Mohamed Boucha, ministre Délégué chargé de l’Elevage : « Les festivités typiquement culturelles de la Cure Salée ont fait que cette fête a pris une dimension internationale »
Monsieur le ministre, parlez-nous des préparatifs de l’édition 2019 de la Cure salée ou fête des éléveurs. Quelle est sa particularité?
La fête des éleveurs est célébrée dans la deuxième semaine du mois de septembre de chaque année. Ainsi, la Cure Salée n’a pas une date fixe, nous choisissons toujours le weekend pour donner l’occasion à tous ceux qui désirent se rendre à Ingall, surtout les fonctionnaires, pour assister à cet évènement de grande envergure. Avant, le site de la Cure Salée était juste un espace vide, un désert qu’on réhabilite juste à quelques jours ou à quelques mois de la fête ; on loue les cases traditionnelles pour héberger les invités. Maintenant ce site est mis en valeur, avec une tribune plus ou moins moderne ; des villas construites en matériaux définitifs pour les hôtes, un espace de course de chameaux clôturé et entretenu. Aussi, nous faisons chaque année des investissements dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie des principaux concernés qui sont les éleveurs, des invités et même des spectateurs.
Pour ceux qui ne sont pas au Niger, beaucoup aimeraient savoir les activités qui sont au programme de cette fête ?
Plusieurs manifestations qui mettent la culture des éleveurs en valeur sont au programme dont entre autres : la fantasia ; les concours de beauté, de course de chameaux ; le chameau le mieux harnaché, le chameau le mieux dressé, l’ânesse la mieux harnachée et le concours de la musique. Il y a aussi le concours du meilleur éleveur ; meilleur turban ; meilleures transformatrices des produits agro-pastoraux, des poèmes traditionnels, des tresses et tout ce qui est la pratique des éleveurs d’où qu’ils viennent. Nous organisons également une mini foire des produits agro-pastoraux et nous installons des stands où il y a toute une panoplie d’innovations notamment dans le cadre de l’élevage, de l’agriculture, de l’Artisanat, de l’énergie, de l’entreprenariat des jeunes etc. Certaines structures nationales et internationales organisent des séances de sensibilisation et de formation sur le site comme en ville sur les thèmes du moment. En marge de ces festivités, notre département ministériel lance une campagne de vaccination des animaux à grande échelle ; car tous les troupeaux du sud, de l’ouest et même des pays voisins convergent en cette période précise sur les salines d’Irhazer qui permettent à ces troupeaux de désinfecter tous les parasites. C’est conscient du danger que cet attroupement peut engendrer, et pour prévenir toutes les maladies et éviter la contamination des animaux, que nous entreprenons à notre niveau une campagne de vaccination pour tous les transhumants notamment une semaine avant le lancement et une autre semaine après la Cure Salée. Nous sommes d’ailleurs le seul pays au sud du Sahara qui fait, avec l’appui des partenaires, chaque fois une vaccination à grande échelle.
Peut-on avoir une idée du budget alloué à cet événement ?
Il faut reconnaitre que le budget a beaucoup diminué ces derniers temps compte tenu des contraintes budgétaires. Cette année, nous avons mis à la disposition de la région d’Agadez, 140 millions de FCFA pour les infrastructures notamment : la construction des nouvelles villas ; la réfection de celles existantes ; les canalisations d’eau ; l’électricité ; les toilettes etc. Et 65 autres millions destinés à la restauration des invités et autres. Le Ministère ne gère que les prix et cadeaux. Mais nous continuons à chercher des financements auprès de nos partenaires car, nous avons beaucoup de choses à finaliser et dont les moyens nous font défaut.
L’on se rappelle, monsieur le ministre qu’à l’édition précédente, les éleveurs, se sont plaints de leur faible implication dans l’organisation de ce grand événement. Quelles sont les mesures que vous avez prises pour remédier à ces problèmes pour que les principaux concernés, qui sont les éleveurs, se sentent véritablement impliqués ?
La Cure Salée c’est pour les éleveurs, comment ne pas prendre en compte leur préoccupation ? Depuis que nous sommes nommés à la tête de ce Ministère, les éleveurs sont véritablement impliqués dans l’organisation. La fête est redevenue typiquement traditionnelle.
Par exemple, l’année précédente nous avons enregistré 6000 participants contre 1200 en 2017. Compte tenu de leur nombre qui s’accroit, l’année passée en plus du stock de vivres que la Primature a mis à notre disposition, il a fallu qu’on achète 12 tonnes pour aider les éleveurs à tenir cette période, car n’oubliez pas que la plupart se sont déplacés de très loin, une longue marche derrière le cheptel qui les mène des zones agricoles du sud du pays vers le nord désertique. Pour une question de transparence nous confions cette tâche aux gendarmes qui recensent les éleveurs sur une période bien déterminée. Chaque participant enregistré avait droit à un ticket qui portait la marque de son animal ; à la fin ils venaient présenter leurs tickets afin de récupérer leurs sacs sans difficulté aucune. Mais, les gens qui ont l’habitude de détourner le stock au détriment de véritables bénéficiaires ont été mis à l’écart depuis trois ans.
De plus en plus, la Cure Salée attire des visiteurs qui viennent d’autres pays africains et même d’autres continents. Qu’est-ce qui, d’après vous, explique cet engouement et quels sont les pays attendus pour cette édition 2019 ?
Les festivités typiquement culturelles de la Cure Salée ont fait que cette fête a pris une dimension internationale. Cette dimension apporte une vitalité économique à chaque édition. Les gens qui se déplacent depuis l’Europe ou l’Amérique trouvent un immense plaisir aux caractères culturels de l’évènement. Il y a beaucoup d’activités traditionnelles qui s y déroulent. Par exemple, les peulhs chantent et dansent jusqu’au petit matin. La Cure Salée c’est aussi un business car beaucoup de gens viennent de partout pour exposer leurs produits et les restaurateurs et restauratrices sont aussi au rendez-vous. En plus de nos hôtes habituels qui sont l’Algérie, la Lybie, le Mali et le Nigeria, il y a aussi des ambassadeurs de plusieurs pays amis qui nous accompagnent. Nous allons accueillir cette année les ministres de l’Elevage de la CEDEAO et de l’UEMOA qui ont annoncé leur participation et dont nous attendons la confirmation.
Y a-t-il des partenaires qui accompagnent le gouvernement dans l’organisation de cette fête et quelle est la nature de leurs appuis ?
Beaucoup de partenaires nous viennent en appui matériel ou financier, même les séances de sensibilisation et de formation que ces partenaires organisent à l’endroit de la population est un appui inestimable. Mais pour les projets et programmes qui ont leur ancrage au Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage nous leur suggérons comme appuis de prendre en charge leurs cibles au niveau des différentes régions et assurer leur déplacement pour qu’ils participent à la mini-foire organisée en marge de la Cure Salée. Toutes les régions bénéficient de notre contribution.
On sait que la région du Sahel vit dans un contexte sécuritaire particulier. Qu’avez-vous à dire, en lien à cette situation, à tous ceux qui veulent découvrir cette fête fantastique des éleveurs nigériens ?
La fête des éleveurs est sécurisée car, nous avons un budget affecté à la sécurité du lieu, des éleveurs, des invités, les parages d’Ingall jusqu’à la frontière d’Algérie sont sécurisés. Nous avons vraiment un dispositif de sécurité dont la présidence est assurée par le commandant de Zone de la région d’Agadez. Donc les gens n’ont rien à craindre, ils peuvent vraiment venir découvrir la culture et tradition des éleveurs nigériens.