Secrétaire permanent du G5 Sahel Voici près de 15 ans, la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement (2005) a converti l’appropriation en priorité. « Les pays en développement définissent leurs propres stratégies de réduction de la pauvreté, améliorent leurs institutions et luttent contre la corruption ».
Le contexte de son apparition était le suivant : l’aide publique au développement (APD), bien que représentant moins d’1 % du PIB des bailleurs de fonds, constituait une part importante du Revenu National Brut (RNB) des pays récipiendaires.
En 2005, l’APD représentait 6 % du RNB des pays de l’Afrique subsaharienne. Pour être plus précis, entre 1997 et 2007, elle finançait plus de 10 % du RNB de cinq pays africains (Cap-Vert, République démocratique du Congo, Guinée- Bissau, Liberia et Sierra Leone).
Réformer stratégie économique, administration et fonctionnement de la justice s’inscrit dans la saine gestion des affaires publiques. Toutefois, « le tigre ne proclame pas sa tigritude... il bondit sur sa proie et la dévore ! » (Wole Soyinka). Comment faire usage de sa « souveraineté » en dépendant des ressources d’autrui ?
La destinée singulière de l’« appropriation » s’explique notamment par les diverses dimensions du terme (technocratique, politique, économique et éthique). Il y a toujours un hiatus entre les concepts et leur mise en œuvre – qui correspond parfois à la (précieuse) marge de manœuvre dont chaque acteur souhaite disposer. Cependant, les deux dernières décennies ont vu cette marge se réduire.
Les institutions publiques ont dû tenir compte du rôle accru de « nouveaux » acteurs – issus du secteur privé ou de la société civile. Confrontés à des déficits budgétaires structurels, certains bailleurs du G7 font de l’efficacité – et de l’efficience – de l’APD un objectif financier (à court terme) entrant en contradiction avec la finalité du développement (à moyen et long terme).
Paradoxalement, les sources de financement n’ont pas tari.
Le coût transactionnel de l’APD est devenu si élevé pour certains récipiendaires qu’ils ont élargi leurs sources de financement – traitant avec des partenaires non-occidentaux ou levant des fonds auprès des marchés.
Cet « ajustement » conduit certains bailleurs à reprocher à leurs pairs de « respecter la souveraineté » des pays récipiendaires jusqu’à ignorer la corruption. Il provoque également la croissance d’une dette «privée » qui peut représenter un défi majeur pour la trajectoire socio-économique de certains États (et leurs sociétés).
La conduite de l’action publique est devenue plus complexe.
Comment agir quand certaines ONG sont devenues de quasi-acteurs diplomatiques et /ou des prestataires de services traditionnellement attribués à l’État ? Quelle approche adopter aux niveaux national et régional pour mobiliser l’investissement inter/national vers des secteurs à effet d’entraînement positif pour les citoyens et les économies de nos pays ?
Dans une conjoncture marquée par la croissance démographique, l’urbanisation et une augmentation sans précédent des attentes des populations, quelle latitude reste-t-il à des États dont le modèle économique repose en partie sur le financement et les priorités d’acteurs tiers ?
Comment agir quand certaines ONG sont devenues de quasi-acteurs diplomatiques et / ou des prestataires de services traditionnellement attribués à l’État ? ”
Plutôt que de disserter sur l’appropriation, il faut recourir à l’intelligence collective de nos sociétés pour améliorer leurs institutions. Il s’agit moins d’être le « bon élève » d’autrui que de (bien) conduire notre destinée – en (con)centrant la trajectoire de nos pays sur la réponse aux principales attentes de leurs populations.
L’ambition compte au moins autant que la méthode. La cohérence de l’action tout comme la cohésion sociale. Par-delà les indicateurs conçus selon des logiques échappant à la compréhension de nos concitoyens, tâchons de démontrer que nos propos et nos actes coïncident par la création de valeurs partagées.