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Interview du Président de l’Association Nigérienne d’Intelligence Economique (ANIE) : «l’ANIE ambitionne donc de développer les capacités Iinstitutionnelles et individuelles en intelligence économique et de promouvoir un environnement favorable aux métiers d’intelligence économique au Niger», déclare M Boulamine Moustapha

Publié le jeudi 15 aout 2019  |  Le Sahel
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© aNiamey.com par DR
M Boulamine Moustapha, Président de l’Association Nigérienne d’Intelligence Economique (ANIE)
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Le Concept d’Intelligence Economique est certes nouveau au Niger. Mais au fil des années, il apparait clairement que ce concept est devenu de plus en plus incontournable pour les entreprises tout comme les administrations publiques qui veulent comprendre la marche du monde. Mais, peu de gens s’intéressent aux études visant à approfondir les connaissances dans ce domaine pourtant extrêmement important, dans un monde en perpétuel mutation où les entreprises et les institutions publiques ont besoin de toutes les informations liées à la sécurité de leurs produits à travers une veille stratégique de toutes les menaces et les opportunités qui s’offrent à elles afin de prendre les décisions qui s’imposent au moment opportun. M. Boulamine Moustapha est l’un des rares Nigériens ayant tenté l’aventure d’approfondir ses connaissances en Intelligence Economique. Economiste, et diplômé de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, M. Boulamine est aujourd’hui un expert dans ce domaine après avoir suivi plusieurs formations à l’international, notamment à l’école nationale d’administration en France sur l’intelligence économique, à l’école nationale d’administration publique au Canada sur l’évaluation du développement, à V.V Giri national labour institute en Inde sur le leadership et à Academy International for Business Officials en Chine sur l’économie circulaire. Par ailleurs, il a aussi travaillé pour le compte des institutions internationales comme la coopération allemande (GIZ) et nationales comme le ministère du Plan avant de créer l’Association Nigérienne d’Intelligence Economique (ANIE). M. Boulamine parle dans cette interview de la pertinence d’une telle association dans un Niger en quête de son développement socio-économique.

Monsieur Boulamine Moustapha, l’Intelligence Economique est un domaine nouveau au Niger, que renferme ce concept ? Et quelle est son utilité pour les administrations publiques et les entreprises privées de notre pays ?

Je voudrais en toute humilité, avant de vous répondre, vous remercier, remercier les responsables de ce prestigieux journal pour nous avoir donné l’opportunité de nous adresser à vos lecteurs ; je suis honoré et heureux d’être dans vos bureaux.

A présent pour répondre à votre première question, je dirai qu’à l’échelle macro la définition de M. Bernard Carayon me parait plus complète : « L’Intelligence Economique (IE) est une politique publique d’identification des secteurs et des technologies stratégiques, d’organisation de la convergence des intérêts entre la sphère publique et la sphère privée. C’est une politique publique se définissant par un contenu et par le champ de son application. Le contenu vise la sécurité économique. Il doit définir les activités que l’on doit protéger et les moyens que l’on se donne à cet effet. Il détermine comment accompagner les entreprises sur les marchés mondiaux, comment peser sur les organisations internationales où s’élaborent aujourd’hui les règles juridiques et les normes professionnelles qui s’imposent aux Etats, aux entreprises et aux citoyens. »



L’Intelligence Economique remplit trois fonctions : la veille, la sécurité et l’influence



Au niveau micro, donc de l’entreprise, l’Intelligence Economique remplit trois fonctions : la veille, la sécurité et l’influence. La veille, qu’elle soit stratégique, commerciale, concurrentielle, technologique, juridique ou normative, permet de collecter et de traiter, de façon coordonnée, des informations sur son environnement. Quant à la sécurité, elle a trait aux actions de protection des informations stratégiques et sensibles. En fin, l’influence consiste pour une entreprise à propager des informations ou des normes de comportement et d’interprétation qui favorisent sa stratégie.

L’Intelligence Economique est très utile pour notre pays en raison des trois ruptures majeures suivantes : L’obligation de répondre à la globalisation. Cette dernière étant synonyme d’ouverture des frontières, de libéralisation et d’interdépendance accrues. Elle influe sur les stratégies des Etats et des entreprises : leurs champs d’actions, leurs marges de manœuvre et les moyens à leur disposition. Aucun domaine n’est exclu, ainsi on parle de globalisation des opportunités en termes d’enrichissement culturel, technologique et économique mais aussi de globalisation des menaces liés aux insécurités globales (insécurité des personnes ; insécurité culturelle ; insécurité économique ; etc.). En effet, face à l’interconnexion des économies avec ses implications en matière d’accroissement de la concurrence, pour survivre, nous devons accroitre la compétitivité de nos entreprises et de notre nation, en construisant et en mettant en œuvre des stratégies gagnantes. C’est pourquoi, certains pays rivalisent d’ingéniosité dans la mise en œuvre de leur stratégie de puissance. Au Niger, la création du Centre National d’Études Stratégiques et de Sécurité (CNESS) témoigne de la longueur d’avance du président de la République SEM Issoufou Mahamadou sur ces questions. Cependant le CNESS, dans son fonctionnement actuel, est beaucoup plus orienté sur des questions de défense que d’économie par exemple. Hors, ne perdons pas de vue que les rapports de force existent toujours au niveau politique, militaire et économique. Par conséquent, si nous voudrions gagner en efficacité et accélérer le rythme auquel nous nous développons, il s’avère indispensable de réhabiliter ou de créer une institution centrale dédiée et coordonnée à un niveau élevé de l’Etat, qui se chargera de mobiliser l’intelligence collective, la communauté des

