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Lettre ouverte au Président de la délégation spéciale de la ville de Niamey

Publié le mardi 22 janvier 2019  |  ActuNiger
Mamoudou
© Autre presse par DR
Mamoudou Mouctar
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Il faudra s’occuper du phénomène de la mendicité à Niamey sans plus tarder…

Nous aurons commis une grave erreur si nous croyons que nos propres enfants, scolarisés dans les meilleures écoles et à l’abri de tout besoin, dormiront sur leurs deux oreillers, savourant la vie que nous leur entrevoyons alors que nous ne faisons rien pour ceux-là, laissées à eux-mêmes et baignant dans la mendicité.

Monsieur le Président,

Il ne m’est pas difficile d’imaginer que dans vos nombreuses occupations professionnelles, certaines questions d’intérêt de vos concitadins restent aux arrière-plans. Il est alors de leurs devoirs intellectuel et citoyen de vous interpeller, en tant que premier responsable de la ville, lorsque ces questions deviennent des préoccupations majeures. Et c’est le cas de le dire. Ainsi, ai-je pris la liberté de vous adresser ces quelques lignes que vous me tolérerez, j’espère. J’ai espoir d’attirer toute votre attention et de voir des mesures d’intérêt communs prises. Vous aviez, il y a quelques mois, mis en application quelques règles de bonne conduite citoyenne, c’est ce qui fonde davantage mon espoir.

Monsieur le Président,

Le phénomène de la mendicité à Niamey, puisque c’est sur cette question que je voudrai vous apostropher, mérite aujourd’hui une attention à la mesure des conséquences néfastes qu’il engendre dans notre cité. Il y a quelque années -pour quelqu’un de la génération 80-, nos rues et carrefours n’étaient ponctués que d’une forme de mendicité bien connue : celle des enfants et des personnes souffrant de véritable handicap physique. Rien n’ayant certainement été fait pour le circonscrire en ce moment déjà, le phénomène s’est aujourd’hui amplifié et diversifié. A la mendicité juvénile, s’est associée la mendicité sénile. Et pire, alors qu’on ne comptait que des mendiants de sexe masculin, des adolescentes, de moins jeunes et de jeunes femmes s’adonnent allègrement aujourd’hui au métier -on peut l’appeler ainsi-. Elles, les gardiennes et « caretakers » de nos foyers sont ainsi ouvertement exposées à diverses formes d’insécurité et d’abus. Je n’aurai certainement pas exagéré en rappelant ici Dr Mukwege, prix Nobel de la paix 2018 lorsqu’il dit qu’une femme détruite est équivalente à une communauté détruite.

Aujourd’hui, ni carrefour, ni pharmacie, ni essencerie, ni pâtisserie, ni hôpitaux, ni supermarché, ni restaurant, ni coins de ruelles dans certains quartiers ne sont épargnés. Peut-être avez-vous aussi eu l’opportunité de constater que cette mendicité devient de plus en plus agressive.

Monsieur le Président,

Il me semble important d’apporter ma modeste part pour éclairer un amalgame plus ou moins sciemment entretenu quant à la position de notre religion vis-à-vis de la mendicité. D’aucuns croient en effet que c’est elle qui sert de cadre pour accepter et tolérer le phénomène tel quel aujourd’hui. En réalité, il n’en est rien. De source authentique, notre religion prohibe de tendre la main au-delà de ce qui est nécessaire pour se nourrir et nourrir ses dépendants pour une journée. Elle le dit clairement, la main qui est au-dessus est meilleure que celle qui est en dessous invitant ainsi indiscutablement à l’abandon de l’oisiveté. Il y a ainsi là un argument de taille pour vous responsable de la ville, de mettre fin à la forme actuelle de la mendicité qui ne s’apparente à autre chose qu’à une quête de fortune par une voix inappropriée.

Monsieur le Président,

Les travers de la mendicité sont si nombreux qu’il ne nous est pas possible ici de les lister de façon exhaustive. Néanmoins, il me semble important de revenir sur quelques-uns, loin de l’objectif de vous les apprendre.

