Notre porte est grandement ouverte nous considérons qu'il n'y a aucun obstacle et nous devons nous retrouver, tous ensemble, dès la semaine prochaine, pour examiner les différents points qui font l'objet de contestation par certains partis politiques ", a annoncé le Premier ministre Brigi Rafini. Le propos a fait l'effet d'une bombe. Après avoir tenue la porte hermétiquement fermée, la majorité présidentielle, qui a établi entre-temps un autre mode opératoire (la loi de la majorité) que le traditionnel consensus sur les lois électorales, la déclare subitement ouverte. Que cache ce retournement soudain ? Contrairement aux rumeurs savamment distillées de prédisposition au dialogue ou de bonne volonté du pouvoir, le régime de Niamey a plutôt le feu derrière. Brigi Rafini a fait la déclaration de revirement alors que personne ne s'y attend, tant les dignitaires du régime font feu de tout bois dès qu'on leur parle du refus de l'opposition de cautionner un processus électoral sur la base du Code électoral actuel et de la commission électorale mise en place. Une loi que les partis d'opposition disent taillée sur mesure et une commission électorale dont les membres sont presque tous militants ou à la solde du PndsTareyya. Brigi Rafini a-t-il changé son fusil d'épaule uniquement pour faire valoir sa sagesse et son ouverture d'esprit ? " Aucun obstacle, je suis sûr, n'allait s'opposer à cet te volonté de rediscuter de cette question du code électoral ", a indiqué le Premier ministre nigérien, laissant perplexes tous ceux qui connaissent la rigidité de leurs positions antérieures. Pas plus tard que le samedi 7 juillet 2018, Mohamed Bazoum, ministre de l'Intérieur et président du PndsTareyya, a martelé, avec plein de dédain, que l'opposition est dans une posture négative et que ses membres, qui ne sont pas aussi représentatifs qu'ils le prétendent, doivent être réalistes et demander ce qu'ils peuvent obtenir, le maximum de choses qu'une opposition pourrait demander, mais pas de demander au pouvoir de se suicider et qu'il leur fasse la fleur d'aller au-devant de toutes leurs volontés fantaisistes ". C'était au cours de l'émission " Grands dossiers " de la Voix du Sahel, la radio d'État. Une chanson reprise en chœur par Kassoum Moctar, le président du parti CPR Inganci. Grand laudateur du régime en place et serviteur zélé de Mohamed Bazoum, l'ancien maire de Maradi, destitué et envoyé en prison pour détournement de biens sociaux, a écrit sur sa page facebook, le 15 août 2018, ce mot : " La question du code électoral et de la Ceni est derrière nous au niveau de la majorité présidentielle ". Kassoum Moctar, qui cherche manifestement des tuteurs politiques sûrs pour être à l'abri d'un départ inopiné du gouvernement, enfonce le clou en faisant cette précision à l'endroit de l'opposition politique : " À la vérité, tout le débat autour du code électoral est un faux débat ", précisant que le code électoral est impeccable.La messe est dite.
Le processus électoral serait-il dans l'impasse ?
