Les réseaux sociaux, depuis quelques années, sont devenus des espaces de liberté qui étendent le champ des libertés, poussant les frontières de la démocratie sur de nouvelles limites étanches, peu traçables. Alors que ces nouveaux espaces, non sans inquiéter, sont perçus ailleurs comme de nouveaux poumons pour favoriser une bonne respiration de la démocratie, par leurs excès, ils paraissent plutôt dangereux, parce que peu contrôlables.
Et depuis quelques années, au gré des vents de la démocratie, ils sont nombreux à investir le champ des débats publics, de la liberté d’expression, avec souvent des débordements parce que chacun, partait de sa propre signification de la démocratie, réductrice et caricaturale à bien des égards. Cela fait bien longtemps que le régime de la Renaissance souffrait de ne pas avoir la peau de son pourfendeur, Ali Téra qui était devenu un activiste dérangeant qui, loin du pays, n’arrête pas de faire des déclarations désobligeantes, souvent aux antipodes des convenances, de la bienséance, harcelant un régime incapable d’avoir de la sérénité pour écouter des critiques faites à son encontre (ne pouvant entendre que des insultes) et qui pouvaient pourtant avoir souvent quelques pertinences. Pour enfin, avoir sous ses pieds l’homme dont il ne sait comment organiser la battue, le régime, selon la rumeur qui se fonde sur des relations connues, se serait fait aider des compétences de flic de l’ambassadeur du Niger aux Etats-Unis dont on connait en plus les accointances familiales avec le régime. Sous ses manipulations, l’Amérique aurait cédé pour livrer le colis avec tous les risques que prend le pays de Reagan relativement au respect des droits humains d’un homme qui, même fautant, devrait avoir des droits à respecter.
Convenons-en, Ali Téra en a fait trop, allant quelquefois au-delà du tolérable surtout lorsque, dans ses colères débordantes et non maitrisées, il se laissait aller à des dérives peu défendables. Pour autant, il ne faut pas croire que tout ce que disait l’homme était dénué de sens et de profondeur. Dans ses diatribes, il touchait souvent du doigt les tares d’un système dont il mettait au pilori la gestion cahoteuse, il dénonçait avec véhémence le sectarisme d’un système, jusque-là inconnu dans l’histoire politique du pays, il posait le doigt dans des plaies d’une société qui va mal et pour avoir osé des vérités qui fâchent, l’homme était détesté de la gent socialiste.Normal. La presse elle-même, avait fait de son mieux pour aviser le régime sur ses dérives, sur des options graves de sa gestion en ce qu’ils sont attentatoires à la cohésion de la nation et à la viabilité même de la démocratie mise à mal par une gestion sectaire et gravement autocratique. Mais le système était sourd, ne pouvant écouter personne, n’en faisant qu’à sa tête. Parce qu’il avait sous ses ordres, les forces de sécurité qui ne peuvent être utilisées qu’à des fins républicaines non de milice, il pensait qu’il en était d’autant plus fort, qu’il pouvait se permettre tout, souvent jusqu’à l’indéfendable.
Qui pouvait imaginer combien il avait été insupportable pour les caciques du régime de ne pas pouvoir convaincre un Etat démocratique,notamment, quand pour avoir offensé des autorités, la diplomatie ne puisse servir des intérêts politiciens pour l’aider à traquer un homme qui les dénigrent. On sait comment, dans leur langage, les Américains sont souvent grossiers, comme souvent en Europe et en France, un président est défié, quelquefois publiquement, en lui tenant des propos peu courtois. courtois, vexatoires comme cela était arrivé à Sarkosy au salon de l’élevage, ou carrément à être physiquement agressé, sans que ce ne soit, pour autant, la fin du monde. Combien de présidents en France, avaient déjà été enfarinés par des Français en colère, déçus par la politique qu’ils mènent ? Les propos d’Ali Marounfa sont condamnables et sans doute que la Renaissance a mieux à faire que de se muscler pour affronter un homme en colère qu’elle aurait pu mieux écouter que de vouloir l’étrangler. C’est aussi la civilité qui le veut ainsi. On ne se mesure pas à son insulteur, lui qui se serait mis bas.
Enfin, grâce à la loi anti immigration de Donald Trump – s’en félicitant sans doute – le régime d’Issoufou Mahamadou, avait attendu du pied ferme l’activiste des réseaux sociaux, le cueillant au pied de l’avion qui le transportait, Ethiopian Airlines qui pouvait seul accepter, nous dit-on, de convoyer à partir du pays de l’oncle Sam des passagers indésirables pour beaucoup d’autres compagnies qui auraient refusé de servir une loi décriée, controversée. On peut imaginer avec quel bonheur la Renaissance recevait la nouvelle de l’extradition de l’homme qu’il aurait aimé avoir dans ses fers beaucoup plus tôt pour lui régler ses comptes dans les douleurs des insultes proférées contre elle. Si pour être en situation irrégulière, l’homme, dans le respect des lois nouvelles, pouvait être sorti du pays, peut-on comprendre qu’il soit menotté comme un criminel, pour ensuite faire circuler son image sur les réseaux sociaux comme si un autre, se plaisait dans de telles publications, exigeant qu’il en soit ainsi pour humilier l’homme et le livrer aux railleries de ses détracteurs et leurs sbires.
