux normes que le Niger a pourtant acceptées en toute souveraineté.
Au surplus, vouloir prendre une ordonnance pour abroger hors session la convention est une autre cachoterie qui vise à toujours entretenir une totale opacité sur le prêt Eximbank. Le projet d'ordonnance portant abrogation de cette convention de prêt qui a tant fait couler d'encre vient encore une fois dévoiler la nature exacte de ceux qui nous gouvernent. Une gouvernance scabreuse, aux antipodes de la bonne gouvernance qu'ils ont tant exigée des autres quand ils étaient à l'opposition. Petit à petit, mais sûrement, les nigériens se rendent d'eux-mêmes à l'évidence que l'intérêt général est le dernier des soucis des camarades marxistes léninistes, admirateurs de Staline l'exterminateur. Mais tout ce qui est fait contre le peuple finira par se savoir et se payer. Y compris le 2ème milliard du prêt Eximbank de Chine. Car les cachoteries finissent toujours par être dévoilées surtout lorsque les intérêts stratégiques du peuple souverain sont mis en péril.