" Ruser pour engager avec l'opposition politique des discussions sur le code électoral qui ne connaîtraient pas de fin et qui vont justifier l'impératif d'un report des dates des scrutins ", a confié un politique au parfum des manigances en cours au sein du pouvoir. Est-il convaincant ? Les faits le suggèrent. Le vendredi 21 septembre 2018, le CNDP version pouvoir de Niamey a écouté maître Souna Issaka et l'a copieusement arrosé de questions. Des échanges qui ont suscité plus d'interrogations et d'inquiétudes, légitimes, que d'assurances. Les acteurs politiques pensent et soutiennent qu'au regard du délai imparti à la Ceni, le fichier biométrique n'est plus possible pour les élections à venir. Pour mémoire, les scrutins pour les locales sont prévus pour le 13 janvier 2020. Une date qui, notent Wada Nafiou et madame Katambé Mariama, membres actuels de la Ceni, ne pourra pas être respectée. Leur inquiétude, clairement exprimée dans un document qu'ils ont signé sous le titre de " Vision et contributions ", est corroborée par des informations fiables parvenues à la rédaction du Courrier et qui font état de deux mois de retard ferme accusé par la Ceni. Selon les mêmes indiscrétions, les audiences foraines n'ont pas permis de satisfaire¼ des besoins qui sont immenses. En fait, elles ne marchent pas. Outre que la Ceni a entrepris quelques missions timides pour remédier à la situation et booster le processus, la récente réunion du CNDP a d'ailleurs reconnu la nécessité de faire davantage de communication sur la question en vue d'accélérer l'enregistrement des citoyens ne disposant pas d'actes d'état-civil. Les agents chargés de l'enregistrement ne bénéficiant d'aucun émolument, certains ont développé un business autour de l'affaire. Si maître Souna a rassuré sur le respect des délais par la commission électorale, il est loind'avoir convaincu son auditoire. Il en est de même de Brigi Rafini qui a dit, probablement sans y croire, " qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter ". Et pourtant Selon toute vraisemblance, l'histoire s'accélère et risque de se jouer de certaines personnalités. C'est le cas de Mohamed Bazoum qui a pris du plaisir, dans l'émission " Grands dossiers " de la Voix du Sahel, à rappeler que le fichier biométrique est un engagement du Président Issoufou. Or, selon des informations dignes de foi, cet engagement ne sera pas tenu. Quant à Kassoum Moctar, qui ne tarit pas de flèches contre l'opposition sur la question, il doit être au regret de constater que son zèle n'a servi à rien.
La réalisation du fichier biométrique pose problème
La convocation d'une réunion extraordinaire du CNDP, à l'initiative du pouvoir, resté jusqu'ici catégorique et intransigeant, est surprenante à plus d'un titre. Qu'est-ce qui a pu changer entre temps pour que les discours agressifs et méprisants se transforment subitement en appels pressants et altruistes ? En réalité, le fichier biométrique pose problème. Selon nos sources, d'énormes obstacles se dressent sur la voie de sa réalisation et le délai pour le faire ne laisse aucune chance à la commission électorale face à son chronogramme. Le revirement spectaculaire du pouvoir de Niamey tient à ce constat. Selon notre source, la volonté affichée du pouvoir de se prêter à des discussions "sincères" avec l'opposition sur les questions qui fâchent ne serait que pure feinte. Il s'agirait de trouver, dans des débats interminables et stériles, la justification à une révision du calendrier électoral. Les difficultés d'ordre technique ne sont pas isolées. La question financière est un autre goulot d'étranglement. Les caisses de l'État sont vides et le gouvernement peine, depuis des mois, à honorer bon nombre de ses engagements. Et si le compterendu fait, et largement popularisé par les communicants du régime, n'étale pas clairement l'obstacle financier, il le laisse entrevoir. En déclarant que " le gouvernement prendra toutes les dispositions pour que ce financement soit assuré par les ressources nationales ", Brigi Rafini n'a pas rassuré ses vis-à-vis, la situation financière chaotique qui prévaut étant un secret de polichinelle. Son propos a d'autant inquiété davantage qu'il a été question, lors des échanges, de changements éventuels du chronogramme. Pudiquement dénommé " l'assistant " dans le compterendu, l'opérateur technique a convenu, rapporte-t-on, de créer au niveau de la Ceni un espace de dialogue permanent dans le cadre duquel les partis politiques seraient régulièrement informés des modifications du calendrier électoral. Si le pouvoir de Niamey cherche à arrondir les angles à travers la foire d'empoignes qu'il a décidé d'instaurer pour noyer le poisson dans l'eau, il reste à savoir si l'opposition, toutes tendances confondues, tomberait dans le panneau.