experts géo-stratèges, géo-économistes, etc., pour identifier les secteurs stratégiques prioritaires au niveau national et élaborer une stratégie de puissance tout en accompagnant les structures de l’Etat, des collectivités territoriales, des centres de recherche et des entreprises dans la mise en place des dispositifs de veille.

L’avènement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) avec le passage à l’économie immatérielle. En effet, l’entrée dans le cyber espace a révolutionné le monde et provoqué l’émergence de nouvelles références. Parlant des NTIC, le philosophe Michel Serres disait : « nous sommes face à la troisième grande révolution de l’humanité après l’écriture et l’imprimerie ». Abordant dans le même sens, le géo-stratège français Alain Juillet, tout en appelant à un changement de mentalité et de prise de conscience, nous rappelle combien les outils et technologies du cyber espace comme le Big data ou l’intelligence artificielle nous permettent de réduire considérablement le niveau d’incertitude décisionnelle et informationnelle et de passer d’une gouvernance réactive à une gouvernance prédictive. De plus, les NTIC nous permettent de passer des modes de gouvernances traditionnelles (l’organisation en modèle pyramidal) issues de la deuxième guerre mondiale à des modes de gouvernance se fondant sur la mobilisation de l’intelligence collective (l’organisation en réseau). Cette nouvelle forme de gouvernance a l’avantage de renforcer davantage la démocratie et la pérennité des projets et initiatives publiques par leur légitimation car ayant recueilli l’adhésion et l’appropriation des populations. La communauté des experts en intelligence économique et stratégique, une fois mobilisée, pourrait aider dans la définition d’un modèle d’intelligence collective propre à notre pays.

Le réchauffement climatique avec la montée de l’économie circulaire et solidaire. La persistance des déséquilibres environnementaux nous impose de revoir nos modes de productions, de consommation et de répartition de la richesse. La réponse à ce phénomène climatique passera par le déploiement de l’intelligence écologique. En effet, les outils et méthodologies de l’intelligence économique et stratégique nous permettent de définir et de mettre en œuvre des modèles de gouvernance pouvant contenir les effets du réchauffement climatique tout en garantissant la compétitivité et la rentabilité économique de nos entreprises.



Vous venez de créer une association nigérienne d’intelligence économique, quelle est sa mission ; sa composition ; ses objectifs et comment fonctionne-t-elle ?

L’association nigérienne d’intelligence économique (ANIE) est née de la volonté des hommes et des femmes croyant à une nouvelle forme de gouvernance qui privilégie la mobilisation de l’intelligence collective pour la mettre au service exclusif du développement du Niger et de l’Afrique. L’ANIE, étant une association de développement, se fixe comme mission principale, la promotion de la bonne gouvernance à travers le développement des capacités institutionnelles et individuelles en intelligence économique et la promotion d’un environnement favorable aux métiers d’intelligence économique au Niger.

L’ANIE dispose de neuf (9) organes statutaires dont les plus importants sont l’Assemblée Générale qui est la plus haute instance délibérante, le comité de coordination qui est l’organe exécutif, le comité scientifique, le secrétariat permanent et les groupes thématiques qui sont des groupes de travail restreint sur des sujets éminemment stratégiques. Le siège de l’association est établi à Niamey sur la rive droite du fleuve à 200 mètres de l’institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS). Il offre un espace de travail convivial et de réseautage aux membres de l’association.



Quelle est la pertinence de la création d’une association d’intelligence économique au Niger ?

L’intelligence économique a permis à l’Occident de dominer le monde. Pendant plusieurs siècles, un petit nombre de pays se sont partagé les richesses mondiales. Aujourd’hui, avec un monde multipolaire et globalisé, le reste du monde s’est réveillé et veut sa part.

Comme l’a dit Alain Juillet que j’ai précédemment cité : « L’Afrique avec son atout majeur qui est sa jeunesse, est le continent qui va connaitre la plus forte croissance au 21˚ siècle. Cet extraordinaire développement ne sera pas identique dans tous les pays et l’écart va devenir important entre ceux qui sauront utiliser les pratiques de l’Intelligence Economique (IE) et ceux qui resteront en arrière ». Nombreux sont donc les pays qui utilisent les techniques de l’Intelligence Economique pour arriver à leurs fins. Au Niger, l’intelligence économique est peu connue et, par conséquent, peu ancrée dans les entreprises comme dans les administrations publiques. L’ANIE ambitionne donc de développer les capacités institutionnelles et individuelles en intelligence économique et de promouvoir un environnement favorable aux métiers d’intelligence économique au Niger. De plus, l’ANIE correspond au besoin de réunir la communauté des experts et des praticiens de l’IE, dans un réseau de partage de la connaissance, et de les conduire à promouvoir leurs réflexions et méthodes au Niger comme à l’étranger. Avec cette association nous avons là, la capacité de mobiliser bénévolement donc à moindre cout l’intelligence collective internationale de la communauté des experts praticiens et chercheurs de l’IE, pour la mettre au service du développement du Niger.

