« Mon enfant a rendu l’âme au moment de l’assoir sur la moto.» C’est un père de famille dépité qui fait ce témoignage. Un soir, l’épidémie du choléra est entrée dans sa maison. Au bout de quelques jours, elle n’a laissé que désarroi. Halilou Abdoulkadir, a perdu son enfant garçon ainé de 15 ans à cause du choléra.
Il raconte : «Les enfants sont partis au lit sans signe de fébrilité. Mais vers 2 heures du matin, l’ainé s’est réveillé en vomissant. Je l’ai entendu pleurer en criant « papa !, papa ! », et il m’a dit qu’il ne pouvait plus se lever. Le père malheureux a vite fait d’acheminer son fils au centre de santé, mais son calvaire était loin d’être fini. « Je l’ai acheminé au CSI (Centre de Santé Intégré) Gonda Garki, avant de le transférer à l’hôpital régional. Quand j’ai expliqué les symptômes de la maladie, l’agent qui était de garde nous a référé vers le service de la pédiatrie», raconte-il. Mais à la « pédiatrie, poursuit-il, les médecins ont négligé mon fils de 3 heures à 7 heures. Aucun agent ne s’est intéressé à lui. Il demandait à boire, et il a fallu que quelqu’un qui n’est pas du service pour découvrir que mon fils souffrait du choléra. Nous étions en train de l’assoir sur une moto pour l’amener ailleurs quand mon enfant de 15 ans a rendu l’âme», confie, triste le père de famille. La nuit suivante, deux autres enfants ont été contaminés. Mais ils ont survécu à l’épidémie parce qu’ayant été pris en charge. Le malheureux père de famille a vigoureusement dénoncé « le laxisme » des agents de santé.
Le Niger souffre du cholera, et la région de Maradi est la plus touchée. C’est pourquoi l’Unicef qui lutte contre cette épidémie y consacre beaucoup d’effort. Une visite de 5 jours (27 au 31 Mai 2019) a été organisée dans cette région avec des journalistes. Il s’agit « d’encourager les médias à aller à la rencontre des communautés, des enfants et des intervenants sur le terrain en réponse à l’épidémie de choléra afin de « remonter la voix » de celles-ci pour lutter contre l’épidémie du cholera.
Au village de Kataré situé à 6 km de la ville de Maradi, le soleil darde ses rayons. Certains suffoquent. A l’abri, dans une classe, le directeur de l’école Yacouba Ibrahim donne son cours à un groupe d’élèves. Face aux hommes de medias, il raconte : « Nous avons eu deux cas (de cholera), un jeune couple mais qui, heureusement, a survécu». Les villageois ont pu contenir l’épidémie, et ainsi éviter sa propagation. «Nous avons demandé de l’aide à l’ONG CISP qui a répondu favorablement. Nous avons reçu des dispositifs de lavage de mains, du savon, des plans d’action liés à l’hygiène dont entre autres la sensibilisation sur le lavage des mains, la salubrité de la cour de l’école, la sensibilisation sur les défécations à l’air libre», a témoigné le directeur. Qui assure que « la situation s’est nettement améliorée.» Ces bonnes pratiques ont été enseignées aux 1 200 élèves de l’école Kataré 1 et 2.
Une jeune élève en classe de CM1 de l'école Kataré 1, Moustahida Siradji Kalla en hijab rouge témoigne : «Auparavant pour laver mes mains, je les mouillais juste. Mais depuis que nous avons reçu la visite du CISP, j’ai appris les 8 étapes à suivre pour laver correctement mes mains.»
Pour sa part, Bachir Salifou Maï Sanda, technicien WASH de l’ONG CISP revient sur les interventions de sa structure. « Nous sommes intervenus dans 4 districts : Madarounfa, Guidan Roumdji, Maradi et Tessaoua. Grace à nos interventions, les villages sont devenus salubres, s’y ajoute une utilisation continue de l’Aquatab», a-t-il indiqué.
