Intervention Son Excellence Monsieur MAHAMADOU ISSOUFOU, Président de la République du Niger, Lors du Forum de la Corporate Council for Africa Sur la ZLECAf
C'est pour moi un plaisir d'être avec vous, dans cette prestigieuse ville de New-York, pour vous présenter la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine et les opportunités d’affaires qu’elle est susceptible d’offrir en matière d’investissement et de commerce.
Je voudrais féliciter les organisateurs de cet important forum, sous le thème « la ZLECAf : des nouvelles frontières pour l’Afrique et ses partenaires » qui donnera aux compagnies américaines membres de Corporate Council for Africa (CCA) et aux agents économiques américains l’occasion de se mettre à jour et de suivre les récents développements qui se déroulent sur le continent, procéder à des échanges et nouer des partenariats économiques durables.
Mesdames Messieurs,
La Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf) est un des douze projets phares et prioritaires du premier plan décennal de mise en œuvre de l'Agenda 2063 de l'Union africaine, agenda qui vise à faire du continent Africain, à l’horizon 2063, une « Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens, et représentant une force dynamique sur la scène internationale ».
Ce projet qui entre dans le cadre du processus d’intégration économique du continent Africain, consiste à éliminer tous les obstacles tarifaires et non tarifaires qui limitent les échanges entre les 55 Etats Africains créant ainsi la plus grande zone de libre-échange du monde. Ce faisant les leaders Africains corrigent une des plus grandes injustices dont le peuple Africain est victime, la balkanisation du continent par le fait colonial avec plus de 50 petits Etats sur un même continent, enfermés dans plus de 84 000 kilomètres de frontières.
La ZLECAf en démolissant ces 84 000 km de frontières réalise le rêve porté par plusieurs générations de panafricanistes, depuis celle du « retour à l’Afrique » de Marcus Garvey jusqu’à celle de l’Union Africaine, en passant par celle du premier Congrès panafricaniste tenu à Paris en 1919, le rêve d’un continent uni, si bien résumé par Kwame Nkrumah, leader Ghanéen des années 1960, qui avait clairement posé le dilemme de notre continent en ces termes « Divisés nous sommes faibles. Unie, l'Afrique pourrait devenir, et pour de bon, une des plus grandes forces de ce monde.».
La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) s’étendra ainsi sur un marché en pleine croissance doté dès le départ de 1,2 milliard de personnes, représentant un produit intérieur brut (PIB) de 2 500 milliards de dollars. Elle permettra d’accroitre le commerce intra-africain, qui n’est que de 13% aujourd’hui contre 60% pour l’Europe et 40% pour l’Amérique du Nord, et d’augmenter le poids de l’Afrique dans le commerce mondial actuellement estimé à 2%.
Suite à ma désignation en janvier 2017, par mes pairs de l’Union Africaine, comme champion de la Zone de Libre Echange Continentale, ce projet a connu des progrès rapides et remarquables. C’est ainsi qu’à l’issue des négociations, l’Accord portant Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf) a été signé en Mars 2018 par 44 Etats, suivis depuis lors par 10 autres Etats, portant ainsi le nombre de signataires à 54. Cet Accord a été ratifié en un an par plus de 22 Etats, minimum requis pour son entrée en vigueur, ce qui a permis le lancement officiel de la phase opérationnelle de la ZLECAf, le 7 Juillet 2019 à Niamey au Niger. Pour faciliter cette opérationnalisation de la ZLECAf, trois protocoles accompagnent d’ores et déjà l’Accord : les protocoles sur le commerce des marchandises, le commerce des services et le mécanisme de règlement des différends. Trois autres protocoles sont en cours de négociation et seront finalisés d’ici Décembre 2020. Il s’agit des protocoles sur l'investissement, la politique de concurrence et les droits de propriété intellectuelle.
Je tiens également à souligner que les dirigeants africains sont pleinement attachés à la mise en place de la Zone de Libre-Échange Continentale. Je peux le confirmer en raison du soutien qui m'a été accordé pour l’accomplissement de ma mission et la rapidité avec laquelle l’Accord a été ratifié.
