Surfant sur la vague de mécontentement généralisé qui a suivi l’affaire des frais d’établissement du nouveau permis de conduire biométrique, le Syndicat national du personnel de l’administration du secteur des transports (SYNPAT), vient de déposer un préavis de grève pour les 8 et 9 Août prochain.
Dans son préavis, le SYNPAT entend entre autres, attirer l’attention du Ministre des Transports, Karidjio Mahamadou, sur « la non transparence et le manque d’information dans la concession du permis de conduire, le non-respect des dispositions légales dans le cadre de la mobilité des agents du ministère vers les sociétés délégataires notamment la Société nigérienne de logistique automobile (SONILOGA), la Société nigérienne de contrôle automobile (SNCA), l’entreprise Haroun Printing , et les sociétés de confection de plaques minéralogiques telles que SNER, Yatassaye, … etc ».
Avec ce mouvement d’humeur, le SYNPAT se joint ainsi à la fronde populaire qui s’est amplifiée ces derniers temps, contre certaines pratiques en cours au niveau dudit ministère, et dont le dernier acte en date , a été l’affaire du nouveau permis de conduire biométrique. Le marché, on se rappelle, a été attribué à la succursale d’une société internationale libanaise, Haroun Printing. Au départ, ce sont les montants, jugés « exorbitants », pour l’établissement du nouveau document (19.000 FCFA), qui ont provoqué un véritable tollé au sein de la population, des syndicats et de la société civile. Face à ce tollé, le ministère a décidé de faire marche arrière, avec d’abord une révision à la baisse des frais, puis la suspension provisoire et sans aucune explication, de l’édition du nouveau document. Entres temps, l’opinion ainsi que des acteurs de la société civile, se sont intéressés aux conditions même de passation de ce marché public, sous forme de Partenariat public privé (PPP). Dans une sortie médiatique, le samedi 28 juillet dernier, les responsables du ministère des Transports se sont relayés pour tenter de justifier que la procédure de passation du marché ont été conduit dans le respect des textes en vigueur, mais sans vraiment convaincre. La sortie du SYNPAT, qui a dénoncé « un manque de transparence » dans le processus, vient d’ailleurs en rajouter une couche sur les soupçons d’irrégularités, qui pourraient avoir entachée l’attribution de la concession. Entre temps, la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA) a ouvert une enquête, afin de faire la lumière sur cette affaire qui a cristallisée l’actualité nationale ces derniers jours.
Le ministre Karidjio Mahamadou en mauvaise posture
En attendant la fin des investigations et les conclusions de la HALCIA, le ministre des Transports Karidjio Mahamadou se retrouve de nouveau dans le viseur d’une certaine opinion qui lui reproche déjà, une mauvaise gestion lorsqu’il était à la tête du ministère de la Défense nationale, sous le premier mandat du président Issoufou Mahamadou, dont il est un proche. Figure de premier plan du PNDS Tarrayya au pouvoir, le ministre des Transports a été à plusieurs reprises, accusé de certaines pratiques peu orthodoxe, sans que ces accusations ne soient jamais étayées. L’une des raisons, c’est que jusque-là et malgré la gravité des accusations, aucune enquête n’a été véritablement diligentée sur la base des soupçons des sources « son immense patrimoine immobilier et financier», qu’il aurait acquis depuis l’arrivée des guristes au pouvoir. La presse, nigérienne mais aussi étrangère, en a fait ses choux gras ; l’opposition et la société civile s’en sont appropriées ces graves accusations qu’elles n’ont cessé de ressasser, à longueur de sorties médiatiques, mais le ministre Karidjio est resté imperturbable. Jusque-là en tout cas, serait-on désormais de dire, car avec cette procédure d’enquête ouverte par la HALCIA, et le tollé soulevé par l’affaire du marché du permis biométrique, le vent pourrait tourner en défaveur du puissant ministre et poids lourds du pouvoir de Niamey. Ce qui est sûr, il va falloir en rendre des comptes même si ce n’est pas la première fois que de telles affaires finissent par faire de bruit au Niger, afin de s’estomper au fil du temps, sans grandes conséquences et sans même qu’on n’en sache rien ! Avec l’arrêt de l’édition des nouveaux permis de conduire, il y a pourtant fort à parier qu’il y a anguille sous roches, et que peut-être les choses sont en train de changer. C’est en effet assez inédit, surtout s’il n y a pas quelque chose qui cloche comme s’en défendent les cadres du ministère, qui puisse expliquer cette décision prise au plus haut niveau du gouvernement de suspendre la réalisation du marché. Sous d’autres cieux, elle s’interprète déjà comme un premier désaveu pour le ministre Karidjio. L’autre gifle qui a été infligée à Karidjio Mahamadou, c’est aussi le report sine die et à la dernière minute, de la cérémonie d’inauguration du Centre national de traitement et d’édition du permis de conduire biométrique et des titres de transports sécurisés, une cérémonie que devrait présidée le ministre des Transports, en présence et sous le haut patronage du premier ministre Brigi Rafini, alors que toutes les invitations officielles ont été déjà envoyées ! Autant dire, c’est tout le processus qui a été suspendue dès son démarrage…
Les conclusions de l’enquête nous le diront probablement, mais déjà, de sources qui ont eu à connaitre certains aspects du dossier, il y a de forte chance qu’un conflit d’intérêt ou même délit d’initié, au regard de l’implication d’un parent du premier responsable du ministère, entache la régularité du marché en question. Des liens ont été clairement établis, rien qu’avec le local qui sert de siège à l’entreprise Haroun Printing, au quartier Koira Kano, et qui étayent ces soupçons d’irrégularités, qui rappelons-le encore, ne sont pour le moment pas prouvés officiellement. Mais comme le disent les ivoiriens, « tout ce qui pourrit, va se faire sentir » ! Au stade actuel de cette nouvelle affaire, tout ce qu’on souhaite à notre pays, c’est que la procédure et les textes ont été effectivement respectés dans les règles de l’art. Autrement, on risquerait encore d’assister à un scénario à la « Africard » ! L’entreprise Haroun Printing qui été adjutatrice du marché, « de manière régulière « selon les responsables du ministère, pourrait se faire encore de l’argent pour rien au détriment de l’Etat, puisqu’elle a déjà consenti des investissements pour la réalisation des prestations.