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«Au-delà des députés et des Parlements, l’Afrique tout entière doit se mobiliser pour créer les conditions d’une migration utile, une migration humaine», déclare SEM. Ousseini Tinni

Publié le vendredi 30 aout 2019  |  Onep
73ème
© Autre presse par DR
73ème session du Comité exécutif de l`Union Parlementaire Africaine (UPA), à Abuja (Nigeria) : Plaidoyer de SE Ousseini Tinni en faveur du G5 Sahel
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« Honorables collègues,

Mesdames et Messieurs,

Au nom de la Représentation nationale du Niger, je voudrais très cordialement remercier le Parlement de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest pour l’honneur qu’il fait, encore une fois, à notre pays et à son Assemblée en organisant à Niamey ce forum autour d’une thématique qui occupe aujourd’hui le devant de l’actualité.

Monsieur le Président Moustapha CISSÉ LO, chers collègues députés membres du Parlement de la CEDEAO, soyez donc les bienvenus à Niamey où votre qualité de députés de notre communauté est perçue comme le symbole de cette ferme volonté d’intégration de notre sous-région aussi bien au plan économique, social que politique, ici, lorsqu’on évoque la CEDEAO, il y a, pour nos concitoyens, comme une promesse pour un avenir communautaire radieux et prospère, comme le pari de faire avancer à grand pas tous ces gigantesques chantiers qui concourent à la construction d’un espace de solidarité et d’efforts communs dans un but ultime d’émergence pour notre sous-région, dans son ensemble.

Honorables députés, notre joie de vous accueillir est donc grande ! Elle l’est d’autant plus que votre rencontre se propose de débattre de la migration, sujet éminemment pertinent pour mon pays, pertinent pour notre sous-région, pertinent pour l’ensemble des pays du monde. En effet, depuis bientôt trois décennie, le fait migratoire, particulièrement son aspect irrégulier, se maintient invariablement à l’agenda des pouvoirs publics. En raison notamment de la charge émotionnelle qu’ils charrient et surtout à cause de son impact économique aussi bien pour les pays d’accueil que pour ceux de départ et de transit.

S’agissant du niveau mondial, comment ne pas avoir à l’esprit toutes ces solutions de repli protecteur, qui vont du renforcement du cordon policier aux tentatives pharaoniques de constructions de barrières physiques et qui ne sauraient être opérantes car, la migration est un phénomène des plus complexes. Fait social autant qu’économique, elle ne doit pas être perpétuellement d’accusation parce qu’après tout, à l’échelle mondiale, elle concerne environ deux cent millions de personnes et génère plus de sept milliards de dollars de flux financiers! Elle est le corollaire de la mondialisation des échanges qui doit se traduire par la libre circulation des biens et des personnes qui produisent ces richesses.

Il ne s’agit donc pas de songer, un instant, à supprimer la migration qui a toujours existé et continuera à exister parce qu’utile voire indispensable à l’économie, à la culture, à la régulation de la paix internationale. Il faut plutôt créer les conditions garantissant les droits humains, la sécurité et la dignité du migrant, le fût-il pour des raisons économiques ou forcées en raison des conflits violents de tous ordres qui éclatent çà et là.

II faut plutôt créer les conditions de sûreté qui éviteraient que migration soit synonyme d’opérations clandestines, de louches trafics ou d’actions criminelles.

C’est pourquoi, au niveau de la communauté internationale, au-delà des organismes créés spécifiquement pour gérer la migration, il faut saluer l’avancée significative que constitue l’adoption récente du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières dans une vision commune et cohérente.

Je crois sincèrement que l’adoption de ce pacte constitue une avancée certaine dans le traitement de de la question migratoire. A nous autres parlementaires d’accomplir les formalités nécessaires à sa ratification par chacun de nos pays.

Monsieur le Président, pour en arriver à notre sous-région ouest africaine, je voudrais vous dire tout l’espoir que je fonde sur le présent forum. Car, au niveau parlementaire, c’est la toute première fois que l’on se retrouve pour réfléchir avec autant de personnalités averties sur la problématique de la migration. II était plus que grand temps en raison de l’ampleur du phénomène qui existait déjà à l’époque de la création de la CEDEAO.

En effet, l’Afrique de l’Ouest est la zone qui accueille le plus grand nombre de migrants internes en Afrique ; ils seraient ainsi de l’ordre de huit millions. C’était pourquoi, dès le départ, la CEDEAO avait fait de la libre circulation des personnes et des biens l’un de ses principes majeurs, décision grâce à laquelle la gestion des mouvements internes des populations est globalement sous contrôle.

La préoccupation réside plutôt dans la prise en main de l’autre aspect de la migration, celui se rapportant aux flux de départ hors de notre zone, en direction d’autres parties du monde, En Effet, Monsieur le Président, en raison de la position géographique de notre espace, nous sommes sillonnés de nombreux circuits de circulation de migrants en direction de l’Europe et de l’Amérique, le plus souvent dans les conditions les plus irrégulières. Ces circuits, naguère empruntés par nos seuls migrants, accueillent aujourd’hui les jeunes en provenance de toute l’Afrique, voire même du Moyen-Orient et de l’Asie.

