Qui peut se rappeler combien de fois, jouant au constructeur impénitent avec des populations, des gouvernements, en grande pompe, sont allés, pour la pose de la première pierre de ce chantier structurant, vieux rêve qu’aucun gouvernement, depuis ceux qui se sont succédé à partir de la conférence nationale, n’a été capable de réaliser au bonheur des populations lasses d’attendre l’impossible infrastructure. Cependant, si le régime de la 5ème République du président Tandja Mamadou a eu le mérite d’avoir relancé le programme jusqu’à boucler son financement, comme il l’avait réussi également pour le pont de Farié qui traine aussi, il faut relever le peu de sérieux des gouvernements qui se sont succédés, qui, après Tandja, pour soigner leur image dans le pays en général et dans la région en particulier, partaient aussi par populisme, pour d’autres poses de première ( ?) pierre pour le même ouvrage. La transition de Salou Djibo s’était offert cette fantaisie, comme l’avait fait le président Issoufou Mahamadou, grand bâtisseur et grand timonier des temps modernes qui, apprend-on ces derniers temps, doit encore retourner ce mardi 26 mars 2019 à Kandadji, inlassable, pour relancer les travaux du barrage, comme si le projet n’a existé que pour de telles cérémonies décidément interminables, pour ne pas se lasser d’inaugurer des chrysanthèmes.
D’ailleurs, l’on se demande pourquoi, ces derniers temps, l’homme court dans le pays, pour suivre des chantiers ? Est-ce pour faire comprendre aux Nigériens qu’il travaille, notamment à leur bonheur ? Une oeuvre d’intérêt général n’a pourtant pas besoin d’être louée : ceux à qui elle profite, par gratitude, le savent, et savent vous le rendre, pour la graver dans les marbres de l’histoire. Inutile donc de la célébrer. Le peuple sait mieux le faire. Les grands architectes, construisent, et les temps – l’Histoire – amplifiera leur nom au travers des générations, traversant la postérité jusqu’à l’éternité.
Pourquoi donc se fatiguer d’être son propre louangeur ?
Mais ce barrage est l’échec de la transition de Salou Djibo et de la 7ème République, le premier pour avoir confié le chantier à une société russe qui n’a pas l’expertise suffisante pour mener à bien le programme et le second, pour avoir eu peu de souci pour la surveillance du chantier jusqu’à ce qu’il se rende compte que le projet a foiré et qu’il faille le retirer aux Russes, pour rechercher de nouveaux fonds et le confier à une nouvelle société. C’est un immense désastre. Financièrement et Politiquement. Et depuis, avaiton appris, la Banque Mondiale, en a fait son programme, et peut-être peut-on enfin, voir le rêve se réaliser en allant à l’aboutissement du projet qui permettra au Niger de faire face en même temps au défi alimentaire, énergétique et écologique avec la régénérescence de l’écosystème.
Qu’y a-t-il de mieux pour un pays enclavé comme le Niger, dont la seule grande source d’eau tarit gravement depuis des années par le phénomène de l’ensablement et dont l’économie ne peut être compétitive du fait du coût élevé de l’énergie et qui, plus, depuis des années, se bat, sans vaincre, pour assurer l’autosuffisance alimentaire dans un pays sahélien qui n’a pas d’autres choix que la promotion des cultures irriguées autour de points d’eau existants et à créer au moyen notamment des mini-barrages ainsi que l’avait initié Mamadou Tandja, mais sans le réussir efficacement.
Pour une dernière fois, osons espérer que c’est pour de bon, surtout que le chantier est confié à des chinois, grands constructeurs qui ont une renommée dans le domaine.
Au-delà du fait que l’on va et revient autour de ce projet, dont on sait l’importance stratégique pour le pays, dans l’enchaînement des inaugurations du Bâtisseur, les observateurs se posent des questions. Cet activisme présidentiel, pourrait-il cacher un agenda secret ?
Demain, peut-être se rendra-t-on compte que des chantiers restent à finaliser et qu’il fallait accorder un petit «bonus» pour les achever. Une telle alternative est-elle à exclure surtout quand, apprend-on, le Président doit se rendre compte qu’il ne peut imposer son poulain dans la prochaine course et qu’il lui faille penser une nouvelle stratégie. Tant il est vrai qu’il y a trop de confusion sur la scène politique et qu’il faut pour cela s’attendre à tout.
Comment ne pas le croire quand, comme Tandja, Issoufou depuis des jours, par ses visites, magnifie, ses chantiers, pour se révéler comme un grand architecte au service de la nation, un bâtisseur duquel ne saurait se passer le peuple dont le premier appel pourrait venir d’un coin du pays, avant qu’il ne gagne tout le pays. Surtout qu’à l’occasion de ces visites, profitant de jours ouvrables, on sort un peuple, essentiellement composé de scolaires qui s’extasient d’avoir une recréation et qu’on exhibe sur les médias d’Etat, assurant la propagande du régime.
On pourrait alors reprocher à ces jeunes, peut-on se souvenir de leur appel de Zinder, d’être allés trop vite en besogne, au lieu d’attendre le temps opportun pour penser à déblayer le terrain. Enfin.
Aussi, comme l’autre à Sarkozy, Issoufou Mahamadou, à Emmanuel Macron, pour rassurer son hôte, comme pour lui expliquer qu’il est un bon démocrate, dit qu’il s’en ira, après ses deux mandats. Lecteur, ne vois-tu pas des similitudes troublantes dans les cheminements et les destins ? Les deux ont fini par avoir un goût immodéré pour le pouvoir à se croire incomparables, pour avoir cette envie de se maintenir parce que surhommes et sans doute, seuls capables de gouverner.
Comment ne pas le croire quand bien d’acteurs politiques, faibles devant la luxure de la vie, et dans leur suivisme aveugle, ne sont plus que des castrés politiques.