Le peuple nigérien, tout entier, salue, par ma voix, la présence parmi nous de Mr BAN Kl MOON, Secrétaire Général de l'Organisation des Nations-Unies, de MME NKOSAZANA DLAMINI ZUMA, Présidente de la Commission de l'Union Africaine, du DR JIM YONG KIM, Président du Groupe de la Banque Mondiale, du DR DONALD KABERUKA, Président de la BAD et de M. ANDRIS PIEBALGS, commissaire au développement de l'Union Européenne. Il est extrêmement rare que des responsables d'un tel niveau se déplacent ensemble. Le très haut niveau de la mission conjointe qui visite le Niger aujourd'hui, montre combien la communauté internationale a pris conscience de la gravité de la situation du Sahel en général et celle du Niger en particulier.
La gravité de la situation du Sahel est liée à la conjonction de plusieurs facteurs défavorables : faiblesse des Etats, menaces des organisations terroristes et criminelles, rébellions armées, changements climatiques, pression démographique forte, faiblesse du développement humain, ampleur des problèmes humanitaires. Au Niger, nous avons pris conscience très tôt de ces handicaps. Le Programme Renaissance que nous mettons en place depuis bientôt trois ans constitue notre vision de la solution à mettre en œuvre pour surmonter ces défis. Ce programme établit une liaison étroite entre sécurité et développement et ses priorités couvrent celles retenues par la Stratégie intégrée des Nations-Unies pour le Sahel ainsi que les autres initiatives régionales et internationales prises face aux problèmes du Sahel.
Le Programme de Renaissance met l'accent sur huit priorités :
Construire des institutions démocratiques stables et fortes : capables de promouvoir la bonne gouvernance politique et économique c'est à dire d'assurer un exercice démocratique du pouvoir, de garantir les droits, les libertés et la justice aux citoyens, de lutter contre la corruption et la fraude fiscale, d'améliorer l'efficacité de la dépense publique, de construire une administration moderne et performante de promouvoir la décentralisation et donc la démocratie à la base.
Dans ce domaine nous avons remporté quelques succès : le Niger fait partie des pays les plus libres du monde, il a amélioré son indice de perception de la corruption mais beaucoup reste à faire, en particulier s'agissant du renforcement des capacités de l'administration. Beaucoup reste à faire dans le domaine de la lutte contre les inégalités et notre ambition est de promouvoir une classe moyenne afin qu'elle atteigne la masse critique nécessaire pour contribuer à la stabilité politique et sociale ainsi qu'à l'essor économique du pays.
Assurer la sécurité des frontières, des personnes et des biens : Le Niger occupe une place centrale au Sahel et de ce fait est le plus exposé aux menaces. Il constitue un verrou entre la partie occidentale du Sahel et sa partie orientale. Il a subi de plein fouet les effets de la crise Libyenne et de la crise malienne ainsi que les conséquences des actions terroristes de Boko Haram au Nigeria. Nous avons pu néanmoins rester un relatif îlot de paix dans une région tourmentée.
Pour y arriver, il a fallu que nous affections à la sécurité des ressources prises sur les autres secteurs notamment ceux des services sociaux de base. Compte tenu de l'ampleur des défis sécuritaires, ces ressources sont insuffisantes. Pour pouvoir contrôler nos frontières et assurer la sécurité des personnes et des biens, des ressources supplémentaires sont nécessaires. C'est environ 200 millions de dollars supplémentaires qu'il nous faudra investir, chaque année, sur cinq ans. En effet, nous prévoyons d'implanter de nouvelles infrastructures militaires notamment dans le nord du pays. Nous prévoyons le renforcement de nos capacités opérationnelles et de renseignements.
Les temps où nos Etats cherchent à faire des économies sur leurs budgets de défense et sécurité sont désormais révolus. Du reste, le récent assassinat des journalistes Français à Kidal et l'évolution de la situation en Libye. Le contrôle, au Niger, des zones de transit des terroristes et des organisations criminelles, a une immense portée stratégique pour l'ensemble du Sahel. Bien sûr, comme on le sait, la solution pour faire face aux menaces n'est pas que sécuritaire : à moyen et long terme, c'est le développement économique et sociale qui permettra d'endiguer le terrorisme et le crime organisé dont la pauvreté est le principal allié.
Notre troisième priorité est de nourrir et de renforcer la résilience des Nigériens face aux effets des changements climatiques et à la pression démographique : sur les 50 dernières années, le Niger a enregistré, en moyenne, des déficits céréaliers, une année sur deux. Même en année normale, une proportion importante des ménages ne couvre ses besoins alimentaires que pendant trois mois. La malnutrition chronique et sévère des enfants de mois de cinq ans est alarmante.