Les Etats-Unis coupables de non-respect des droits humains ?
L’on sait qu’aux Etats-Unis déjà, la famille de l’intéressé, la communauté nigérienne, du moins ceux qui, pour une raison ou pour une autre défendaient la cause d’Ali Téra, s’étaient mobilisés pour refuser que pour faire plaisir aux autorités de Niamey, l’activiste soit déporté pour être livré à ses bourreaux, non pas parce qu’il pouvait avoir peur de faire face à ses responsabilités mais parce que, connaissant le pays et sa justice, l’on pourrait craindre pour sa vie et surtout, comme dans bien de cas, lorsqu’il s’agit d’opposants,defaire face à un jugement expéditif dont la sentence, loin souvent des canons du droit, ne vise qu’à faire plaisir à des princes rancuniers et intolérants. Dans ce qui arrive à l’homme, pour avoir refusé d’écouter les appréhensions d’une famille et d’amis qui ont des raisons légitimes de craindre pour lui, l’Amérique ne peut qu’avoir sa part de responsabilité. Et c’est peut-être aussi, ce qui fait la chance de l’infortuné. Mais, l’Amérique, peut-elle se rabaisser à ce rôle, juste pour faire plaisir à un allié qui lui aura donné la possibilité d’aliéner notre souveraineté en occupant militairement des espaces du pays que contrôle l’armée du pays de Barak Obama et de prendre ainsi partie, dans un débat nigéro-nigérien ? Cette Amérique de la grande et vieille démocratie a déçu pour servir des intérêts politiciens de bas étages.
Une affaire d’insultes. Une guerre de titans ?
King, ainsi que l’appellent depuis des jours certains de ses fans, Ali Téra, fait désormais face à son destin et à des hommes et leur système qu’il défiait dans son exil, s’indignant pour la mal-gouvernance, l’injustice, l’ostracisme, les insouciances d’un pouvoir qui « mélangent » les Nigériens et dilapide la richesse nationale aux mains d’une camarilla cupide et arrogante. Dans ce qu’il a dit et qui était de la dimension de la critique d’une gouvernance qu’un autre avait dit être satanique, il pouvait être compris d’une écrasante majorité de Nigériens et pour ce, il était devenu presque une idole pour être capable de dire ce qu’un autre ne pouvait oser quand on sait la terreur du système, on ne peut plus liberticide. Face à la machine du système, selon bien d’indiscrétions, le prévenu que l’on accablerait d’une montagne d’accusations, ne se dédit pas : il a fait ses critiques tout en continuant à les assumer, peutêtre sans aucun regret, même pour sa démesure. En exhibant les images de l’homme depuis son départ forcé des Etats-Unis, le régime menait sa campagne médiatique pour le démythifier et montrer ainsi, qu’il aura triomphé sur lui, heureux de l’avoir enfin dans ses mains pour le faire souffrir au creux de l’étau du système. Et une rancune indigeste l’aurait jeté dans la prison de haute sécurité de Koutoukalé. Et il moisira là, entend-on dire, satisfaits, de la part de quelques zélateurs du système.
Par le comité d’accueil de l’aéroport qui le recevait dans la chaleur des traditions policières, fières de leur grosse prise en pareille circonstance, comme un trafiquant de grand chemin arrêté dans les méandres de la mafia colombienne, on pouvait lire le succès de la grande opération que le pouvoir de Niamey aurait mené « avec professionnalisme » pour qu’enfin, Ali réponde de ses actes. Et comme toujours, la première case, devrait être la PJ. Par de tels réglages qui exposent l’homme, il y avait une volonté de l’intimider et espérer, face à la force de l’Etat et la violence de ses moyens répressifs qui le cernent désormais, qu’il déprime, pour avoir à se réjouir de son rabaissement. Or, en se réclamant d’une éducation aristocratique, princière, il ne pouvait plus avoir que le choix de la dignité pour affronter son destin. Courageusement.
Depuis qu’il est entre leurs mains, peut-être, peuvent-ils enfin comprendre à qui ils ont à faire pour ne plus croire que, se délectant d’une distance qui le protège de ses adversaires, il puisse se donner le malin plaisir d’agresser, de se moquer même d’un pouvoir qui a manqué de hauteur pour gouverner les hommes dans la justice et dans l’harmonie sociale. Et aux dires de ceux qui connaissent l’homme, il n’est pas un homme cruel, sans coeur. Les Nigériens qui partent aux Etats-Unis, y compris certains de ceux qui sont aux affaires aujourd’hui, le savent bien, pour avoir connu sa bonhommie, sa bonté d’homme accueillant qui aurait aidé bien de ses compatriotes, sans aucune considération, dans leur installation dans le pays. L’adversité est aujourd’hui forte entre les deux camps au point où chacun semble avoir les yeux fermés à ne plus rien considérer, à ne rien concéder, prêt pour l’affrontement. Faut-il comprendre que c’est pour une telle raison, qu’à l’occasion de l’intronisation du nouveau chef de canton de Téra, l’Honorable Hamidou Niandou, certains officiels, légitimement attendus à l’événement, et qui avaient pourtant de la fierté à se plastronner audevant de telles manifestations, avaient brillé par leur absence remarquée, laissant un Haut Représentant enfin représenter pour officier l’événement ? Les Nigériens se demandent pour quel calcul ou appréhension, a-t-on choisi, de boycotter la cérémonie, affichant un profil bas ? La brouille avec Ali Téra serait-elle pour quelque chose ? Peut-être que l’on en saura davantage de cette esquive dans les prochains jours. Il y a anguille sous roche. Ce qui est certain, c’est que cela ne pourrait pas être que le fait d’un calendrier « surchargé » ainsi que la version officielle, dans de tels cas, pouvait s’en excuser. Dès lors, l’on peut penser que le régime s’embarrasse de sa prise, de son trophée de guerre trop encombrant et dont la gestion à l’intérieur même du système, pourrait diviser.