Aussi, au-delà de la politique migratoire commune, nous faut-il reconsidérer les choses dans leur globalité et agir afin que les aspects négatifs tant décriés de la migration n’annihilent les retombées positives que nos jeunes et nos pays sont en droit d’attendre.

II s’agit là d’un véritable défi qu’il faut relever en dépit du contexte économique et sécuritaire suffisamment préoccupant que connaît notre espace communautaire.

Monsieur le Président, ce défi est d’autant plus grand que la migration clandestine, est presque toujours source de banditisme et de délinquance attisés par les mafias transnationales. Dès lors, chacun d’entre nous, élus ou pouvoirs publics, est interpellé. Il faut agir avec vigueur pour éviter que nos pays ne deviennent le théâtre d’activités criminelles qui nous ramènent à ces temps de triste mémoire où la personne humaine était réduite au rang de marchandise. Nous devons nous en persuader, si le fait migratoire n’est pas pris en main, le crime organisé gangrènerait nos pays et, à brève échéance, des pans entiers de nos économies pourraient échapper au contrôle des Etats avec le développement des trafics de matières et produits illicites qui accompagnent presque toujours la traite des migrants,

Monsieur le Président, c’est dire donc que je vous encourage vivement à faire prendre en charge ce problème par notre parlement communautaire. Mon pays, le Niger y contribuera de toutes les capacités que ses moyens lui permettent.

II en est ainsi car, ce pays, charnière entre l’Afrique arabo-berbère et l’Afrique subsaharienne, est devenu le nœud migratoire africain en direction de l’Europe à travers le Maghreb.

Le phénomène y est ainsi à l’agenda permanent de nos plus hautes autorités avec la conjonction de plusieurs événements dont la crise libyenne, la multiplication des foyers terroristes au Sahel et la crise économique qui frappe nos pays depuis Se début des années quatre-vingts.

Ainsi, selon des estimations de différentes sources, le Niger compterait environ quatre cent mille migrants forcés et déplacés internes, parallèlement aux migrants en transit dont le nombre, quoique fortement réduit, reste encore assez important. C’est donc à une véritable crise migratoire que nous assistons dont l’effet immédiat est la multiplication des situations d’urgence avec pour corollaire de graves surchauffes sur les économies locales, la précarisation des systèmes de santé avec l’apparition de maladies jusqu’alors inconnues dans nos contrées.

A l’évidence, il y a là, Monsieur le Président, des germes d’instabilité, des germes de déséquilibres économiques et assurément des périls humanitaires en latence !

Ainsi, à titre illustratif, avec près de de 7 000 migrants par semaine qui passaient par la ville d’Agadez entre 2015 et 2017, il s’était créé dans cette ville une économie de la migration difficile à reconvertir. Pour rappel, avant l’intervention de la loi criminalisant le trafic de migrants, cette économie parallèle pouvait générer près de 6 milliards de francs CFA par mois. Quant aux passeurs, ils réalisaient en moyenne un chiffre d’affaires d’environ six (6) mille euros par semaines et par personne.

Avec l’application de cette loi et le ferme engagement du Gouvernement de mettre fin à la migration irrégulière, toute cette économie est aujourd’hui à reconstruire ce qui représente un autre défi local.

Fort heureusement, dans la gestion immédiate des flux résiduels de migrants, le Niger a pu compter sur l’Union européenne et certains organismes spécialisés des Nations-Unies comme le Haut conseil pour les Réfugiés (HCR) et l’Organisation Internationale des Migrations (OIM).

Avec le HCR, le Niger signera même un accord pour instaurer un mécanisme d’évacuation d’urgence et de transit de migrants de la Libye vers son territoire. Il s’agit là, d’un engagement fort du pays pour la prise en charge de la problématique migratoire dans ses conséquences humanitaires et transnationale. C’est également un signe important de sa solidarité à égard des autres pays africains.

Monsieur le Président, pour me résumer, je dirai qu’à l’heure actuelle, en raison de la position géographique du pays, le problème migratoire nigérien est un problème international ! Il lui faut donc une solution à cette échelle, au-delà des efforts que mène le Niger depuis plus de vingt ans.

Mais, avant d’interpeller la communauté internationale et l’Afrique, Monsieur le Président, mon ardent souhait est que notre communauté ouest africaine soit pleinement consciente de la situation du Niger face au flux continu de jeunes candidats à la traversée de son désert, candidats en grande majorité issus des autres pays de la CEDEAO.

Il faut donc que la communauté nous conduise à agir ensemble pour éviter que terroristes et maffiosi ne nous imposent leurs solutions qui se déclinent en toujours plus de guerres, toujours plus de trafics, donc toujours plus de réfugiés et de migrants clandestins. II faut opposer un cercle vertueux à ce cercle vicieux et, à cet égard, il revient à la CEDEAO de s’investir encore davantage car, ne l’oublions pas, l’afflux de migrants en partance pour l’Europe est en grande partie favorisé par les facilités de circulations dans notre espace communautaire.

