Un nouveau drame de l’immigration est arrivé sur notre territoire depuis près d’une quinzaine de jours. Mais curieusement personne n’en parle. C’était comme si l’on minimise ce qui était arrivé en parlant de 35 morts alors que la réalité est toute autre.
Quatre vingt douze (92) corps ont été retrouvés dans le désert à 150 km à l’est d’Arlit et à 10 km de l’Algérie. Quatre vingt douze (92) corps dont 33 femmes, 52 enfants et 7 hommes tous nigériens cherchant un mieux-être en Algérie ont été enterrés. Certains d’entre eux déjà dévorés par les rapaces. Les images sont insoutenables. La majorité de ces morts sont originaires de Kantché (Matamèye) et étaient destinés à la mendicité à Tamarrasset. Aïr Info a rencontré pour vous l’un des rares survivants de ce drame. Témoignage.
« Je m’appelle Sadabiyu, j’ai 39 ans. Je suis originaire de Matamamèye dans la région de Zinder. Je fais partie des survivants de ce qui était arrivé sur l’axe d’Arlit à Tamarrasset. Nous étions 98 personnes originaires de Matamamèye à quitter Arlit le mercredi 2 octobre dernier pour Tamarrasset où nous pensions trouver un lendemain meilleur. Nous avons emprunté à bord de deux véhicules ( un Toyota 4x4 et un Hilux) la route dite de fraudeurs que tous les migrants qui vont en Algérie empruntent. Avant même d’arriver au niveau de l’usine d’Arlit, on a éclaté un pneu. Ces crevaisons vont se répéter au fur et à mesure que nous avancions. Au lieu du drame, précisément, à près de 150 km d’Arlit, nous étions à notre huitième crevaison. Là le chauffeur ne pouvait plus rien faire. Les gens manquaient d’eau et de nourriture. En plus les deux véhicules étaient surchargés puisque nous étions entassés comme des animaux.
Y avait beaucoup de femmes et d’enfants dans les deux véhicules. Quand un des véhicule était tombé en panne, nous avons décidé de retourner sur nos pas c'est-àdire en territoire nigérien chercher de l’eau pour les femmes et enfants qui étaient restés près du véhicule en panne. Il nous a fallu deux jours pour trouver un puits (Ndlr celui de Tikikit) et ramené de l’eau aux gens. Mais hélas, sur le chemin du retour, nous avons rencontré nos compagnons morts de soif, d’autres ont creusé des trous pour mourir dedans, d’autres vivaient encore mais n’avaient plus de mémoire. A notre arrivée, tous les enfants étaient morts. J’en ai vu une cinquantaine couchés, morts de soif et de faim. C’était insoutenable ! Ces enfants étaient âgés de 10 ans à quelques mois seulement. Je témoigne de leur mort à votre micro comme je peux le témoigner demain devant Dieu. Près du véhicule en panne, nous avions couvert 13 corps avec une bâche. J’ai perdu trois de mes frères dans ce drame. Ils sont morts et que Dieu agrée leur âme.
Avant d’être secourus par un chauffeur, je peux confirmer la mort de 82 personnes et une dizaine de personnes qui se sont égarées dans le désert. Ils seraient morts de soif aussi. C’est ce chauffeur qui a donné l’alerte et informé les autorités algériennes et plus tard nigériennes pour qu’on nous rapatrie à Arlit puis à Agadez. Mais au moment où je vous parle, rien ne nous a été fait ! Nous sommes bloqués à Agadez en attendant une aide divine pour retourner à Matameye. »