Sur la période 1950-2000, on enregistre une baisse significative des précipitations annuelles, une fréquence des phénomènes climatiques extrêmes d'inondations et de sécheresses, un glissement des isohyètes vers le sud, une augmentation nette des températures minimales et maximales, un renforcement de l'évaporation des eaux de surface, une baisse des écoulements du fleuve Niger, la division par dix de la superficie du lac Tchad, une réduction de la recharge des nappes souterraines, une grave dégradation de l'environnement et une menace contre la biodiversité.
Par ailleurs, le dernier recensement général de la population montre que son taux de croissance passe de 3,3% entre 1988 et 2001 à 3 ,9% entre 2001 et 2012. Il s'agit, comme on le voit, d'une véritable bombe démographique. Le taux de croissance de la production agricole est en moyenne inférieur à celui de la croissance démographique.
Pour faire face à la situation nous avons conçu et mettons en œuvre l'initiative « 3N », « les Nigériens Nourissent les Nigériens » qui prévoit notamment l'accroissement des production pluviales, la promotion de l'irrigation afin de réduire la dépendance par rapport aux cultures pluviales, la modernisation de l'élevage, la protection de l'environnement notamment la sauvegarde du fleuve Niger et celle du Lac Tchad, le renforcement de la résilience des populations. L'initiative « 3N » ne peut atteindre ses objectifs sans les infrastructures de communication pour mettre en relation les zones de production et les marchés et sans les infrastructures énergétiques.
L'équipement du pays en infrastructures de communication et énergétiques constitue notre 4eme priorité : le Niger pays enclavé et vaste doit faire baisser les coûts de transport en construisant de bonnes routes et des voies de chemin de fer dont il est le seul à ne pas en disposer en Afrique de l'Ouest. Le Niger, pays aride, doit promouvoir l'irrigation qui ne peut être compétitive qu'avec de l'énergie à faible coût, ce qui justifie notre ambition de construire le barrage de Kandadji et de promouvoir la mise en valeur d'autres sources d'énergie qui peuvent renforcer la compétitivité de notre économie. Cette compétitivité ne peut être complète que si nous disposons de ressources humaines de qualité.
Nos quatre autres priorités sont l'éducation, la santé, l'accès à l'eau et la création des emplois pour les jeunes. Nous travaillons à rendre l'école gratuite et obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans y compris pour les jeunes filles. Nous travaillons à promouvoir la formation professionnelle et technique et à renforcer l'enseignement supérieur. Nous travaillons à réduire la mortalité maternelle et infantile, domaines dans lesquels nous enregistrons des progrès importants.
Nous travaillons à libérer les femmes des corvées d'eau afin que celles-ci n'empêchent pas les jeunes de fréquenter l'école. Nous travaillons à donner des emplois pour notre jeunesse afin d'empêcher que ne se reproduisent le drame de Lampedusa et celui récent qui a enlevé à notre affection 92 de nos compatriotes morts, dans le désert, de faim et de soif, en migration vers l'Algérie.
Parallèlement à la question du développement nous devons continuer à nous occuper des questions humanitaires. La crise libyenne, la crise Ivoirienne, la situation au Nigeria ont entraîné le retour de centaines de milliers de migrants nigériens. La crise Malienne a provoqué un flux important de réfugiés vers le Niger. La campagne agro-pastorale 2013-2014 n'a pas entièrement répondu à nos attentes. Je lance donc un appel pressant à la communauté internationale pour qu'elle aide massivement le Niger.
Je note d'ailleurs, avec beaucoup de satisfaction, que la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel ainsi que les autres initiatives régionales et bilatérales pour le Sahel, traitent les problèmes du Sahel dans leur globalité. Je salue la mise en place des deux plateformes de coordination et de financement pour la mise en œuvre de la stratégie intégrée. Je salue la proposition de l'ouverture d'un fonds d'action pour le Sahel, celle de la réunion des Ministres des Finances et du Plan des pays du Sahel pour examiner et confirmer les priorités identifiées. Enfin je me félicite que la BAD, en rapport avec la Banque Mondiale anime un pool d'institutions de développement international comprenant la Banque Islamique de Développement et la Banque Européenne d'Investissement pour gérer le fonds d'action pour le Sahel.
Le Niger, qui fait partie des pays dont les montants de l'aide publique au développement par habitant sont les plus faibles, attend beaucoup de la Stratégie intégrée des Nations-Unies. Comme on vient de le voir, les questions de sécurité nous imposent des besoins de financements supplémentaires qui vont au-delà de ceux exprimés à Paris sur le financement de notre Programme de Développement Economique et Social 2012-215. En plus des ressources du fonds d'action qui est prévu, nous pouvons aussi réfléchir, avec la BM et le FMI sur les questions relatives à la concessionnalité des financements de façon globale et non convention par convention, sur le recours aux emprunts obligataires, sur la titrisation et le partenariat public privé. Le peuple Nigérien sait pouvoir compter sur votre solidarité. La présence de la mission conjointe aujourd'hui, ici à Niamey est la preuve que cette solidarité ne lui fera pas défaut.