Monsieur Issifi Sadou, préfet du département de Gaya : «Dans la zone de Gaya, nous disposons de grandes superficies qu’on peut aménager pour faire de l’irrigation, produire tout au long de l’année»
onsieur le préfet, pouvez-vous nous donner une idée des appuis mobilisés par l'Etat et les partenaires en faveur de votre entité administrative, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de l'Initiative 3N ?
Effectivement, notre entité administrative, comme toutes les autres entités, a bénéficié d'importants appuis. Je dois vous rappeler que Gaya est une zone à un très fort potentiel agricole et pastoral. Il est traversé par le fleuve Niger, dispose de nombreuses mares permanentes, des îles riches de leur faune, et il est situé dans la zone dite soudanienne. Tous ces atouts font du département une zone privilégiée à ne pas négliger. Et les autorités, au plus haut niveau, ont bien compris cela, sachant qu'on ne peut parler du secteur agricole ou pastoral en occultant ces énormes potentialités. Dieu merci, nous avons enregistré beaucoup de soutiens.
Dès le lancement de la campagne de cette année, nous avons reçu d'importants appuis en semences. De même, une grosse quantité d'engrais, urée et le 15-15, a été distribuée. Par rapport aux semences, il faut signaler qu'à Gaya, la pomme de terre n'est pas une spéculation prioritaire des producteurs. Ils ne savent pas vraiment la cultiver et donc ça n'a pas réussi. Mais pour les autres spéculations, la production a été très bonne. Il y a assez de pluie, assez d'eau de sous-sol également. Dans certaines zones, les nappes sont très peu profondes et on trouve l'eau parfois à moins d'un mètre de profondeur. En plus de la mise en œuvre de l'Initiative 3N, les bailleurs de fonds soutiennent beaucoup les populations, particulièrement à travers des appuis matériels dont des motopompes. Mais, cette année, les agriculteurs ont souhaité avoir plus d'appuis pour pouvoir exploiter de plus grandes superficies. Le PVDT a promis d'octroyer 200 motopompes qui ne sont pas encore arrivées.
Dans le cadre de l'Initiative 3N, nous avons acquis huit motopompes. Mais ce n'est pas suffisant, et nous attendons le reste. Comme vous pouvez l'imaginer, le département a besoin davantage de moyens pour mettre en valeur ses énormes potentialités. Dans la zone de Gaya, nous disposons de grandes superficies qu'on peut aménager pour faire de l'irrigation et produire tout au long de l'année. Nous déplorons quand même l'existence d'une population flottante. Il y a des gens qui viennent des autres localités du pays mais qui n'ont pas de terres. Ils exercent des métiers aléatoires, alors que, s'ils trouvent des terres, ils pourront bien travailler et mieux gagner leur vie.
Vous parliez tantôt des populations qui n'ont pas de terres : peut-on comprendre qu'il se pose des problèmes liés aux conflits fonciers autour des périmètres ?
On ne peut pas ignorer les problèmes fonciers ici à Gaya. Il en existe, car il y a beaucoup d'aires de pâturage dans le département, et qui ont même été balisées. C'est donc réservé à l'élevage. Mais compte-tenu du fait que les gens veulent produire plus, les agriculteurs sont tentés de débroussailler les aires de pâturage. Et cela crée des conflits. Nous sommes en train de les régler et d'expliquer aux gens la nécessité de préserver les aires de pâturage car, comme l'agriculture, l'élevage est aussi une mamelle de l'économie nigérienne. C'est cela le principal type de conflit que nous avons ici. Mais il y a aussi des problèmes fonciers entre les agriculteurs. On arrive toujours à régler les problèmes et à éviter les conflits.
Y-a-t-il, Monsieur le préfet, une structure spécifique chargée de la gestion des conflits fonciers dans le département ?
Oui, nous avons créé, dans chaque commune, une commission foncière communale et la commission foncière départementale COFODEP. Les problèmes sont réglés d'abord au niveau villageois ou communal. C'est lorsqu'il n'y a pas de solutions à ces niveaux-là que la COFODEP est saisie sur la base des rapports de conciliation ou de non réconciliation produits par les deux échelons. Le comité que nous avons au niveau départemental examine les dossiers et mène des missions sur le terrain. C'est quand on arrive à résoudre le problème que la Justice est saisie par la partie non consentante avec le procès verbal. Le département n'a heureusement pas enregistré de conflit grave cette année. Cela est à mettre à l'actif du travail des commissions foncières.
Monsieur le préfet, comment se présente la situation sécuritaire de votre département, surtout quand on sait que Gaya se situe à cheval entre deux pays ?