Madame Hassane Habibatou, Chef CSI, place du Chef quant à elle, explique la gestion des cas de choleras à leur niveau. «Pour notre CSI, nous avons enregistré 162 cas dont 5 décès, les 95 venant de notre aire de santé Yen Daka, 36 venant du quartier Bagalam et 31 venant du quartier Limantchi. Pour la prise en charge des malades, nous avons reçu suffisamment d’appui notamment de l’Etat, des partenaires tels que la Croix rouge, le CISP etc.…L’ONG CISP nous a beaucoup aidé», a-t-elle expliqué.
Ousmane Yacouba, Chef de brigade de la police sanitaire au niveau de la direction générale de la santé public de Maradi donne les chiffres effarants de l’année 2018 dans la région de Maradi. «Les premiers cas au nombre de cinq (5) ont été signalés le 5 juillet dans le district de Madarounfa. Sur les 137 jours qui ont suivis, nous avons enregistrés 3 443 cas de choleras avec 60 décès pour un taux de létalité de 1,74%. Sur l’ensemble de la région de Maradi, 6 districts sur les 9 ont été touchés par l’épidémie», a-t-il révélé.
Oumarou Chefou, Directeur régional de l’hydraulique et de l’assainissement de Maradi salue la rapidité de l’Unicef quand l’épidémie s’est déclarée. «Nous avons reçu automatiquement l’appui des partenaires comme l’UNICEF, l’ONG Internationale NCA, des ONGs locales etc…Pour ce qui est des disposition prises par rapport à la nouvelle saison pluvieuse qui s’annonce, dans tous les villages potentiellement endémiques, nous sommes en train de mettre en place le programme appelé ATPC (Assainissement Total financé par la communauté) financé par l’UNICEF», a-t-il renseigné.
Par ailleurs, le projet a contribué au changement de comportements des populations des zones touchées et celles à haut risque la sensibilisation et la promotion de bonnes pratiques d’hygiène. A cet effet, 200 enseignants ont été formés aux techniques de sensibilisation et équipés de pagi-volte pour la promotion de l’hygiène dans les écoles. Dans cette même volonté d’endigue l’épidémie, 30 800 élèves ont été sensibilisés/informés sur les voies de transmission et les moyens de prévention du choléra et 131 relais communautaires et 11 animateurs ont été formés et déployés pour la sensibilisation et la promotion de l’hygiène dans les zones touchées par l’épidémie et celle à haut risque. Ces efforts ont pu porter leurs fruits puisque les sensibilisations de masse portant sur les voies de transmission et les mesures de prévention ont touché 136,828 personnes. La sensibilisation via d'autres voies de communication comme diffusions des messages, émissions publiques et débats, par les radios communautaires ont permis de couvrir 1,180,816 personnes, selon les estimations des 5 radios communautaires responsables de cette activité (Garkuwa, Anfani et partenaires). Cela a contribué à l’arrêt de la propagation de l’épidémie dans les ménages déjà touchés à travers la désinfection intra-domiciliaires, l’hygiène hospitalière et l’isolation des malades. Pour ce faire, 42 agents de santé ont été formés aux techniques de désinfection des aires, habits, habitation, selles et vomissures des malades et 13 centres de santé et 10 cases de santé ont été doté de kits de désinfection et d’hygiène hospitalière (THT, pulvérisateur, gants, bottes, tablier), 23 formations sanitaires ont bénéficié de kits d’assainissement.
