Après quelques années de répit, la ville de Niamey semble renouer avec les inondations. En effet, depuis celles importantes enregistrées en 2012, une certaine accalmie a été observée jusqu’au mois d’août 2019. Même si les autorités ont alerté, elles n’ont pas pu empêcher la survenue du phénomène. En effet, le jeudi 29 août dernier, le gouverneur de Niamey a, à la suite d’une réunion avec les différents services techniques, animé un point de presse pour informer les populations en particulier celles résidant dans les zones inondables, sur les risques d’inondations.
Et la nature a donné raison au gouverneur Issaka Assane Karanta. Le niveau des eaux du fleuve Niger a continué à monter, atteignant la côte de 630cm pour un débit de 2614m3/s au niveau de la station de Niamey, un niveau largement au dessus de la côte d’alerte rouge qui est de 622cm pour un débit 2512m3/s, à la date du Samedi 31 août dernier selon la Direction de l’hydrologie au Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement.
Certaines digues de protection (celle de Saga dans l’arrondissement communal Niamey 4) ont commencé à montrer des signes de faiblesse. C’est le branle bas du côté des autorités. L’arrondissement communal 5, habituellement concerné par le phénomène n’y échappe pas cette fois encore. Les premiers à payer le prix fort sont les habitants des quartiers Kirkissoye et surtout les exploitants des périmètres rizicoles de Saguia. Depuis dimanche dernier, leurs rizières sont submergées par les eaux du fleuve.
Dimanche matin, les résidents voisins du périmètre de Saguia tentaient de protéger leurs habitations en plaçant des sacs de sables. Mais, cela n’a pas suffi face à la force des eaux. Quelques heures ont suffi pour que certaines habitations situées en contrebas du pont reliant les quartiers Kirkissoye et Saguia soient envahies par les eaux. En effet, le lit du fleuve est monté de 638 cm dans la matinée du dimanche 1er septembre même,s’il a baissé de 4 cm dans la soirée (pour se situer à 634 cm) selon les relevés de la Direction de l’Hydrologie.
Alertés, les services de la Ville de Niamey imaginent et lancent une solution ponctuelle qui consiste à construire, à partir d’une station service, une route latéritique servant en même temps de digue, pour atteindre et protéger les maisons voisines du périmètre rizicole de Saguia.
Toute la soirée, les techniciens en la matière de la Ville de Niamey étaient sur place donnant des instructions aux camionneurs et conducteurs d’engins. Aux environs de 19h30, le président de la Délégation spéciale de la Ville de Niamey est arrivé sur les lieux au volant de son véhicule personnel. Beaucoup ne se rendent pas d’ailleurs compte de sa présence. Normal. Habillé en Jean slim et T-Shirt, M. Mouctar Mamoudou ne s’est présenté guère différent de nombreux jeunes présents sur les lieux. Il descend la piste latéritique improvisée en construction pour atteindre les maisons cernées par les eaux.
Jusqu’à 20h30, les camions de la mairie continuent encore les allers-retours acheminant de la latérite. Dans l’intervalle d’arrivée entre deux camions, un bulldozer nivelle les tas de latérite déposée et la piste prend forme.
Tout à coup, un bruit assourdissant se fait entendre du lot des maisons situées en contrebas du pont. Une maison en banco vient de s’écrouler sous le regard impuissant des occupants et de nombreux curieux « perchés » sur le pont pour scruter ce spectacle désolant. Dans les ruelles du quartier, les propriétaires des maisons et leurs familles observent les travaux et les eaux qui continuent à se « faufiler » et à envahir les maisons. Certains se sont déjà résignés à quitter leurs habitations. En cette soirée du 1er septembre, ils ont commencé à évacuer des maisons leurs affaires qu’ils ont déposées au niveau de la station service située à l’amorce du pont de Saguia.
Des deux côtés du pont de Saguia, le spectacle est tout aussi désolant. Les rizières situées à ces endroits sont submergées par les eaux au grand désarroi des exploitants.
Avant de quitter les lieux, le président de la Délégation spéciale s’entretient avec les techniciens et autres responsables administratifs de la mairie qui supervisent les travaux. Certains ont l’air fatigués. Pourtant, leur journée de travail est loin de s’achever. En effet, le président de la Délégation spéciale les informe que la cellule (de crise s’entend) va se réunir dans la nuit même à la mairie pour certainement faire le point de la situation en attendant demain qui risque d’être une autre dure journée tant que le niveau des eaux ne descend pas et tant que les populations les plus explosées ne sont pas mises en sécurité.
Les habitants du quartier Kirkissoye dans l’expectative Et comme pour compliquer les choses, il a encore plu dans la nuit du 1er au 2 septembre. Fort heureusement, le niveau des eaux n’a pas automatiquement monté. Mieux, une légère baisse a été relevée hier lundi 2 septembre dans la matinée (627cm pour un débit de 2481m3/s) selon toujours la Direction de l’Hydrologie. Mais les eaux restent encore plus menaçantes pour les habitations situées en zones inondables.
Dans les quartiers qui jouxtent les périmètres rizicoles de Saguia, c’est l’incertitude. Les eaux ont commencé à s’infiltrer dans le quartier à travers certains caniveaux reliés aux périmètres irrigués. Les services de la mairie se sont vus obligés de les boucher provisoirement. « D’ailleurs n’eut été la station service construite Lyoil Kirkissoye, l’eau aurait envahi le quartier depuis hier. La station est surélevée par rapport au niveau du bras du fleuve. Elle sert donc de barrage. Malheureusement, l’eau passe par les maisons en banco situées derrière la station» explique Abdou, un riverain.
Hier aux environs de 17 heures. Les propriétaires des maisons situées dans la zone s’affairent à barricader les portes en disposant des sacs de sable ou en réalisant une sorte de tranchée avec de la latérite. Mais pour certains, c’est trop tard. L’eau à inondé leurs habitations surtout celle situées au nord du périmètre. Ici, on s’affaire plutôt de ‘’sauver ses meubles’’. Certains évacuent leurs bagages par charrettes, d’autres par camion, d’autres encore sur la tête. Des meubles sont visibles, disposés au bord de la route en attendant les véhicules. Devant une maison, les femmes sont assises, inquiètes. Leurs bagages sont entassés dans la concession. Les enfants insouciants jouent dans l’eau qui a déjà atteint la porte de la maison. Hadiza, rentrait de voyage, mais se voit obligé de déménager sur le champ. «L’eau a déjà envahi notre cour. Les autres sont déjà partis. Je vais faire comme eux» dit cette jeune femme célibataire.