La situation sécuritaire est pour le moment calme, même si nous sommes vraiment sur le qui-vive. Comme vous l'avez dit, nous sommes à cheval entre deux pays, et cette position n'est pas sans conséquence sur la sécurité. Du côté du Bénin, nous avons le fleuve qui sert de passoire. Les gens traversent facilement pendant la période des hautes eaux à travers les pirogues, et à pied pendant l'étiage, parce qu'on ne peut pas contrôler tout le long du fleuve. Cela fait que certains passent des produits prohibés comme les drogues et les tabacs. Nous sommes en train de veiller, mais ce n'est pas facile. Il ne faut pas le cacher. Avec nos voisins du Nigeria, il y a les trafics, mais ce qui nous préoccupe le plus, c'est la question des terroristes. Ce sont les gens de Boko Haram que nous surveillons le plus. Mais, nous avons la chance que l'Etat de Kebbi, qui est notre voisin, ne soit pas confronté à ce problème. Tout de même, mais il faut être à tout moment sur le qui-vive. Les populations sont les mêmes de part et d'autre et notre religion est la même. On note quelques cas de prêcheurs de certaines sectes, mais nous essayons d'attirer l'attention des populations, et nous prenons soin de laisser chacun pratiquer la religion selon ses convictions. Le département connaît aussi quelques cas d'insécurité résiduelle, notamment sur l'axe Dosso-Gaya. Mais, depuis le mois de décembre, nous n'avons plus enregistré d'attaque sur cet axe parce que nous avons renforcé les patrouilles. Compte tenu de l'état de ce tronçon du corridor, les bandits avaient l'habitude de s'en prendre aux camions pour dérober des marchandises. Les patrouilles ont permis de stopper ce genre d'attaques.
L'éducation est un des secteurs prioritaires du Président de la République. Quelles sont les difficultés rencontrées dans ce secteur au niveau de votre entité administrative ?
A Gaya, nous rencontrons essentiellement le problème lié à l'existence de classes en paillotes. En effet, Gaya est une zone pluvieuse, avec pratiquement six mois de pluies. La saison s'installe très tôt dans la zone, souvent en pleine année scolaire. Ici, les pluies commencent en mai, voire en avril. Vous comprenez pourquoi je dis que nous avons beaucoup de problèmes. Dès que la pluie tombe, les classes en paillote ne sont plus opérationnelles. Certes, des classes sont en train d'être construites, mais avec ces aléas naturels, il faut des mesures. J'ai l'habitude de dire aux élèves, et même aux enseignants, qu'ils doivent se mettre au travail et éviter les grèves. Notre handicap, c'est que les cours ne peuvent être dispensés sous les classes en paillotes pendant la saison des pluies.
La santé est aussi un des secteurs prioritaires du Président de la République : comment se présente la situation dans votre département ?
Sur ce point, nous n'avons pas particulièrement de problème. Les campagnes de vaccination se font régulièrement. La situation épidémiologique est calme, malgré le partage de frontières avec le Nigeria et le Bénin. Dieu merci, nous n'avons pas enregistré des cas d'épidémie, en dehors de celle du choléra que le département a connue l'année dernière. Il faut souligner que les formations sanitaires disposent d'agents depuis le recrutement qui a eu lieu l'année dernière, mais le besoin reste encore. Si nous prenons le cas du district sanitaire de Gaya, le médecin, le seul que nous avons, est à la fois médecin-chef, administrateur et chirurgien. Son collègue affecté n'a pas été remplacé. Le fait qu'il soit seul est un handicap pour la bonne marche des services. Au niveau de toutes les communes, nous avons un médecin, à l'exception d'une seule commune où le médecin affecté a pris service, est reparti, et n'est plus revenu. Toutes les formations sanitaires sont néanmoins dotées de personnel qualifié, même si le nombre est encore insuffisant.
Le département de Gaya est traversé par un corridor et partage la frontière avec deux pays. Cette position géographique donne-t-elle un avantage de plus dans le domaine économique à votre entité administrative ?
Au plan économique, la situation est bonne, je dirais même meilleure par rapport à celle d'autres départements. Gaya est un poumon de l'économie nigérienne. A en juger par le trafic intense des marchandises, la concentration des sociétés de transit, les banques, on comprend que le commerce est florissant. Seule fausse note, les populations, qui trop habituées à la fraude, ne paient les taxes comme il se doit.
Récemment, une situation a dégénéré et provoqué la mort d'un jeune élève. Que s'est-il passé ?
Justement, ces évènements survenus ici sont liés à cette question. Nous avions reçu un message demandant aux taxi-motos de se mettre en règle vis-à-vis de la loi, notamment les assurances et le port de casques. Nos tentatives de les raisonner sur l'importance des papiers et de se mettre en règle se sont heurtées à l'opposition de certaines personnes. Lorsque nous avons reçu le message, nous avons rencontré le responsable de l'association des taxi-motos pour le lui notifier. Il est allé à Dosso pour négocier le moyen de dédouaner les motos. A son retour, il a réuni les délégués pour relayer l'information. La réunion a mal tourné et il a appelé la police pour ramener le calme et l'ordre. Après le contrôle, la police a constaté que le principal agitateur et un autre n'avaient pas de pièces. Elle les a amenés au poste de police. C'est là qu'a commencé le problème.
Les gens se sont munis d'armes blanches et ont bloqué les voies publiques, du Commissariat jusqu'à la préfecture. Ils ont même incendié le hangar au domicile du commissaire. Il a fallu faire appel à des renforts pour libérer le Commissariat. Le lendemain, la manifestation a continué, ainsi que le surlendemain. C'est ce jour-là qu'il y a eu les balles perdues qui ont fait deux blessés dont un élève du lycée. Les manifestants ont bloqué l'ambulance qui transportait les deux blessés, et cassé la vitre arrière du véhicule qui n'a pu avancer que grâce à l'intervention des forces de l'ordre. Malheureusement, le jeune lycéen a succombé au cours de son évacuation sur Dosso. Voilà ce qui s'est passé et la justice est saisie de l'affaire dans laquelle onze personnes sont impliquées.