Le partenariat Europe-Pays en développement pour les essais cliniques (EDCTP) a accordé un financement de 10 millions d’euros sur cinq ans pour le projet «WANECAM 2», dans le cadre d’une collaboration entre la société pharmaceutique (Novartis) et des chercheurs travaillant sur les médicaments antipaludiques dans dix établissements universitaires, d’Afrique et d’Europe. Premier du genre, ce partenariat à but non-lucratif, annoncé en avril dernier par EDCTP, MMV, et Novartis vise à favoriser le développement de nouveaux médicaments (Medicines for Malaria Venture).
La subvention d’EDCTP est destinée à soutenir les essais cliniques en Afrique sur une nouvelle combinaison antipaludique, KAF156 (ganaplacide) et luméfantrine, à prise unique quotidienne. Le composé KAF156 a démontré selon les spécialistes qu’il avait le potentiel de traiter le paludisme résistant.
Cette subvention contribuera également à construire et à renforcer les capacités des centres de recherche dans quatre pays de l’Afrique de l’Ouest et centrale, notamment le Burkina Faso, le Gabon, le Mali et le Niger. Un essai de phase 2B en 3 cohortes d’enfants âgés de 6 mois à 12 ans et un essai de phase 3 chez des adultes et des enfants âgés de plus de 6 mois, sont prévus. En effet, les plus jeunes présentent un risque plus élevé de décéder du paludisme. Le recrutement en vue du premier essai devrait commencer début 2020.
Dirigées par le consortium WANECAM (Réseau d’Afrique de l’Ouest pour les essais cliniques sur les médicaments antipaludiques), dix organisations universitaires basées en Afrique et en Europe collaboreront avec l’organisme à but non-lucratif Medicines for Malaria Venture (MMV) et la société pharmaceutique Novartis pour développer son composé KAF156 en combinaison avec une nouvelle formulation de luméfantrine. Au Niger, l’université Abdou Moumouni de Niamey, fait partie des organisations-partenaires de l’EDCTP.
Le financement de l’EDCTP soutiendra également les efforts menés pour renforcer l’infrastructure de la recherche clinique au Niger, ainsi que les capacités existantes de recherche clinique sur tous les autres sites impliqués. Ces efforts comprendront l’échange d’expériences et de meilleures pratiques entre les sites et les centres universitaires européens, ainsi qu’avec Novartis et MMV. L’objectif est de faire progresser le développement d’une nouvelle thérapie antipaludique indispensable, tout en renforçant les capacités de développement d’essais cliniques en Afrique.
Les partenariats globaux ont réalisé des avancées non-négligeables dans le domaine du contrôle du paludisme au cours des 20 dernières années, rappelle un communiqué conjoint EDCTP, MMV, et Novartis qui relèvent cependant que le rythme de progression a récemment connu un ralentissement. Un récent sondage auprès de spécialistes africains du paludisme fait ressortir leur grande inquiétude à propos de la résistance à certaines normes actuelles de traitement par excellence, notamment les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT) en Asie, et à propos de la probabilité que cette résistance puisse se propager à l’Afrique. Ce qui justifie le besoin urgent de médicaments antipaludiques novateurs faciles à administrer.
« Nous accueillons favorablement le soutien généreux de l’EDCTP et sommes reconnaissants de son engagement à long terme en faveur du développement clinique en Afrique – et plus particulièrement de leur soutien à la recherche clinique dans les maladies sévères comme le paludisme», a déclaré le Professeur Abdoulaye Djimdé, chercheur principal, de l'Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako, et coordinateur du groupe WANECAM. « Ce soutien est vital pour accélérer le développement de ce nouveau composé indispensable. La collaboration africaine avec un groupe d’experts internationaux dans le cadre de ce programme peut permettre de garantir que les essais soient achevés rapidement et conformément à des normes de qualité supérieures. Etant donné l’existence d’informations selon lesquelles il existe une résistance à l’artémisinine et aux combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT), il est essentiel de disposer de nouveaux médicaments antipaludiques prêts à être utilisés», estime Pr Abdoulaye Djimdé.
KAF156, le nouveau composé antipaludique qui va être étudié, pourrait être la première nouvelle classe de composé chimique permettant de traiter le paludisme aigu d'ici à une vingtaine d'années. Il pourrait être administré en combinaison avec la nouvelle formulation de luméfantrine, en dose unique. Cette combinaison est actuellement en phase finale d’essai clinique dans 17 centres de neuf pays d’Afrique et d’Asie. Développée par Novartis, avec un soutien scientifique et financier de MMV (en collaboration avec la Fondation Bill et Melinda Gates), cette combinaison est l’un des sept antipaludiques en phase finale à être développé par MMV dans le cadre de plusieurs partenariats. La subvention de l’EDCTP permettra de financer deux essais cliniques portant sur KAF156 en combinaison avec une nouvelle formulation de luméfantrine, et inclura une étude d’efficacité sur les enfants, groupe risquant davantage de décéder du paludisme. En cas de succès, les résultats de ces essais permettront de soutenir de futures demandes d’enregistrement du médicament auprès des autorités réglementaires.
« Nous sommes très heureux d’élargir la coalition d’organisations financées par l’EDCTP et ses partenaires pour développer une stratégie thérapeutique antipaludique » a déclaré Dr. Michael Makanga, directeur exécutif de l’EDCTP. Aussi, espère-t-il, en impliquant le secteur privé et des partenariats de développement de produits à but non lucratif, ils élargissent leur réseau d’expertise. « Grâce à l’implication de tous les secteurs, nous sommes en mesure de bâtir des partenariats plus solides qui nous permettront de vaincre le paludisme », espère le directeur exécutif de l’EDCTP.
Selon les statistiques, en 2017 la mortalité liée au paludisme avait diminué de plus de moitié en Afrique sub-saharienne, par rapport au début du siècle, grâce à une meilleure prévention, principalement par l'utilisation de moustiquaires et un traitement amélioré basé sur des ACT. Cependant, cette même année, plus de 400 000 personnes sont décédées pour des raisons liées au paludisme, principalement de jeunes enfants âgés de moins de cinq ans. Le plus récent Rapport Mondial sur le Paludisme 2018 a confirmé une stagnation des progrès réalisés dans le cadre de la lutte contre le paludisme, pour la deuxième année consécutive.