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Un pays en vente: le Niger au marché du Sahel

Publié le mardi 6 novembre 2018  |  blogs.mediapart.fr
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© Autre presse par DR
Ville de Niamey
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Nous vendons les meilleurs ognons du Sahel. C’est bien sûr pour apprendre à pleurer plus vite quand il le faut. Nous vendons de la viande d’excellente qualité, dommage trop chère pour les familles pauvres des quartiers de la capitale Niamey. Entre temps est en chemin le projet de bâtir dans la capitale un des abattoirs frigorifiques plus importants de la région . Nous vendons le sable à tous ceux qui voudraient s’installer, poliment, dans l’espace sahélien. Pour ce qui est du vent ce n’est pas un problème : il arrive gratuitement et il est offert à un prix modéré, selon les circonstances. On le donne aux citoyens et aux résidents occasionnels pendant toutes les saisons de l’année. Le tourisme, lu aussi en vente, il a été balayé par l’histoire des enlèvements des occidentaux et des groupes armées dans le nord du Pays, qui de la non- paix ont fait leur business.

Nous vendons les migrants aux meilleurs acheteurs de la place. Agences humanitaires, ONG surgies du néant, associations, clubs sportifs, journalistes d’enquête, chercheurs, anthropologues, chauffeurs, commerçants en gros et en détail, militaires et stratèges. Tous à la recherche d’eux, mieux si irréguliers, illégaux et surtout clandestins : ils seront mieux appréciés sur le marché du travail. On peut ajouter aussi les spécialistes des droits humains, ceux qui soignent les traumas post-migratoires, ceux qui s’occupent de rapatrier les migrants, les assistants sociaux, les sauveurs du désert par le téléphone jaune couleur de sable et, par finir, ceux qui dénoncent les abus dans camps de détention. A chacun son du et une portion des fonds alloués pour ‘humaniser’ les conséquences des politiques sur les migrations. Un marché sans fin, si l’on ajouté les spécialistes du contrôle du territoire.

Nous vendons aux intéressés notre position stratégique. Au cœur du Sahel, juste au sud de la Libye qui a été démantelée par des intérêts, l’Algérie qui d’abord vole et ensuite refoule les migrants, les réfugiés et les inconnus et aussi du Mali qui s’est transformé en autoroute pour la cocaïne, les armes et les groupes qui, armés. Le Nigéria qui, à cause de Boko Haram trouve des arguments pour justifier armes et argents pour ses troupes. Le Burkina Faso qui exporte la trahison de sa révolution et, aux limites avec le Niger s’aperçoit d’une terre sans la présence de l’Etat. Les experts militaires ont des rencontres, des réunions, des concertations et pour finir ils demandent des financements pour finalement intervenir. On le sait, pour certains tant qu’il y a la guerre il y a de l’espoir que tout change pour rien ne change. Nous sommes ici une garantie de stabilité dans un contexte friable, menaçant et donc intéressant pour les occidentaux et les chinois qui veulent bien mener leurs affaires au Sahel.

Nous vendons avec notre savoir- faire nos frontières. Millions d’euros afin de former nos chargés des contrôles. Maintenant on pense organiser des structures mobiles (migrantes) qui, dans le désert de sable et de cailloux, pourront finalement détecter, classer et étiqueter pour toujours ceux qui oseront franchir les frontières sans aucune permission. La Hollande avec 4 millions d’euros et l’’Allemagne avec 6, par exemple, ont récemment promis de financier les compagnies mobiles pour le contrôle des frontières (CMCF). La lutte à la criminalité et celle contre la migration irrégulière se trouvent dans le même sac, on fait l’amalgame et la différence s’évanouit. L’Union Européenne définit le projet de financement comme un geste politique ‘fort et clair’ vis-à-vis du Niger.

Nous vendons, enfin, ce que nous ne devrions jamais vendre. La dignité de notre peuple de sable qui mérite bien d’autre que la dernière place dans le classement sur le développement humain. Nous vendons la politique, la souveraineté, l’économie, l’histoire et le future des enfants qui sont nés dans cette portion de monde. Nous vendons ce pour quoi d’autres ont donné la vie, pour ceux qui ont cru en un Pays plus égalitaire et pour ceux qui, au moins pour une saison, ont espéré que l’histoire prenne une autre direction. On vend aussi Dieu à ceux qui pensent connaitre mieux que Lui ce que signifie être des vrais croyants. Nous vendons aux commerçants du coin les meilleures parties de la Constitution qui reconnait en tout citoyen le dépositaire du pouvoir. Nous vendons sans problème ce qui reste de la justice qui une fois semblait se profiler avec les indépendances.

La seule réalité qu’on ne peut pas vendre au Pays est la souffrance des pauvres parce qu’elle n’a pas de prix.

Mauro Armanino
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