Alors que de nombreux enfants s’apprêtent à reprendre le chemin de l’école en Afrique de l’Ouest et du Centre ; plus de 2 millions d’enfants ne feront pas de rentrée suite à la fermeture de 9,288 écoles dans la région en raison de la situation sécuritaire et 44.000 enseignants[1] ne pourront pas rejoindre les salles de classes.
« Conflits internes violents, insécurités, catastrophes naturelles, épidémies graves telles que Ebola, sont des maux dont nous entendons régulièrement parler. Mais nous sommes nous souvent posez la question : Quelles sont les conséquences sur les enfants et jeunes des zones affectées par ces multiples crises ? » déclare Mr Philippe Adapoe Directeur régional de Save the Children pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Des attaques contre l’éducation
Au Burkina Faso, la rapide détérioration de la situation sécuritaire a entrainé la fermeture de plus de 2,024[2] écoles aujourd’hui contre 1284 en Mars 2019. Le Cameroun, le Nigeria, la RCA, le Tchad, la RDC, le Niger et le Mali font face aux mêmes difficultés.
Dans toute la région, et particulièrement dans le centre du Sahel, l’éducation devient de plus en plus une cible : les écoles sont attaquées par des groupes armés, incendiées ou même occupées à des fins militaires ou par des personnes déplacées à l’intérieur. Des enfants et des enseignants sont attaqués sur le chemin de l'école et à l'école même.
Dans un contexte caractérisé par une militarisation croissante de l'espace humanitaire, la centralité de la protection de l’enfant reste un défi majeur en raison de la multiplication des violations commises à l'encontre de civils.
Avec une éducation interrompue, les enfants risquent d'abandonner leurs études et d'être exposés à des problèmes de protection, tels que le recrutement dans des groupes armés, la violence, la maltraitance, l'exploitation et la violence sexiste. Ces risques sont encore plus exacerbés pour les jeunes filles en temps de crise
Les nombreux pays affectés en Afrique de l’Ouest et du Centre, font partie des pays avec des indices de développement faibles et des systèmes éducatifs déjà fragiles. Des solutions systémiques doivent mises en œuvre rapidement pour assurer la continuité de l’éducation et éviter une génération perdue.
Plusieurs études menées par Save the Children dans la région démontrent que, durant les situations de crise, la priorité primaire des enfants et des jeunes est de retourner à l’école.
« J’ai eu peur de perdre ma mère parce que je n’avais déjà plus de père. Tout le village a été détruit, j’allais à l’école du village qui a aussi été détruite. Lorsque nous sommes venus nous réfugiés dans ce village, le directeur de l’école a informé mon oncle que je pouvais continuer l’école. Cela fut une bonne nouvelle parce que j’aime l’école et c’est important d’avoir une éducation. J’ai de nouveaux amis avec qui je passe de bons moments. Plus tard je souhaite devenir ministre. » Ibrahim [3], 12 ans Mali
L’éducation, un besoin primaire pour les enfants et jeunes en situation de crise, mais encore sous financée
Les gouvernements, les organisations non gouvernementales et humanitaires ont la responsabilité de trouver les voies et moyens pour mettre en place des systèmes adaptés aux contextes afin de permettre aux jeunes comme Ibrahim de continuer à jouir de le leur droit d’aller à l’école, d’apprendre. Il est tout aussi nécessaire que les Etats intègrent des actions permettant d’anticiper les risques de perturbation de leur cycle scolaire et arriver avec des plans de mitigation et des solutions innovantes.
« En cette période de rentrée scolaire, il est important de parler de l'importance de l'éducation et encore plus en période de crise. Si nous n’en faisons pas une priorité, nous devrons être prêts à nous excuser auprès de la prochaine génération pour ne pas avoir écouté son message clair : nous voulons aller à l’école même en temps de crise »
« L’éducation ne peut pas attendre. La communauté internationale est invitée à intensifier ses efforts de financement pour cette composante importante de la réponse humanitaire. À ce jour, sur les 222 millions de dollars nécessaires, seuls 61 millions de dollars ont été alloués à l'éducation en situation d'urgence dans la région, soit 27,52%. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et le temps presse » a conclu le directeur régional de Save the Children pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, M. Adapoe
Save the Children recommande :
Aux gouvernements
Assurer la continuité de l’éducation à travers l’augmentation du budget alloué à l’éducation en situation d’urgence et son intégration dans les plans sectoriels ;
Sécuriser les écoles et tous les espaces d’enseignement à travers la mise en œuvre de la Déclaration sur la Sécurité dans les Ecoles ; Veiller à la sécurité et à la protection des enseignants dans les zones rurales et difficiles d'accès ;
Promouvoir des opportunités alternatives d’apprentissage telles que l’enseignement communautaire, l’apprentissage à distance et l’éducation accélérée dans les zones où les écoles ne peuvent pas rouvrir à cause de l’insécurité ;
Identifier des sites alternatifs à utiliser comme abris en cas de déplacements de populations ou de catastrophes naturelles, pour s’assurer que les établissements scolaires ne soient pas utilisés comme abris ;
Former les enseignants à intégrer des techniques d’appui psychosocial dans les méthodologies d’enseignement pour aider les enfants à surmonter les chocs et le stress entraînés par l’insécurité.
Aux partenaires techniques et financiers, agences des Nations-Unies et organisations non-gouvernementales
Appuyer le gouvernement dans la mise en place de services éducatifs de qualité dans les zones touchées par l’insécurité et reconnaitre que l’éducation dans les situations d’urgence constitue un domaine prioritaire dans toutes les interventions humanitaires ;
Sensibiliser les communautés, les chefs religieux et les acteurs non étatiques sur l’importance de la continuité de l’éducation et de la protection des écoles contre les attaques ;
Soutenir l’élaboration de plans de réduction de risques avec les communautés, pour renforcer la protection des écoles contre les attaques ;
Promouvoir l’intégration du bien-être psychosocial des enfants dans les méthodologies d’enseignement, afin de renforcer la résilience des enfants ;
Renforcer la capacité de la société civile pour assurer la documentation et le rapportage des attaques contre l’éducation.