Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

ENQUETE EXCLUSIVE: MARADI/Affaire PASE SAFO : Un complot à la nigérienne… !

Publié le mercredi 19 juin 2019  |  Tamtaminfo
Une
© Autre presse par UNICEF/Olivier Asselin
Une femme et son enfant malnutri quitte un centre d’alimentation thérapeuthique de l’UNICEF dans la région de Maradi, au Niger.
Comment


Voici en effet une affaire digne d’un complot tel qu’on sait bien les monter contre les meilleurs éléments du pays.

Le 6 mai 2019, Issa Kokino Maire de la Commune rurale de Safo, département de Madarounfa et Ibrahim Doby, DG de l’entreprise ELYFROS spécialisée dans l’hydraulique et l’énergie rurale, sont arrêtés à Maradi. Après quelques auditions, ils seront immédiatement transférés à Niamey. Sur place, ils y trouveront un autre compagnon d’infortune, Mahaman Rabiou Balla, ex coordonnateur du « Projet d’accès aux services énergétiques de Safo » (PASE Safo) où le juge du 1er cabinet du pôle financier du TGI de Niamey monsieur Amadou Soumaila Cissé leur notifie une inculpation pour « association de malfaiteurs », sans qu’ils n’en sachent trop davantage.

Incompréhension et stupeur

A Maradi où les 3 inculpés sont connus de tous, c’est le sentiment d’incompréhension qui prédomine au sein de l’opinion. Issa Kokino est un « vieil instit » devenu maire de sa commune sous la bannière du RSD, réputé toujours tatillon sur les affaires de sa collectivité.

Mahaman Rabiou Balla, DEA en gestion de ressources énergétiques, actuel Directeur national des énergies renouvelables au Ministère du Pétrole et de l’énergie, anciennement coordonnateur du projet PASE SAFO, est un cadre d’une rare probité morale et administrative, assurent ses collègues du ministère. « Il a géré un projet de plusieurs milliards sans s’acheter un véhicule », renchérit son entourage.

Quant à Ibrahim Doby dit Ibro, il était et il l’est toujours, le symbole de l’entrepreneur moderne qui a réussi à apporter des solutions concrètes et durables au crucial problème de gestion d’eau et d’énergie dans les communes. Son bizness est tout ce qu’il a de plus halal à priori.

Nombreux sont ici à Maradi les observateurs qui n’arrivent pas à imaginer les trois personnages unis dans une « association de malfaiteurs ». Outre l’incompréhension, c’est aussi le sentiment d’impuissance et de stupeur qui s’empare de l’opinion régionale relativement à ce dossier où les mis en cause ignorent jusqu’à ce qui leur est reproché. D’où proviendrait alors le hiatus ?

Un « fake rapport »… ?

Selon leurs proches, « les accusés » ont été arrêtés sur la base d’un rapport d’inspection de 2015 qui aurait été rédigé par l’inspecteur général des services au ministère de l’énergie, monsieur Laouali Mahaman. Et c’est sur la base du contenu de ce rapport, apparemment très confidentiel, que le juge fonde ses poursuites à leur encontre. Qui a déposé la plainte ? « Le Ministère public », leur a répondu le magistrat du pôle financier, chargé de l’affaire.

Deux gros problèmes apparaissent déjà à ce niveau. Le premier est que le Ministère du Pétrole et de l’énergie n’a jamais déposé plainte à la justice contre les trois prévenus. Qui a donc acheminé ce « rapport » dans les mains de la Justice ? Informé de l’affaire par ses collaborateurs, le Ministre Foumakoye Gado s’est dit très surpris, d’autant qu’il n’a jamais rencontré un papier compromettant, ni pour son agent Mahaman Rabiou Balla, ni pour le PASE Safo, un projet qui a clôturé son chapitre avec tous les louanges de ses bailleurs.

Du côté justement du « bailleur », l’Union Européenne, c’est également le grand embarras, d’autant que le PASE Safo a été une réussite et toutes les conclusions ont abouti à la nécessité de « la mise à l’échelle » de ses résultats.

Le deuxième problème, c’est la crédibilité même de ce rapport, sur la base duquel le juge du pole financier fonde ses accusations, qui est en jeu. Un rapport dont les accusés, selon leurs proches, n’ont aperçu que la page de garde et que leurs avocats n’ont jusqu’à présent pas pu avoir de copies. Pire encore, il n’existe nulle trace de ce fameux rapport au Ministère de tutelle. Il existe cependant un autre rapport, du même auteur, datant de la même période, portant sur les mêmes réalisations, mais qui lui constate que tout ce qui a été prévu s’y trouve physiquement et a félicité dans des mots chaleureux tous les acteurs intervenants.

Ce qui cause aussi problème dans ce rapport qui a tout l’air d’un « fake », ce sont certaines signatures qui seraient contenues dans les documents de mission de l’IGS. A l’époque de la « mission » (2015) Issa Kokino était en place à Safo, le coordonnateur Mahaman Rabiou Balla du projet également, mais personne parmi eux n’a eu écho de cette mission, ni à Maradi, ni à Safo, ni dans les villages de Lilli et de Rasta Koumadji (Commune rurale de Safo), principaux sites concernés par « le problème ». La mission dont le rapport incrimine les trois personnalités a-t-elle vraiment eu lieu ?

Ultime rebondissement, nous venons d’apprendre que l’IGS Laouali Mahaman, présumé auteur du rapport incriminant, est un NATIF de … Safo ! Quelle belle coïncidence ! Mieux, les dernières indiscrétions en provenance du Ministère du Pétrole et de l’énergie nous apprennent que l’Inspecteur s’est confié à certains de ses collègues, pour nier catégoriquement être l’auteur de ce document à charge. De quoi en rajouter à la confusion autour du dossier.

