Professeur des universités et agrégé de droit public, Alioune Badara Fall (photo) explique la nécessité pour l’Afrique d’avoir une constitution et une loi qui lui sont propres et cadrent avec sa culture.
Les constitutions africaines, notamment francophones sont généralement calquées sur celle de la France. Ces constitutions sont-elles adaptées à l’Afrique ?
Généralement, les constitutions adoptées en Afrique sont une copie de la conception française de 1958 qui avait été élaborée par le Général de Gaulle quand il est arrivé au pouvoir. Cette constitution effectivement a été transposée dans presque tous les pays d’Afrique francophone, pour deux raisons essentiellement. Premièrement, parce que de 1958 à 1960, ces Etats faisaient partie de ce qu’on appelait la Communauté française. Cette communauté n’a duré que deux ans (1958-1960) car elle a disparu et les pays africains qui la composaient (avec la France) ont accédé à l’indépendance. Ainsi, ils n’ont peut-être pas eu le temps de préparer leurs propres textes constitutionnels.
Deuxièmement, la plupart de ces chefs d’Etats ont été formés à la culture française, à l’école française. Houphouët et Senghor ont même participé à la rédaction de la constitution de 1958. Et donc, étant ministres et parlementaires pour certains d’entre eux, il était presque naturel que ces constitutions soient transposées dans leurs pays. Mais, il faut tout de suite préciser que cette transposition ne signifie pas qu’elle a été appliquée de la même manière qu’elle l’a été en France.
Dès les premières années d’indépendance, on a vu que les chefs d’Etats étaient très ingénieux et ont exploité cette constitution de manière à asseoir et renforcer leur pouvoir, pour s’y maintenir. En France, la constitution n’était pas appliquée de cette manière-là. Le Général de Gaulle avait modifié la constitution pour lutter contre la domination du parlement sur l’exécutif sous les 3e et 4e républiques. Il a rééquilibré le pouvoir des deux organes et a même, accentué celui de l’exécutif. Mais, pour les mêmes textes, on n’a pas eu les mêmes conséquences en Afrique. On le voit, pour un même texte, nous assistons à des applications ou utilisations différentes et des conséquences tout aussi différentes.... suite de l'article sur Autre presse