Un prisonnier encombrant
Si l’Amérique avait osé pousser dans les bras d’un régime dont on doute du respect de la démocratie et des droits de l’homme, sans doute, peut-on imaginer qu’elle voudrait le mettre à l’épreuve pour jauger sa capacité à pouvoir gérer dans le respect des procédures, sans passion et sans rancoeur, en n’écoutant que ses seuls états d’âme, un problème qui pouvait ne pas avoir l’ampleur que des hommes voudraient lui donner par l’humiliation qu’ils peuvent légitimement ressentir face aux dérives verbales de leur vieil ami. Bazoum peut même extérioriser sa joie pour « son » exploit, mais sans que cela ne profite à son image de présidentiable déjà très aléatoire, au nom souvent des mêmes excès de paroles quand lui aussi, sur un média international, pouvait avec les mêmes audaces à parler « d’officiers ethnicistes ». Le Gouvernement de Brigi Rafini en est d’autant plus conscient qu’il se sait observer dans la gestion de cette affaire. Il a beau aimer brutaliser son prisonnier, il sait que de partout, on le regarde, et pour ce, ne peut oser certains abus sur son martyr. L’Amérique qui est déjà prévenu sur les risques qu’encourent l’homme si jamais, on le rapatriait au Niger, ne peut pas ne pas regarder de près ce que devient son immigré irrégulier qui a aujourd’hui ses enfants dans le pays, désormais américains de surcroit dit-on, et déjà très sceptiques quant à la tenue d’un procès équitable pour le père.
Au même moment, même en invoquant les propos désobligeants de l’homme, il reste vrai qu’Ali Téra, en dépit de son verbe décalé pour lequel il reste condamnable,trouve encore et toujours de la sympathie dans le peuple. Il n’avait qu’à voir toute l’agitation que suscite son extradition et son arrestation au Niger, pour comprendre qu’il a beau être ce citoyen nigérien lambda, il reste vrai qu’il n’est pas seul. Déjà certains lui consacrent des chansons, impriment à son effigie des tee-shirts pour demander sa libération, et lui expriment de la compassion, souvent même de l’admiration. Dans ses propos, en tout cas dans ce qui reste lié strictement à la critique de la gouvernance des camarades, il y avait mille et une choses qui étaient vraies et vérifiables, politiquement correctes et défendables et que nombre de Nigériens, sans être capables, par peur de représailles, de le dire aussi ouvertement, pensent quand même tout bas. Comment, pouvaient-ils ne pas avoir quelques sympathies pour leur porte-voix ? Cependant, nombre d’entre eux, en même temps, proscrivent la verdeur de son verbe décalé, son manque de respect pour la dignité d’un autre.
Depuis,par les maladresses d’un système dans la gestion passionnée d’un problème sorti de ses normalités et gonflé dans ses débordements, une « Alimania » prend forme sur les réseaux sociaux, comme dans la société nigérienne. Elle est cette vague sympathique que des milliers de personnes expriment pour un homme dont l’activisme, indépendamment de ses insultes déplorables et de ses caricatures trop réductrices, à travers « Les amis d’Ali Téra Monde »,va au-delà d’un cercle de fans formé sur la toile et dans la société.
Il faut que le régime craigne que par ses excès dans le traitement de ce dossier qu’il ne peut dépassionner, il ne produise pas un martyr pour lequel, les Nigériens qui proscrivent l’injustice, tranchent en la défaveur d’un système qui aime étrangler un autre pour faire valoir son héroïsme alors même qu’il est incapable de faire face à Boko Haram pour apporter enfin la paix à ces populations de Diffa qui n’ont que trop attendu la fin de leur calvaire, alors même aussi, qu’il est incapable de rendre gorge à des trafiquants notoirement connus et à des criminels économiques qui peuplent les allées du pouvoir.
Il y a des champs sur lesquels on attend la Renaissance, plutôt que de se glorifier de ces « victoires » de misère et de pacotille qui ne lui font aucun honneur.
Le Niger qui fait actuellement face à de nombreux défis, a certainement mieux à faire…
Quelquefois, il faut mieux savoir écouter une « tête » qu’un coeur.