Mesdames et Messieurs ;
La ZLECAf n’est pas un programme isolé. Elle forme avec les autres plans et programmes de l’Union Africaine, un tout cohérent dans la perspective de renforcer l’intégration régionale et atteindre les objectifs de l’agenda 2063. Je citerai, pour rappel, les plans et programmes suivants :
- le Plan d’action pour le développement industriel accéléré de l’Afrique (AIDA),
- le programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA),
- le programme détaillé de développement de l’Agriculture en Afrique (PDDAA) ;
- la vision Minière Africaine (VMA) ;
- le plan d’action pour l’intensification du commerce intra-africain (BIAT)
En liaison avec ces plans et programmes la ZLECAf constitue une source d’opportunités énormes pour les entreprises qui veulent investir en Afrique. Au titre des potentialités et des opportunités qu’offre la ZLECAf on peut citer sans être exhaustif l’investissement dans l’industrie, dans l’agriculture, dans les infrastructures, dans la finance et dans les services.
L’Afrique est actuellement le continent le moins industrialisé. Les produits manufacturés ne représentent que 15% du commerce intra-africain et notre continent reste un simple réservoir de matières premières pour les autres continents. La ZLECAf permettra de mettre fin à cette situation en offrant les possibilités de développer les chaines de valeurs intra et inter Etats. La ZLECAf favorisera ainsi la création des chaînes de valeur régionales. Grâce à cela, les petites et moyennes entreprises seront intégrées à des entreprises de plus grande taille pour renforcer leurs capacités de production et d'exportation visant tout le continent et le reste du monde.
En effet, l’Afrique dispose d’importantes réserves de minerais et d’un grand potentiel de production agricole et de production d’énergie hydraulique ainsi qu’une main d’œuvre qualifiée.
L’Afrique dispose de la moitié des réserves mondiales de terres arables non exploitées. L’agriculture constitue à n’en point douter un moteur de la transformation économique du continent d’où la pertinence du Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture en Afrique.
En matière de production d’énergie électrique, le site congolais d’Inga à lui seul présente un potentiel d’énergie hydraulique de 40 000 MW, capacité suffisante pour couvrir les besoins de plusieurs pays du continent et à moindre coût.
Pour s’attaquer aux obstacles qui entravent la circulation des biens et des services entre les pays africains, il est absolument nécessaire de développer les investissements dans des réseaux transfrontaliers de transport, d’énergie, d’eau et des NTIC. Le Programme de développement des infrastructures en Afrique dont les 51 programmes et projets ont vocation à parfaire l’interconnexion, l’intégration et la transformation du continent africain, constitue une étape importante dans cette direction. Des opportunités énormes existent dans le domaine des infrastructures, pour les investisseurs privés soit en initiative privée soit en partenariat avec le secteur public.
L’accélération de la transformation économique du continent à travers la création de la Zone de libre-échange continentale et la mise en œuvre des autres programmes de l’Agenda 2063 s’accompagnera nécessairement du développement d’un marché financier Africain et de l’accès accru de l’Afrique au marché financier mondial. En effet pour faire face aux besoins d’investissements importants que requiert cette transformation les entreprises et les Etats Africains auront recours au marché financier pour rechercher des ressources importantes et peu couteuses. Du fait des économies d’échelle liées à la taille du marché, l’Afrique sera un marché à rentabilité élevée susceptible de drainer les ressources des marchés financiers internationaux.
Le transport, le tourisme, l’hôtellerie, l’assurance, le conseil aux entreprises connaitront une progression fulgurante et constitueront une autre source d’opportunité pour les investisseurs internationaux que les entreprises américaines se doivent de saisir.
Les pays africains ont fait d’importants efforts pour améliorer le climat des affaires. Des pays comme le Niger ont fait des bons significatifs sur le classement « doing business » de la banque mondiale et améliorent leur rang d’année en année. Plusieurs réformes novatrices sont introduites dont les lois sur les PPP(Partenariat Public Privé) , la suppression du monopole de production et distribution de l’énergie électrique des sociétés étatiques, la réforme des codes des investissements dans l’industrie, les mines et l’énergie, l’institution des régulateurs sectoriels dans les secteurs des télécommunications de l’énergie des transports et de l’hydraulique, l’institution de l’arbitrage fiscal, la création des tribunaux de commerce, etc. Toutes ces reformes n’ont qu’un seul objectif majeur : rassurer les investisseurs nationaux et étrangers. Rien ne s’oppose désormais à ce que les entreprises Américaines investissent en Afrique dans l’industrie, l’énergie, les chemins de fer, les routes, les ports et aéroports, la finance, et les services et qu’elles profitent de ce grand marché de plus de 1,2 milliards de consommateurs, en cours de construction que représente une Afrique unie et intégrée dans le cadre de la zone de libre-échange continentale.
Je voudrais, pour conclure mon propos, réaffirmer que les gouvernements africains sont impatients de travailler avec le secteur privé Américain à travers le tout continent et en leur nom je vous invite à saisir les opportunités offertes par ce nouveau paradigme.