Le financement CERF (Fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires) dans le district sanitaire de Madarounfa
Ce financement vise à contribuer à la réduction de la morbidité et de la mortalité dues à l'épidémie de choléra tout en prévenant de nouvelles infections au niveau communautaire dans trois régions (Maradi, Tahoua, Dosso) touchées par le choléra au Niger. En partenariat dans la mise en œuvre avec Consortium ONGs (ADESA-DEDI), le projet a fait des réalisations depuis sa mise en œuvre. Ainsi donc, il a contribué à l’amélioration de l’accès à l’eau potable et à l’hygiène pour les ménages affectés et voisins immédiats, avec 2 720 ménages à risque de choléra dans le district sanitaire de Madarounfa ayant bénéficié de distribution d’intrants de traitement de l’eau. Il y a eu la désinfection de points d’eau dans les villages touchés par l’épidémie de choléra. Les villages de Nyelwa, Gamji, Gabi Tajaé, Ba Daria, Rissawa, May Guero ont bénéficié de la désinfection et du rehaussement du niveau de chlore résiduel libre dans 4 réseaux d’eau potable au profit de 11,481 personnes.
Contribution au renforcement de capacités des structures sanitaires
Dans ce domaine, 20 agents dans 5 centres de santé intégré (Nyelawa, Harounawa, Madeini, Dama et Garin kaoura) ont appuyé dans la prise en charge et la détection de cas de choléra, 15 brigades (3 personnes par brigades soit 1 pour la préparation des solutions, 1 pour la désinfection et 1 pour la sensibilisation) ont été formés pour les interventions d’urgence dans les centres de santé , 5 centres de santé intégré ont bénéficié de don de chlore (HTH) et de kits d’hygiène pour la désinfection et l’hygiène hospitalière. Il y a le renforcement de capacités de 80 écoles dans la lutte et prévention du choléra, 80 écoles ont reçu des dispositifs de lavage de mains (03 DLM) et du savon (9 cartons de 30 morceaux de savon) et de kits de salubrité (pelle, houe, râteau, balaie et brouette) et 27,672 élèves ont été touchés par les séances de sensibilisations et de promotion de bonnes pratiques d’hygiène. De leur côté, 130 enseignants d’écoles primaires ont bénéficié de formation en technique de communication et sensibilisation et équipé de pagi-volte. Pour le volet « Information, éducation et communication » en faveur des populations, 120 diffusions des messages relatifs aux voies de transmission du choléra et moyens de prévention à travers 4 radios communautaires (1 radio privée Anfani et 3 communautaires, 1 à Gabi et 2 à Dan Issa) et le film choléra a été projeté dans 20 villages touchés par le choléra. C’est au total, 74 381 personnes qui ont été sensibilisées dont 27 672 élèves ont été également sensibilisées sur la bonne pratique d’hygiène.
Comment capitaliser les réponses apportées par Wash ?
Un atelier de capitalisation de la réponse WASH à l’épidémie de choléra de 2018 au Niger financé par le CERF (Fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires) a été tenu du 28 au 30 Mai 2019 dernier. Les Services techniques régionaux et départementaux (santé, éducation et hydraulique) des régions de Maradi, Dosso, Tahoua et Zinder, les Services techniques centraux : Direction générale de l’assainissement, Direction de surveillance et riposte aux épidémies, et direction générale de l’hygiène publique et les représentants des communautés (élus locaux et relais communautaires) y ont pris part. l’objectif était de passer en revue la réponse opérationnelle WASH à l’épidémie de choléra de 2018, capitaliser les leçons apprises et les bonnes pratiques et tirer les enseignements des points à améliorer. Mais premièrement, il s’agissait de faire une analyse objective de la réponse du secteur WaSH à l’épidémie en analysant l’efficacité, l’efficience et l’alignement de la réponse aux stratégies nationales et régionale de lutte contre le choléra, en déterminant les facteurs ayant influencé positivement et négativement la réponse et en identifiant et analysant la pertinence et la consistance des actions de durabilité / pérennisation mises en place. Deuxièmement, il s’est agi de proposer au cluster WASH un plan d’amélioration de la préparation et de la réponse aux épidémies de choléra basée sur les leçons apprises et les bonnes pratiques issues de la gestion de l’épidémie 2018. Troisièmement, proposer une stratégie de sorite de l’épidémie de choléra 2018 à travers l’approche Urgence Nexus et développement.