Agades - les populations de la ville d’Agadès vivent depuis le début du mois lunaire de Mocharem au rythme du Bianou ou commémoration de la naissance du Prophète Mohamed (S.A.W).
La fête de Bianou est un évènement à caractère culturel et religieux qui n’existe nulle part au Niger qu’à Agadez .Le Bianou commence le 10 du mois Moharem, un mois après la fête de Tabaski appelé aussi mois du Bianou .
L’origine de cette fête dont l’histoire remonte à la nuit des temps symbolise la manifestation de joie après l’arrêt des pluies diluviennes et le jour ou l’arche de Noé s’est posé sur le mont Ararat (5 165 mètres d'altitude) à l'extrême-Est de la Turquie après le déluge.
Certains estiment que le Bianou célèbre l’accueil réservé au prophète Mohamed (S.A.W) par les habitants de Médine lors de l’hégire en 622 et d’autres pensent qu’il s’agit de la commémoration des victoires guerrières du temps des guerres saintes.
La ville entière célèbre cette manifestation culturelle et religieuse aux allures carnavalesques. Femmes, hommes, jeunes et personnes âgées paradent dans les grandes artères d’Agadez sous les rythmes endiablés des ‘’Akanzam’’ sortes de petits tambourins et du ‘’Tambari’’ ’grand tambour guerrier. Deux groupe de danseurs, dont ceux du quartier est et ouest de la ville avec chacun à sa tête un ‘’tambari’’ animent le Bianou, la grande fête de la musique, de la danse et de la beauté.
Des jeunes habillés de boubous bleu, blanc, arborant le turban auréolé de blanc et de noire vif surmonté d’une bande d’étoffe indigo en forme de crête de coq, portent fièrement de sabres, de poignards, de lances et par-dessus leurs grands boubous de larges ceintures décorées et marchent, dansent au rythme endiablé de leurs instrument de musique : les grands tambours de la guerre, les tambours du Bianou. La beauté des jeunes filles s’exprime lors du Bianou où celles-ci sont maquillées avec art, parées de bijoux en or et argent, habillées de pagnes et foulards bleus, noirs, de chemises d’un blanc ou noir éclatant ornées de galons au motifs rouges des agdésiennes .Elle marche en suivant les danseur, la tête protégée de petits et larges parapluies aux couleurs chatoyantes .
Quand la fête atteint son paroxysme ce sont des centaines de personnes qui sautent, dansent et virevoltent dans une sorte de procession guerrières ou malgré la multiplicité des instruments et des tonalités, les sons s’harmonisent pour donner un cachet très particulier à la musique du Bianou. Lors des rencontres qui se tiennent dans des endroits bien déterminés des quartiers de la ville les deux groupes de l’est et de l’ouest ,ne tarissent pas en défis somme toute estivales,’’Aujourd’hui, c’est la fête du Bianou,la fête de l’abzin ;petit de tout ce dont tu es capable nous le sommes ;nous sommes ceux de l’est, le tonnerre qui fait trembler ceux de l’ouest ;nous sommes maitres de la danse et de l’art de donner un plein sens à la fête. Qui osent nous défier sait à quoi s’en tenir’’.
Autrefois la rencontre des deux groupes dégénérait en affrontements assez souvent violents et sanglants. De nos jours avec l’évolution des temps, l’ouverture d’esprit, la promotion de la paix et de la tolérance la fête se passe dans toute la joie et l’allégresse partagées avec tous les résidents et non-résidents d’Agadez, dans un climat de communion, de pardon et d’unité avec tous les nigériens sans distinction de race ou de religion.
Le 9 du mois Moharem toute la ville participe au Marétchan-n-Ado ou la soirée de la beauté. Arborant leurs plus beaux habits, les deux divisions des quartiers précités rivalisent de sons et de danses.
La nuit tombée, les danseurs célèbrent la nuit de la consécration et vont festoyer à Alarcès (à 5 km au nord) de la ville. Le lendemain aux environs de 9 heures, les fêtards regagnent la ville en dansant, chantant, agitant des branches de palme prélevées aux bordures du Kori Telwa et des bannières d’étoffe multicolores.
Toute la ville converge pour l’accueil des deux grands cortèges qui parcourent toutes les rues pendant cette journée, dite Daouka Tchizdayen (la prise des palmes de dattier).Mais préalablement une première escale est faite non loin de la garnison d’Agadez en souvenir peut-être de la bataille engagée par les troupes du Sultan Tagama et Kaocen face aux militaires français ,une autre sur la place des martyrs de la répression française de 1916 -1917 où furent massacrés à l’époque les habitants d’Agadez. Un bref crochet à la résidence de l’autorité politique et administrative locale et enfin la grande fête de chants et de danse se passera dans l’enceinte de la cour de sa Majesté le Sultan de l’Air Oumarou Ibrahim Oumarou. De jeunes, femmes, hommes rivaliseront de danse et de leurs meilleurs atours de fête.
Quand la fête atteint un certain niveau, franchit un certains palier, les femmes ,les hommes d’un certain âge suivent les rythmes du Bianou , balançant la tête , essuyant en certains moments les larmes de joie , de fierté et de réconfort se souvenant des moments si précieux de leur tendre enfance dans cette cité qu’ils ont vue grandir et se prospérer sous leurs regards de patriarches.
Apres le sultanat la fête se poursuit dans toutes les artères de la ville .Les groupes de danseurs rendent alors de visites à des dignitaires, aux personnes âgées qui ont marqué le Bianou et qui leurs ont relégué ce lourd héritage culturel et religieux qu’ils doivent préserver et pérenniser pour les futures générations.
Dans le commun des ardrésiens on dit qu’il est difficile de ne pas être sensible aux rythmes du Bianou, une fête dont les Agadésiens ont dans le sang. La fin du Bianou correspond à l’Achoura, dixième jour de l’an musulman.