Dans le but de faciliter l’accès aux services de la justice à l’ensemble des citoyens et particulièrement aux plus vulnérables, les autorités du Niger, ont mis en place, le 14 Décembre 2011, une Agence Nationale de l’Assistance Juridique et Judiciaire en abrégé (ANAJJ). Pouvez-vous nous présenter cette agence que vous dirigez ?
Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez de parler de l’Agence Nationale d’Assistance Juridique et Judiciaire (ANAJJ) que j’ai l’honneur de diriger.
Au Niger, toutes les études menées dans le cadre de la politique sectorielle du Ministère de la Justice ont permis de mettre en exergue le fait que l’accès à la justice était non équitable et non universel. Les principales causes relevées sont l’inadaptation du cadre juridique, l’éloignement des juridictions, le langage trop technique utilisé par les acteurs judiciaires, le coût des procédures, l’analphabétisme des populations, la concentration des avocats dans la capitale, la non mise en place des fonds prévus pour l’aide judiciaire. Pourtant l’accès au droit, à l’aide juridictionnelle ou tout simplement à la justice, a toujours été une préoccupation pour les autorités. C’est ainsi que dans le cadre de la réforme de son système judiciaire, en vue de renforcer la démocratie et l’Etat de droit, le Niger, sous l’impulsion des autorités de la 7ème République, a adopté la loi n°2011-42 du 14 décembre 2011 fixant les règles applicables à l’assistance juridique et judiciaire. C’est dans cette dynamique, et sur la base d’une étude menée sur l’accès à la justice, que fut créée, par la même loi, un établissement public à caractère administratif dénommé Agence Nationale de l’Assistance Juridique et Judiciaire (ANAJJ).
Cette administration de mission est chargée de gérer le dispositif d’assistance juridique et judiciaire au profit de certaines catégories de personnes, notamment les plus vulnérables. L’ANAJJ, comme tout établissement public à caractère administratif dispose de deux organes légaux essentiels : le conseil d’administration avec des attributions classiques et un organe exécutif à deux branches à savoir la direction générale dont le siège est à Niamey et les bureaux locaux d’assistance juridique et judiciaire à Agadez, Arlit, Diffa, Dosso, Konni, Maradi, Niamey, Tahoua, Tillabéry et Zinder.
Concrètement Madame la Directrice Générale, quelles sont les principales missions de l’ANAJJ ?
L’Agence Nationale de l’Assistance Juridique et Judiciaire (ANAJJ), a pour mission de rendre disponible l’Assistance Juridique à tous et l’Assistance Judiciaire au profit de certaines catégories de personnes. En effet, l’assistance juridique consiste pour l’Agence à organiser un ensemble de prestations pour améliorer la compréhension du droit, de la justice et ses institutions, prévenir les conflits, faciliter le règlement des différends. Les prestations d’assistance juridiques sont gratuites et destinées à tous sans distinctions de nationalité, de sexe, d’âge ou de toute autre considération et cela même en dehors de toute procédure judiciaire ou administrative. Ces prestations se font au sein des bureaux locaux d’assistance juridique et judiciaire ou au cours de séances foraines sous les formes suivantes : sensibilisation de personnes ou groupes de personnes sur le droit en général et la justice ; consultation juridique, conseils, démarches et orientation des personnes vers les instances, administrations ou institutions chargées de la mise en œuvre de leurs droits ; assistance aux citoyens pour la rédaction d’actes juridiques ne relevant pas de la compétence exclusive d’autres personnes physiques ou morales.
L’assistance judiciaire quant à elle, tient compte non seulement de l’analphabétisme et de la pauvreté des populations, mais aussi d’autres pesanteurs comme l’éloignement des juridictions, la concentration des avocats dans la capitale, le taux élevé des honoraires d’avocat et le coût élevé de certaines procédures judiciaires. Elle consiste à assurer au cours d’une procédure judiciaire les prestations suivantes à un bénéficiaire : l’assistance et la défense par un avocat ou un défenseur commis d’office autre qu’un avocat ; la prise en charge des frais afférents à la procédure. Les bénéficiaires de l’assistance judiciaire sont les personnes vulnérables et les indigents.
Les personnes vulnérables suivantes bénéficient d’office de l’assistance judiciaire : les mineurs poursuivis pour crime, délit ou contravention ; les mineurs victimes devant une juridiction répressive ; les personnes handicapées prévenues ou parties civiles, incapables de se défendre du fait de leur handicap ; les personnes accusées comparaissant devant une cour d’assises ; les femmes victimes de violences visées au chapitre II, III, VI, VIII du titre III du code pénal ; les femmes qui sollicitent le paiement d’une pension alimentaire, la liquidation d’une succession ou la garde d’un enfant.