Notre pays a réussi l’organisation d’un sommet des chefs d’états de l’UA sur la Zlecaf et notre Président de la République a été désigné Champion. Nous devons maintenant préparer nos entreprises à devenir des championnes de la Zlecaf avant sa mise en œuvre effective en juillet 2020 et, dans ce cadre l’Intelligence Economique va se révéler indispensable aux entreprises qui veulent comprendre les tendances, connaitre leur environnement et identifier les opportunités afin de bénéficier d’un avantage concurrentiel et d’un surcroit de compétitivité permettant de réagir plus vite et de mieux anticiper en construisant des stratégies gagnantes.



Une association d’intelligence économique nécessite comme toutes les autres associations des ressources à la fois financières et techniques pour réaliser les activités prévues. Quelles sont vos sources de financement ?

Comme premières ressources techniques mobilisables, les membres de l’association qui sont pour la plut part des experts ayant bénévolement choisi de mettre leur compétence au service de l’ANIE. Nous sommes aussi membres partenaires de plusieurs organisations aux niveaux international et régional. Et ces partenariats nous donnent la possibilité de mobiliser rapidement et de façon bénévole des experts internationaux en matière d’intelligence économique et stratégique. A titre indicatif, nous avons comme présidents d’honneur de notre association des éminentes personnalités du monde de l’IE, j’ai nommé l’ancien premier ministre Togolais SEM Agbeyomé Messan Kodjo et M. Philippe CLERC président de l’Association Internationale Francophone d’IE.

S’agissant des ressources financières, à ce stade, nous comptons principalement sur les cotisations et contributions volontaires des membres. Mais à l’issue de nos consultations, certains partenaires, dont nous préférons taire leurs noms, manifestent leurs intérêts pour nous accompagner.



Pour l’efficacité et la visibilité de vos actions sur le terrain, vous aurez besoin aussi des partenaires nationaux et internationaux, qu’est-ce que vous avez fait ou que prévoyez de faire dans ce sens-là ?

Au niveau international nous sommes membre de l’Association Internationale Francophone d’IE qui est la plus importante organisation en matière de promotion des pratiques d’IE dans la francophonie. Au plan régional, notre association est cofondatrice du Forum des Associations Africaines d’Intelligence Economique (FAAIE) dont le siège est établi à Dakhla au Maroc. Les rencontres annuelles du FAAIE sont placées sous le haut patronage de Sa majesté, le Roi Mohammed VI du Maroc et nos activités bénéficient souvent de financement de l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI). Par ailleurs, nous sommes heureux d’annoncer que nous avons été élu vice-président du FAAIE et, à ce titre, nous avions convié deux éminentes personnalités nigériennes j’ai nommé le maire de Niamey M. Mamoudou Mouctar et M. Seydou Souley Mahamadou de IMPACT.COM.MEDIA, à la rencontre annuelle du FAAIE sur le thème de : Intelligence économique et prospectives des territoires en Afrique, tenu du 19 au 22 juin 2019 à Dakhla au Maroc. Le maire Mamoudou Mouctar, même s’il a accepté notre invitation, n’a malheureusement pu faire le déplacement au Maroc certainement à cause des impératifs liés à l’organisation du sommet des Chefs d’Etats de l’UA à Niamey. Mais tout de même la participation de notre pays à cette rencontre africaine était couronnée de succès avec en toile de fond la signature d’une convention de partenariat entre l’ANIE et le FAAIE, en vue principalement de mettre en place un programme de renforcement des capacités en Intelligence Territoriale au Niger. Aussi, avec M. Seydou, nous avons présenté les progrès du Niger en matière d’intelligence territoriale à travers Niger 2.0 et Niamey Nyala.

Au plan national, d’abord nous nous réjouissons de la rapidité avec laquelle, le Ministre d’Etat, Ministre de l’intérieur a signé l’arrêté portant autorisation d’exercice en République du Niger de l’ANIE et ceci témoigne donc de l’intérêt qu’accordent les autorités de notre pays à des initiatives pareilles.

Dans le cadre du lancement des activités de notre association, nous avons entrepris une tournée de prise de contact avec des responsables d’institutions publiques comme privées, c’est ainsi que nous avons rencontré le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Niger, M. Moussa Sidi Mohamed, à qui nous avons présenté notre association et avions été agréablement surpris de voir combien il était sensibilisé sur les enjeux liés à l’Intelligence Economique pour le développement de nos entreprises et de notre pays. Nous poursuivrons les prises de contact avec les responsables d’autres institutions aux fins d’établir à terme des partenariats.


Hassane Daouda
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