Cependant, Monsieur le Président, distingués collègues, en dépit de toutes les précautions que nous prendrons, les causes objectives qui conduisent aux migrations forcées et clandestines demeurent encore la pauvreté aggravée par les conflits et le changement climatique.

C’est pourquoi l’on se doit de saluer des rencontres comme le présent forum dans leur volonté d’engager chacun d’entre nous à prendre conscience des enjeux et des dangers de ce nouveau défi ! Ces rencontres doivent être pour nous des occasions pour définir les meilleures gouvernances permettant d’éviter que les migrations ne deviennent une nouvelle source d’insécurité pour les pays de provenance, de transit et d’accueil.

Ces forums et rendez-vous entre parlementaires sont autant d’occasions pour nous rappe er que nous sommes tous concernés par le problème ; nous devons donc agir afin que la migration ne fasse pas reculer les progrès que l’humanité a patiemment capitalisés en matière des droits de la personne humaine ; nous devons nous impliquer dans sa gestion afin que l’avenir de nos pays ne soit pas compromis par la perte des meilleurs éléments de leurs jeunes générations. Engageons donc nos gouvernements à mutualiser les moyens de lutte, notamment, en prévenant les situations qui perturbent la paix dans notre sous-région ; l’une des solutions, me semble-t-il, est d’aller résolument vers encore plus d’intégration.

A cet égard, à l’échelle africaine, la ZLECAF représente une belle opportunité. Saisissons-la pour donner un contenu plus concret à nos projets d’unité et d’intégration. Comme nous le savons, la réalité économique étant portée par le marché, aller vers un marché unique continental, revient à créer un mécanisme automatique d’unification des sociétés et des peuples d’Afrique.

Que nos parlements s’engagent donc à traduire en législation réaliste les orientations de la ZLECAF et j’en suis convaincu, à long terme, l’on parlera beaucoup mois de réfugiés et de migrants clandestins. Pour l’heure, l’urgence est d’harmoniser les législations encadrant le fait migratoire pour mieux prendre en charge à l’échelle de tous nos pays l’aspect clandestin de la migration.

Quant au député pris isolément, dans le cadre de sa mission de représentation, il lui revient d’entreprendre des actions de proximité auprès de la jeunesse afin de rappeler aux candidats à la migration clandestine tous les dangers qu’ils encourent.

Au niveau international, mon souhait est que la diplomatie parlementaire soutienne plus efficacement la diplomatie classique afin de prévenir tous ces conflits dont l’une des conséquences est le refoulement vers d’autres horizons de cohortes de femmes, d’enfants et de vieillards qui ajoute de la précarité à certaines contrées des pays voisins déjà fragilisées par d’autres fléaux comme la sécheresse ou la crise économique.

Bien évidemment, il sera nécessaire de mobiliser des ressources financières, à la hauteur de l’enjeu. Il faudra ainsi financer des projets et programmes de développement économique et social susceptibles de maintenir les jeunes dans leurs terroirs d’origine.

Au Niger, les autorités, en premier lieu le Président de la République SEM. Issoufou Mahamadou, sont en train de s’investir pleinement pour réunir ces différents moyens. Le Président de la République est ainsi en passe de devenir le champion de la lutte contre l’immigration clandestine. Récemment, il devait justifier sa motivation à travers les propos suivants : « La première raison est morale parce que le dirigeant africain que je suis, trouve insupportable que des milliers d’Africains viennent mourir dans le désert et en Méditerranée. Mais aussi le Niger est fortement engagé pour des raisons sécuritaires, parce que les passeurs qui amènent les migrants en Libye reviennent au Niger avec des armes, cela nous pose donc un problème de sécurité».

Monsieur le Président, distingués collègues, on le voit ainsi la problématique migratoire comporte des enjeux et des défis de divers ordres. Conjuguons donc diplomatie et coopération judiciaire pour mieux l’encadrer. Dans cette occurrence, le député et le Parlement se doivent d’être aux avant-postes et jouer de leurs prérogatives et de leur leadership pour agir en complément des efforts des gouvernements, au niveau national comme dans un cadre multilatéral.

Mais, au-delà des députés et des Parlements, l’Afrique tout entière doit se mobiliser pour créer les conditions d’une migration utile, une migration humaine. Il est grand temps de mettre fin à la migration clandestine afin d’éviter que nos enfants, notre avenir, soient exposés devant les caméras du monde entier, errant de port en port méprisés et violentés ! Il est grand temps que cesse ce cauchemar de cadavres anonymes rejetés par la mer, au gré des vagues, sur des plages désolées. Nous sommes tous interpellés, autorités comme citoyens !

Je vous remercie et déclare ouvert le Forum parlementaire de sensibilisation sur la migration en Afrique de l’Ouest. ».

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