Un dossier léger ?

Qu’est qu’il y’a de si compromettant dans ce rapport dont seul le juge en détiendrait une copie ? Ont-ils détourné les milliards du projet PASE SAFO, se demande-t-on ici à Maradi ? D’après tous les recoupements, l’accusation principale porterait sur le transfert d’une infrastructure hydraulique du village de Lilli au village de Rasta Koumadji deux villages de commune rurale de Safo, « une affaire » présentée au juge par les accusateurs comme une infraction, voire un « doublon » et donc un détournement.

De quoi s’agit-il ? En 2015, le Programme de Référence d’Accès aux Services Energétiques (PRASE) sur financement de l’Union Européenne, ancêtre du PASE, a programmé de réaliser dans la commune de Safo, 2 mini AEP simples dans les village de Lilli et Garin Maigari et 2 autres mini AEP multivillages concernant 5 autres villages. « Il se trouvait que dans le même temps, le village de Lilli avait bénéficié de la réalisation d’un poste d’eau autonome à travers le PMAEPS, financement Union Européenne », lit-on dans un PV du 26 aout 2015 statuant « sur les travaux d’adduction d’eau au profit au profit de certaines localités de la commune de Safo », cosigné par le Maire Issa Kokino, le DDHA de Madarounfa et l’Opérateur du service délégué (OSD) le DG d’ELYFROS, Ibrahim Dobi.

Pour équilibrer le maillage hydraulique de la commune, les parties en présence avaient proposé aux bailleurs (PRASE et PMAEPS) « la réalisation des deux bornes prévues et le transfert du réservoir programmé à Lilli pour Rasta Koumadji, une localité disposant déjà d’une plate forme multifonctionnelle (PTFM) ». Le coût total des deux infrastructures (Lilli et Rasta Koumadji) qui existent physiquement sur le terrain, s’élève à 57 millions. Voila d’où semble partie l’infortune des trois prévenus. D’après certaines sources, mécontents d’avoir été « lésés », les habitants de Lilli auraient écrit à qui de droit. Malheureusement, nos fouilles pour retrouver cette lettre qui pouvait être à l’origine du déclenchement de la procédure, sont demeurées infructueuses.

Autre symbole fort dans cette affaire, l’amalgame fait entre le PRASE et le PASE, tous deux en effet des projets financés par l’Union Européenne ayant intervenu dans la commune de Safo et qui place Mahaman Rabiou Balla au cœur du « scandale ». Les infrastructures concernées sont l’œuvre du PRASE et du PMAEPS, des projets différents du PASE qui ont pourtant chacun son propre coordonnateur. Normalement, même si « doublon » il y’a eu, le coordonnateur du PASE Safo Mahaman Rabiou Balla ne devrait être pas cité dans cette affaire. Mais qu’à cela ne tienne, il est aujourd’hui au centre de l’accusation.

D’où est parti le coup ?

Dans cette affaire, tous les éléments d’un complot sont en place : Une accusation imprécise, de forts soupçons sur la fiabilité du document support de l’accusation, des accusés qui clament leur innocence, un enfermement de trois honorables personnalités pour 50 millions seulement alors que l’un d’entre eux pourrait payer 10 fois plus au cas même où la faute est avérée…

« Pour nous, on a compris qu’il y’a quelqu’un qui a dit de les enfermer pour nuire à leurs carrières respectives », clament en cœur les parents et amis des prévenus. Si pour le Maire et l’entrepreneur, une certaine « concurrence » peut-être soupçonnée, en revanche pour le Directeur national, homme intègre, cordial et chaleureux, c’est un casse-tête pour ses collègues, parents, amis et connaissances, de trouver sur sa trajectoire le moindre « ennemi ».

Le Maire Issa Kokino, par contre, n’est pas à son premier complot politique. Déjà en 2016, il a triomphé d’une motion de censure qui tentait de le renverser. Nombreux sont à Maradi et Safo les commentateurs qui pensent que ce sont les adversaires politiques du Maire qui sont à l’origine de la procédure. Autour de lui en effet, ils sont nombreux qui ne cachent pas leur convoitise d’accéder ou de (re) accéder au fauteuil qu’il occupe actuellement.

Pour Ibrahim Doby, DG d’ELYFROS (+300 emplois directs), leader national dans un secteur où il était quasiment seul depuis des années, celui de la gestion déléguée des services hydrauliques et énergétiques en zone rurale (hors NIGELEC et SEEN), il doit justement faire face à l’arrivée sur le marché d’une concurrence agressive, mais ne disposant pas des moyens techniques et humains capables de contrebalancer son influence, principalement chez ses clients (les communes) et leurs bailleurs (PTF).

Y’a-t-il eu collusion entre les intérêts « politique » et « économique » pour faire d’une pierre, trois coups ? Court-circuiter la carrière du Maire, jeter le discrédit sur ELYFROS et la délester de ses marchés, en sacrifiant au passage la vie et la carrière d’un cadre honnête. Nombreux sont ici les analystes qui sont catégoriques là-dessus.

Aux yeux de l’opinion régionale et nationale qui suit ce dossier, l’infortune des trois accusés est un parfait classique dans la typologie des complots à la nigérienne. « Dans notre pays quand quelqu’un veut ton « bébé », il est prêt à utiliser jusqu’à la force publique pour y parvenir… Sinon c’est quoi même une affaire de quelques dizaines de millions pour nous », conclut avec amertume ce cadre d’ELYFROS.

Quoi qu’il en soit, dans cette affaire, le juge Amadou Soumaila Cissé a du souci à se faire, lui qui est pris dans un triangle d’intérêts, tentant de démêler le vrai du faux !
Commentaires