L’indigent est défini par la loi 2011-42 comme « toute personne dont les moyens matériels et financiers sont insuffisants pour qu’elle puisse faire valoir ses droits en justice ». Toute personne remplissant cette condition bénéficiera de l’assistance judiciaire après examen de sa demande par le bureau local. A la demande manuscrite ou transcrite sur un imprimé seront joints le certificat d’indigence délivré par la mairie et d’autres pièces conformément aux dispositions des articles 4 à 8 du décret 2014-04 du 3 janvier 2014 fixant les critères et les modalités de la preuve de l’indigence pour bénéficier de l’assistance judiciaire.
Madame la Directrice Générale, la mission assignée à l’Agence Nationale de l’Assistance Juridique et Judiciaire a-t-elle connue une évolution, vue la complexité de votre domaine d’intervention ?
Je peux sans risque de me tromper affirmer que les choses sont entrain d’évoluer dans le bon sens. En effet, après les soubresauts qui ont marqué les débuts de l’Agence, aujourd’hui toutes les incompréhensions ont été aplanies. Les avocats, à travers le Barreau sont désormais partie prenante aux activités d’assistance juridique et judiciaire et œuvrent inlassablement à la réussite de l’Agence. C’est d’ailleurs un avocat qui préside le Conseil d’Administration de l’ANAJJ.
En ce qui concerne les Partenaires Techniques et Financiers (PTF), ils commencent à manifester un regain d’intérêt à l’endroit de l’Agence qui œuvre sans relâche dans ce sens. La redynamisation des structures de l’Agence, le renforcement des capacités des intervenants dans le domaine de l’assistance juridique et judiciaire ont permis de lui donner une grande visibilité et par la même occasion une fréquentation accrue de la population. Cela se remarque aisément à travers nos statistiques.
Depuis la création de cette agence, quelles sont les actions que vous avez pu mener en faveur des populations les plus vulnérables ?
Il y a lieu de rappeler que les années 2013 et 2014 ont été consacrées à l’installation de la Direction Générale et de ses démembrements (bureaux locaux). Aussi, au cours des années 2016 et 2017 les bureaux locaux n’ont pas fonctionné compte tenu de certaines difficultés au niveau central. Malgré tout, les prestations d’assistance juridique ont concerné 22 153 personnes de 2015 à 2018. Celles d’assistance judiciaire ont atteint 3371 personnes pour la même période. Pour l’année en cours les perspectives sont bonnes et présagent une nette amélioration.
Pour faire connaître le rôle et l’importance de l’ANAJJ, vous organisez depuis un certain temps, plusieurs activités. Parlez-nous de ces activités et dites-nous concrètement en quoi, ces activités peuvent participer au développement de l’ANAJJ.
Comme vous le constatez, l’Agence a été créée depuis 2011, mais elle est très peu connue des populations. C’est pourquoi, après une mission de diagnostic au niveau des dix bureaux locaux d’assistance juridique et judiciaire que j’ai cités plus haut, nous avons organisé un atelier de programmation des activités avec notre principal partenaire qu’est le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), que je me permets ici de remercier pour tout l’appui qu’il ne cesse de nous apporter.
Suite à cet atelier, plusieurs activités ont été réalisées dont entre autres, la formation en techniques de plaidoirie de trente six (36) Défenseurs Commis d’Office (DCO) non avocats, dont (16) à Dosso et (20) à Zinder, information des journalistes sur le rôle des médias dans la mise en œuvre du dispositif d’assistance juridique et judiciaire. Cet atelier a permis d’informer 30 hommes et femmes de média. La sensibilisation des femmes des six régions (Diffa, Maradi, Niamey, Tahoua, Tillabéry et Zinder). Cette sensibilisation qui rentre dans le cadre des activités commémoratives de la journée du 13 mai, a permis de sensibiliser plus de 1000 femmes sur le dispositif d’assistance juridique et judiciaire ainsi que sur les violences basées sur le genre. Etc.
Toutes ces activités visent à créer un environnement propice à l’assistance juridique et judiciaire non seulement en renforçant les capacités techniques des différents acteurs, en sensibilisant les différentes cibles mais aussi en créant une alliance stratégique avec les médias, pour une meilleure visibilité de l’Agence et de ses démembrements.
Quel message avez-vous à lancer à l’endroit de vos partenaires et aux acteurs du secteur de la justice en particulier ?
L’appel que je lance à l’endroit de nos partenaires c’est de faire davantage confiance à l’Agence qui est en train de prendre toutes les dispositions pour la création d’un environnement propice pour faire l’assistance juridique et judiciaire une réalité dans notre pays.
Aux acteurs du secteur de la justice, je demande une meilleure implication de leur part afin de relever le défi de l’accès universel à la justice.
Je lance enfin un appel à la population, en l’occurrence aux personnes vulnérables et aux indigents qui veulent utiliser les services de justice et qui n’ont pas les moyens de faire face aux frais, de faire un effort d’aller vers les bureaux locaux de leurs résidences. Il en est de même de toute personne, sans exception, qui veut être éclairée sur une question de droit d’en faire autant. Je les informe que ces prestations sont gratuites.