Les accidents de transport des hydrocarbures sont devenus un casse-tête pour les unités de sapeurs-pompiers du Niger, à partir de novembre 2011, suite à la mise en service de la Société de Raffinage de Zinder (SORAZ), a indiqué le directeur général de la Protection civile, colonel major Bako Boubacar, dans un entretien avec l’hebdomadaire gouvernemental "Sahel Dimanche".
« Si avant cette date, les camions-citernes transportant les hydrocarbures sur les routes nigériennes avaient pour vocation de satisfaire la consommation nationale, désormais ceux-ci prennent en compte aussi les besoins du Nord-Nigeria, du Mali et du Burkina Faso. Ainsi on assiste à la mise en circulation d'un nombre important de camions-citernes immatriculés au Benin, au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Nigeria», a indiqué le responsable nigérien.
Selon le colonel Bako Boubacar, cette augmentation de trafic et la qualité déplorable du matériel et des conducteurs constituent des motifs d'inquiétude pour la sécurité des personnes, des biens et de l'environnement.
En outre, bon nombre de camions-citernes usagés importés sont dans un état mécanique navrant pendant que certains sont fabriqués çà et là à Niamey par des soudeurs dont la qualification n'est pas garantie. De même, souligne M. Bako, par défaut de norme relative à la conception ou à la modification de citernes, la capacité des citernes est disproportionnée par rapport au châssis de ces engins. La préoccupation est encore plus grande, du fait de l'attitude de la population qui, insouciante du risque potentiel d'incendie et à la recherche de gain facile, vient systématiquement se servir à l'occasion d'un déversement de produit, consécutif à un accident de transport des hydrocarbures.
Dans la nuit du 5 au 6 mai 2019, le renversement d'une citerne à l'entrée de Niamey a été suivi d'un violent incendie ayant pour origine le moteur d'une moto dont le propriétaire était venu se servir. Le bilan fait état de soixante-huit personnes tuées et plus de 30 autres blessées.
L’inquiétude sur la sécurité des transports des hydrocarbures se justifie ces dernières années au Niger face aux statistiques des interventions des sapeurs-pompiers: dix-sept (17) cas en 2012, dix-sept (17) en 2013, trente-deux (32) en 2014, quinze (15) en 2015 et au moins sept (7) en 2016. Ces accidents, dont sont l'objet majoritairement les camions-citernes nigériens, ont provoqué les décès de quatre (4) personnes carbonisées en 2012, une (1) en 2014 et sept (7) pertes en vies humaines en 2016.
«Désormais notre pays compte aussi ses victimes d'accident de transport des hydrocarbures tout comme le Nigeria ou le Congo », estime le colonel Bako. Evoquant les dispositions à prendre lorsque les accidents se produisent en agglomération, le colonel Bako estime que celles-ci doivent être compatibles aux mesures de sécurité relatives au transport des hydrocarbures qui n'échapperont pas à la traditionnelle approche visant les trois facteurs fondamentaux en matière de sécurité routière que sont le conducteur, le véhicule et l'environnement.
«Outre les règles élémentaires de sécurité applicables à tout conducteur d'un véhicule automobile, celui d'un camion-citerne doit avoir la formation conséquente, sur la gestion de son camion et du chargement. Il doit avoir la capacité de prise en charge de tout incident ou début d'incendie. Un module sécurité incendie pourrait être enseigné à tout conducteur de camion-citerne et à son apprenti», a indiqué le colonel Bako.
En ce qui concerne le parc de camions-citernes, la sécurité routière pourrait prendre des mesures visant au rajeunissement prescrivant une visite technique spécifique. Aussi, la conception locale de citernes nécessite une réglementation. Quant à l'environnement autoroutier, il nécessiterait la mise d'un accent particulier sur l'aménagement de parkings de stationnement équipés expressément notamment, d'espaces de repos et dédiés aux citernes en dehors des agglomérations. Mais pour le colonel Bako, l'ultime solution aux risques liés au transport des hydrocarbures serait un investissement, bien sûr couteux mais très rentable ; c'est la conception d'un pipe-line reliant la SORAZ et les principaux dépôts pétroliers, notamment celui de SOREY (à Niamey).