Le mariage précoce persiste dans certaines régions du Sahel malgré les multiples projets mis en œuvre pour y mettre fin.
« Musulmans et musulmanes du Niger, les lâches promoteurs du “sexe pour tous” ayant rompu la fragile trêve, les associations islamiques se sentent en droit d’informer et de mobiliser les musulmans. » Cet extrait est issu d’une « déclaration des associations islamiques contre la dégradation des mœurs et l’introduction de l’éducation sexuelle à l’école », publiée le 25 mars 2017 sur le site Niger Inter.
Ces organisations prônent que cette « éducation » favoriserait une trop grande liberté sexuelle, contraire aux mœurs et pratiques religieuses, et serait par ailleurs fomentée par des agents étrangers. En même temps, ces associations s’opposent avec véhémence aux projets de loi interdisant « le mariage des filles de nos villes et villages avant l’âge de 18 ans ». Comment comprendre ces positions à première vue contradictoires ?
L’Afrique de l’Ouest, première région concernée
En 2014, le nombre de femmes mariées avant 18 ans est estimé à 700 millions, et plus d’une sur trois l’a été avant l’âge de 15 ans. La majorité des mariages précoces ont lieu dans les pays en développement. L’Afrique de l’Ouest est la région du monde où la prévalence est la plus élevée. Parmi les dix pays enregistrant les taux les plus élevés de mariages précoces, la moitié se situe dans cette région. Le Niger et le Mali sont les plus concernés avec une prévalence respectivement de 77 % et 61 % de mariages précoces.
Notre recherche au Mali et au Niger, réalisée en 2016 et 2017, a porté sur les causes profondes qui expliquent la persistance du mariage précoce. Pourquoi et comment le mariage précoce est-il pratiqué et pourquoi persiste-t-il dans certaines régions malgré les multiples projets mis en œuvre pour y mettre fin ?
Lire aussi « Halte aux violences faites aux femmes » : le cri de résistance d’une Guinéenne de 18 ans
Une méthodologie mixte d’enquête combinant approches qualitative et quantitative a réuni des chercheurs des deux pays aux profils divers pour une analyse comparative menée sur la base de quatre approches disciplinaires : socioanthropologie du développement, anthropologie de la santé, sciences de l’éducation et sciences juridiques.
Nos résultats sur le Niger et le Mali, publiés dans le rapport Filles pas épouses, reviennent sur les facteurs couramment pointés du doigt, mais en développant des aspects sous-jacents et des causes profondes non analysées habituellement et non prises en compte par les pouvoirs publics et les ONG intervenant sur ces questions.
La peur de tomber enceinte hors mariage
Les normes sociales locales au Niger comme au Mali influencent largement les logiques d’acteurs mobilisées dans les trajectoires matrimoniales des adolescentes. Dès la puberté, une fille non mariée est considérée comme une célibataire pour laquelle un conjoint est souhaitable et, passé 15 ans, cette situation est perçue comme constituant un problème. Durant l’adolescence, la principale crainte des parents est que leur fille puisse tomber enceinte hors mariage. En effet, l’idéal de virginité est loin d’être réalisé dans la pratique.
La présence d’« enfants naturels » dans les familles est perçue comme une grande honte, d’autant plus que la honte est un régulateur social majeur, lié au regard des proches. Le terme de « bâtard » reste une injure grave. En même temps, l’avortement est moralement condamné, en particulier en raison de l’idéologie religieuse dominante, l’islam.... suite de l'article sur LeMonde.fr