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Afrique : au Sahel, pas de retour à la normale après la "grande sécheresse"

Publié le mardi 13 novembre 2018  |  L'Obs
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© Autre presse par Giulio Napolitano
Un terrain frappé par la sécheresse au Kenya.
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Le Sahel ne s'est jamais remis de la sécheresse qui a sévi des années 70 à la fin du XXème siècle, d'après trois chercheurs de l'IRD et de l'Université de Grenoble. En partenariat avec The Conversation.

Des années 1970 à la fin du XXe siècle, la région du Sahel a souffert d’une sécheresse dont la durée et l’intensité restent inégalées. Cette sécheresse a été particulièrement marquée entre 1970 et 1990, avec une baisse de la quantité de pluie annuelle de 200 mm en moyenne, soit un déficit de 50 à 60 % dans la partie nord de la région.

L’insécurité alimentaire qui en a résulté s’est traduite par des déplacements de population vers les régions plus humides au sud et les grandes villes, créant les conditions d’une instabilité sociopolitique encore manifeste aujourd’hui.

La sécheresse s’étant progressivement atténuée au cours des années 1990, on a parfois parlé d’un "retour à la normale". Certains auteurs ont même avancé que cette reprise des pluies était liée au réchauffement climatique, et que la hausse de la teneur en gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère favorisait le retour à des conditions plus humides sur le Sahel.

Ce lien de causalité est pourtant loin de faire consensus au sein de la communauté scientifique. D’une part, les modèles climatiques ne convergent pas vers une telle conclusion. D’autre part, la notion même de "pluie normale" peut être questionnée.

Un climat encore plus extrême
Deux résultats récents éclairent cette controverse scientifique d’un nouveau jour.

Tout d’abord, la pluie annuelle actuellement observée au Sahel reste inférieure de 10 à 15 % à ce qu’elle était lors des décennies humides 1950 et 1960, du fait notamment d’un déficit persistant d’événements pluvieux durant la mousson. Au seul plan des cumuls annuels, il semble donc difficile de parler d’un "retour à la normale".

Par ailleurs, cette reprise des totaux annuels au Sahel est due avant tout à une plus grande fréquence de pluies intenses : la dernière décennie a ainsi vu une augmentation de 40 % de la proportion de la pluie annuelle associée à ce type de pluie. Dans le même temps, la fréquence de jours pluvieux est restée inchangée par rapport à celle enregistrée durant la sécheresse, soit un déficit de 20 % en moyenne par rapport aux décennies antérieures.

Cette persistance d’un déficit d’événements pluvieux, conjuguée à un renforcement des pluies intenses, correspond typiquement à un climat plus extrême caractérisé à la fois par des périodes sèches plus sévères et des précipitations plus fortes quand il pleut.

Cette intensification du cycle hydrologique est conforme à la théorie de Clausius-Clapeyron, une atmosphère plus chaude contenant plus de vapeur d’eau et devenant plus explosive. Elle a été observée dans d’autres régions du monde, mais le Sahel semble être la région du continent africain où elle est la plus manifeste.

Récoltes aléatoires et migrations forcées
Ce nouveau climat a des conséquences particulièrement graves pour les populations sahéliennes, en rendant les récoltes plus aléatoires du fait de périodes sèches plus sévères en cours de saison des pluies et en augmentant la fréquence des inondations, soit localement, soit même à l’échelle de grands bassins. C’est ainsi que depuis une quinzaine d’années, des records de crue se succèdent sur le fleuve Niger à Niamey.

D’une manière générale l’Afrique de l’Ouest est le siège d’une recrudescence d’inondations meurtrières depuis une dizaine d’années, que l’on peut attribuer à l’effet conjugué de l’intensification pluviométrique et à des changements d’usage des terres. La déforestation, la réduction des jachères et l’urbanisation se conjuguent en effet pour diminuer la capacité d’absorption de l’eau par les sols, notamment en zone sahélienne.

Ces inondations sont à l’origine de déplacements de population ; en 2012, on estime à plus de 500.000 le nombre de déplacés au Niger suite aux crues exceptionnelles enregistrées cette année-là. Il s’agit de déplacements le plus souvent temporaires et sur des distances limitées (changement de quartier au sein d’une ville, changement de village à la campagne). Mais il n’est pas exclu que l’augmentation de leur fréquence sur le long terme agisse, au même titre que les sécheresses récurrentes, comme facteurs déclenchant de mobilités plus lointaines et définitives.

Aujourd’hui l’intensification climatique se manifeste tout d’abord sous forme de chocs localisés, dont les effets se propagent à l’ensemble de la sous-région, qui joue un rôle d’amortisseur. Avec l’augmentation continue des températures, l’ampleur de ces chocs et leur extension risquent de s’accroître, provoquant un déséquilibre socio-économique dans l’ensemble de la région.
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