« Se ranger » est une expression chez nous qui désigne la conduite d’une personne qui, après avoir pataugé dans les eaux troubles de la vie, arrive enfin à se résoudre à rester sage. Ainsi dira-t-on d’un tel qui s’est rangé qu’il a tourné la page aux vieux démons du passé.
C’est l’histoire de Sanda qui aujourd’hui savoure ses 55 ans au milieu de sa famille, oh combien pléthorique, tant par le nombre des enfants que celui des femmes. Quatre épouse, c’est le nombre de femmes que Dieu a autorisé un musulman à prendre, c’est aussi le nombre d’épouses de Sanda. Quatre femmes qui du reste n’ont rien à se reprocher tant dans leur beauté que dans la tenue de leur corps resté encore appétissant malgré leur âge avancé. Au fait, les femmes de Sanda savent toutes les quatre que leur mari est un vrai amateur de la bonne chair. Aussi ont-elles pris soin de rester Bastos, c’est-à-dire toujours jeunes. Chacune d’entre elle s’est déployée avec les moyens de bords pour garder les traits dodus de sa jeunesse. Chacune sauf naturellement Habsou la toute dernière qui n’a absolument besoin d’aucun subterfuge, d’aucun produit ghanéen pour se maintenir en forme.
En réalité, Habsou est une véritable bombe en toute matière, que ce soit pour sa beauté ou pour ses formes rondelettes qui feraient tourner la tête à n’importe quel mâle, qu’il se soit rangé ou pas. Il y en a bien de ce genre de femmes dont vous avez l’impression que ce sont elles-mêmes qui auraient donné consigne à Dieu pour modeler leur corps. Et, avoir à faire à ce genre de femme revient tout simplement à avoir à ranger mille et un problèmes car elles tapent fortement dans les yeux des hommes ; et l’homme étant ce qu’il est, elles font preuve d’un harcèlement à toute épreuve. Pour homme jaloux, s’abstenir d’épouser une jolie femme de la classe de Habsou l’épouse du vieux Sanda. Eh oui, les enfants et les neveux ne l’appellent plus que par ce nom dégradant bien qu’à 55 ans, il reste encore jeune sous certains cieux. Le mariage du vieux d’avec Habsou a eu lieu il y a juste un an, au moment où Sanda a décidé de court-circuiter sa carrière en prenant une retraite anticipée.
Il avait jugé qu’il ne pourrait pas boucler encore cinq années avant de prendre son repos définitif. C’est à ce moment, avec l’argent de la retraite qu’il a épousé Habsou. Quel faste ! Surtout, quels combats car, elles étaient nombreuses les scènes de disputes et de bagarres que Sanda a essuyées avant de réussir à s’approprier Habsou. Des concurrents de tout acabit ont failli lui prendre sa dulcinée pour hypothéquer son mariage. Le dernier surtout, était un jeune étudiant qui poursuivait ses études à Dakar mais qui revenait le temps des vacances pour tourner en rond autour de Habsou. Le dernier retour de cet effronté a failli tourner au drame car Sanda a juré de mettre fin à ses jours si jamais il ne cessait de fréquenter Habsou. L’énigme est que ni Sanda ni cet effronté ne pourrait dire qui est l’autre. Jamais ils ne se sont rencontrés chez Habsou. Sanda était juste informé par la soeur de Habsou, une qu’il a corrompue pour le tenir au courant des faits et gestes de sa dulcinée.
C’est cette soeur qui lui annonçait que Habsou recevait un étudiant à son insu, comme pour dire « Elle n’est pas sérieuse ; prends-moi ». Oh Dieu ; à quelle étape sommesnous aujourd’hui où deux soeurs peuvent se concurrencer au point de se faire mal pour un mâle ? Aujourd’hui, Habsou vit chez Sanda et elle fait le bonheur de ses vieux os. La seule inquiétude de Sanda est ce jeune étudiant rentré définitivement au pays. En vieil expérimenté en matière d’amour, Sanda sait très bien que la flamme amoureuse reste la seule au monde que les pompiers n’arriveront jamais à éteindre. Surtout que la soeur de Habsou avait repris du service et elle l’avait informé que sa femme a repris à voir le jeune homme. D’abord scandalisé, Sanda s’est ensuite résolu à ne pas faire de scandale. Il savait très bien qu’il pourrait perdre sa dulcinée en agissant maladroitement. Un jour, la soeur de sa femme l’informe d’un rendez-vous arrangé entre les deux nostalgiques dans un jardin. Sanda se décide à les surprendre.
Et il le réussit fort bien car, au moment où les deux tricheurs voulaient se jeter dans les bras l’un de l’autre, il sortit de sa cachette. Surprise, le jeune étudiant n’est autre que le fils aîné de son frère, de sang et de lait.