Un décret est tombé, impromptu, époustouflant!
Ce bout de papier signé de la main la plus haute de la République, ce document recherché, quémandé, qui fait et défait des vies, qui ouvre et ferme des carrières, qui donne accès au réfectoire national ou en interdit l’accès, ce décret est venu le 21 septembre 2018, nommant Monsieur Adal Rhoubeid, conseiller spécial avec rang de ministre à la présidence de la République.
Les décrets nommant le personnel de la présidence de la République sont légion, mais celui du 21 septembre portant une figure virulente de la nouvelle opposition au poste de conseiller spécial avec rang de ministre, est bien spécial, et mérite qu’on s’y attarde.
Il faut bien entendre que Monsieur Adal Roubheib est libre de ses choix, qu’il n’est point question d’entrer dans sa vie privée. On ne s’intéressera à ce décret et à son bénéficiaire que dans la mesure où ce décret et le choix de son bénéficiaire concernent la vie publique, la conduite des affaires nigériennes.
Autant qu’on se souvienne, les portes de la forteresse MRN Mouvement pour la Renaissance du Niger, majorité au pouvoir, furent pour la première fois défoncées par Monsieur Rhoubeid. Le désapparentement avec la mouvance présidentielle jeta le leader du Mouvement Démocratique pour le Renouveau (MDR-Tarna) dans les bras du Front des partis Politiques Non Affiliés pour l’Alternance Démocratique (FPNAD) en 2017.
Avec le boom des fronts politiques, il passa allègrement d’un front à un autre : du Front Démocratique et Républicain (FDR) au Front Patriotique (FP). Tous ces fronts s’affichent clairement dans le camp de l’opposition au régime de Mahamadou Issoufou.
Dans ce cadre, Monsieur Rhoubeid plus que les autres leaders de l’opposition, s’est fait remarquer par la virulence de son discours par ses charges assassines, ses sorties acerbes contre le régime en place.
Dans une vidéo récente, qu’il est loisible de visionner sur les réseaux sociaux, Monsieur Rhoubeid s’en prend au régime. Il dénonce sa faillite morale et son laxisme. Il traite les animateurs du régime de voleurs, de traîtres, il veut « balayer la racaille qui nous dirige » et souhaite les « mettre aux arrêts »
Il appeler la jeunesse nigérienne à se lever, à sortir de la léthargie pour accomplir ce dessein. Mais quel modèle offre-t-il à cette jeunesse nigérienne qu’il harangue?
Monsieur Rhoubeid appelle au changement, et il change : il rejoint par voie de décret ceux qu’il qualifie de voleurs et de traitres, ceux qu’il veut balayer et mettre aux arrêts. Pour un changement, c’en est un!
Monsieur Rhoubeid avait sans doute suscité quelques espoirs auprès de la jeunesse. Il projetait l’image de l’homme politique nigérien nouveau, la promesse d’une gouvernance nouvelle, mais il faut se rendre à l’évidence, l’homme n’a pas été à la hauteur des espoirs qu’il a fait naître.
Au demeurant, le cas Rhoubeid ne rend service ni à la politique nigérienne ni aux politiciens nigériens, encore moins à la jeunesse et aux populations nigériennes lassées d’assister, sur la scène politique, à un théâtre d’ombres dans lequel on projette des silhouettes de marionnettes manipulables à volonté. C’est la défiance à l’endroit de la politique et des politiciens qui s’accroit, c’est l’honorabilité de la politique qui prend un coup.
On trouvera, j’en suis persuadé, le moyen de justifier cet acte de retournement spectaculaire, en disant c’est de la politique!
Mais la politique, n’en déplaise à Machiavel, et à ceux qui contre son gré en ont fait le lieu où la fin justifie les moyens, demeure un engagement sincère pour œuvre au bien-vivre en cité, un engagement pour servir l’intérêt général, un engagement qui fait appel à l’exercice d’une dignité personnelle, une intégrité dans la gestion des affaires communes.
Il ne faut point se laisser distraire, il ne faut point se laisser aller au découragement ni au défaitisme. À côté de la politique entendue au sens noble, il y a toujours eu la politique politicienne, cette politique spectacle, cette politique qui se préoccupe plus des intérêts des politiciens et des partis politique que l’intérêt général.
De la même manière qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, un décret ne fait pas la vie politique.