Notre image et notre honneur prennent inéluctablement un sérieux coup à force de faire face à tout moment et presque partout à des concitadins qui tendent la main jour et nuit. Nous avons le devoir de nous interroger sur ce que pensent de nous les hôtes ordinaires que nous accueillons et à qui nous voudrions fièrement présenter notre ville, la vitrine de notre pays. Il faut restaurer notre image en refusant que notre ville devienne un espace généralisé de recherche de gain facile.

Monsieur le Président,

Comment ne pas évoquer le risque substantiel auquel nos jeunes sœurs font face lorsqu’elles accourent pour quémander quelques pièces auprès d’hommes de bonnes intentions comme auprès d’autres aux intentions douteuses ? Lorsqu’elles jugent insuffisantes les miettes journalières qu’elles collectent face à leur besoin matériel croissant ou que des hommes mal intentionnés leur suggèrent des contreparties pour ce qu’ils seraient prêts à leur donner, vous convenez avec moi que ces femmes sont en grand risque de s’adonner à des pratiques contraires à nos valeurs et nos meurs et dégradantes pour notre société.

Le paradigme pour les garçons n’est pas plus rassurant. Face au même dilemme des besoins et des gains, c’est toute la société qui en fera les frais avec des conséquences quelque fois dramatiques. En effet, il n’est pas rare de voir des adultes sans qualification ni compétence avérée, puisqu’ayant passé leur tendre enfance dans la mendicité, devenir des cambrioleurs ou autres grands bandits troublant dangereusement la quiétude de paisibles citoyens. Nous aurons commis une grave erreur si nous croyons que nos propres enfants, scolarisés dans les meilleures écoles et à l’abri de tout besoin, dormiront sur leurs deux oreillers et savourant la vie que nous leur entrevoyons. Certainement non, la bombe à retardement que constitue leur congénère mendiant leur troubleront le sommeil si rien n’est fait sans tarder davantage.

La mendicité est une réalité exercée par nos frères et sœurs, que faudra-il dorénavant faire d’eux ?

Toute mesure visant à dénuder nos espaces publiques de la mendicité doit être suivie de véritables et sérieuses mesures d’accompagnement au risque de ne ressembler qu’à un feu de paille. L’on se souvient qu’à la veille des jeux de la Francophonie tenus en 2005 à Niamey, les autorités d’antan avaient vainement tenter de débarrasser manu milatari les artères de la ville des mendiants. Un des écueils de cette tentative est certainement le manque de mesure d’accompagnement s’inscrivant dans une vision bien établie.

Je sais que vos services sont en mesure d’identifier des mesures pratiques et adaptées de prise en charge de nos frères et sœurs, futurs ex mendiants. Néanmoins, je voudrai vous faire part d’une autre idée palliative. Elle consiste à mettre en place un centre de pris en charge de mendiants avec différents points de distribution de nourriture où chaque jour, les futurs ex mendiants peuvent se faire servir à manger. Interdiction ferme et formelle pourra ainsi être faite de déambuler sur les voies publiques aux fins de mendicité. Ceux qui estiment qu’ils sont dans la nécessité de tendre la main dans les rues pour pouvoir se nourrir doivent alors se faire enregistrer dans le centre et bénéficier des services. Et ceux qui font de la mendicité une activité économique n’auront d’autres choix que de se convertir ou d’aller ailleurs. Si une telle initiative venait à se généraliser à toutes les grandes villes de notre pays, les retombées ne peuvent qu’être positives à l’échelle nationale.

Ce centre par ailleurs, devra s’assurer que les futurs ex mendiants mineurs sont intégrés et maintenus dans le système éducatif tant qu’ils sont à portée de main.

Je reste convaincu qu’un tel projet est à la portée des ressources humaines et financières de l’institution que vous dirigée. Et même si…J’estime que prendre soin des nôtres est si valeureux qu’il doit pouvoir se frayer un chemin vers les premiers rangs de vos priorités.

Très sincèrement Monsieur le Président.

Abdoulaye Oumarou Danni (ISE)

abdouldan@yahoo.fr
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