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Allocution de S.E.M ISSOUFOU MAHAMADOU, Président de la République du Niger, Chef de l’Etat, au Forum de Rhodes sur le dialogue des civilisations : « Les leaders politiques africains ont compris que l’Afrique, pour réussir son décollage, doit s’intégrer économiquement et évoluer dans le cadre d’une stratégie globale de développement » déclare SE. Issoufou Mahamadou

Publié le lundi 14 octobre 2019  |  Le Sahel
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© Présidence par DR
Fin à Lyon, de la 6ème Conférence de Reconstitution des Ressources du Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose
Le Président de la République, SEM Issoufou Mahamadou, accompagné de la Première Dame, Dr. Lalla Malika Issoufou Mahamadou, a participé jeudi, 10 octobre 2019, à Lyon, en France, à la 6ème Conférence de Reconstitution des Ressources du Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose.
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Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de réitérer mes remerciements à l’institut du dialogue des civilisations et en particulier à son Président, Monsieur Vladimir Lakounine et son Directeur Exécutif, Monsieur Jean Christophe Bas pour m’avoir associé, en tant qu’invité spécial, à ce 17ème Forum de Rhodes, lieu privilégié de réflexions et d’analyses pour aider à la prise de décision des leaders politiques et économiques du monde.

Je suis heureux de participer à la conclusion du débat de ce panel sur le développement du continent africain et d’évoquer les défis et perspectives inhérents à ce sujet. C’est l’occasion de rappeler que l’Afrique recèle d’importantes ressources en matières premières, qu’elles soient d’origine agricole ou minérale et un potentiel énorme de croissance économique et de développement.

L’Afrique dispose de plus de 60% des terres arables non encore exploitées au niveau mondial. Le sous-sol du continent est un véritable scandale géologique de par la diversité et les quantités de minéraux disponibles. Le potentiel d’énergie hydraulique est considérable ; le site congolais d’Inga à lui seul présente un potentiel d’énergie hydraulique non exploité de 40 000 MW, capacité suffisante pour couvrir les besoins de plusieurs pays du continent et à moindre coût.

L’Afrique dispose d’une population en pleine croissance estimée aujourd’hui à 1,2 milliard d’âmes et pouvant atteindre 2,5 milliards en 2050. Cette population se caractérise par sa jeunesse d’où un énorme potentiel de main d’œuvre et de consommateurs. La transition démographique en cours sur le continent, permettra de disposer d’une population active hautement productive avec une forte capacité d’épargne à condition, naturellement, que les jeunes soient formés et éduqués.

Pour l’instant pourtant, l’Afrique est le continent le moins développé du monde, particulièrement au Sud du Sahara. Les produits manufacturés ne représentent que 15% du commerce intra-africain qui lui-même ne représente que 13% des échanges du continent.

Au moment de leur accession à l’indépendance dans les années 1960, les pays Africains et les pays de l’Asie de l’Est avaient les mêmes caractéristiques économiques. Aujourd’hui les performances des pays asiatiques défraient les chroniques. Ils dépassent de loin les pays africains et même d’Amérique latine. C‘est ainsi que la Corée du Sud qui était moins développée que certains pays africains, se hisse aujourd’hui au 12ème rang des économies mondiales. L’Inde est la cinquième puissance économique, la Chine est deuxième. Singapour, naguère simple comptoir de réexportation est aujourd’hui classé au 7ème rang mondial en termes de PIB par habitant.

L’explication est toute simple. Alors que les pays de l’Asie ont su se doter d’institutions fortes capables de faire des choix stratégiques auxquels sont soumis tous les acteurs de la vie économique, alors qu’ils ont mis l’accent sur les investissements et l’exportation des produits manufacturés, l’Afrique est restée enchaînée dans le pacte colonial, c’est à dire pourvoyeuse de matières premières et consommatrice de produits finis fabriqués ailleurs. Elle reste victime de l’échange inégal. Par ailleurs les pays asiatiques ont su profiter du phénomène des délocalisations des industries occidentales à la recherche du maximum de profit.

Les leaders politiques Africains ont pris conscience de la situation et ont compris que l’Afrique, pour réussir son décollage, doit s’intégrer économiquement et évoluer dans le cadre d’une stratégie globale de développement.

L’union économique du continent sera réalisée à partir des blocs régionaux, les communautés économiques régionales, dans le cadre desquelles se réalisent un processus d’harmonisation et d’intégration politique, économique et monétaire. La CEDEAO, par exemple, après avoir réussi la libre circulation des personnes et la mise en place du tarif extérieur commun, avance résolument vers l’introduction d’une monnaie commune.

En termes de planification stratégique, les pays regroupés au sein de l’Union Africaine se sont engagés à mettre en œuvre, pour l’horizon 2063, centenaire de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine, ancêtre de l’Union Africaine actuelle, la vision d’une « Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens, et représentant une force dynamique sur la scène internationale ». Cette vision a été traduite dans l’Agenda 2063 et dans ses plans d’action avec des objectifs ambitieux de croissance et de développement du continent en vue de transformer, accroître et industrialiser les économies nationales.

L’agenda 2063 et ses plans d’action visent à mettre fin à la situation d’extraversion de l’économie Africaine. Le premier plan décennal de mise en œuvre de l’Agenda 2063 a défini 12 projets phares considérés comme prioritaires dans la marche vers l’intégration du continent dont le projet de la zone de libre-échange continentale dont l’accord est entré en vigueur et sa phase opérationnelle lancée le 7 Juillet 2019 à Niamey au Niger.

Ce projet consiste à éliminer tous les obstacles tarifaires et non tarifaires qui limitent les échanges entre les 55 Etats Africains créant ainsi la plus grande zone de libre-échange du monde. Ce faisant les leaders Africains corrigent une des plus grandes injustices dont le peuple Africain est victime : la balkanisation du continent avec 84 000 kilomètres de frontières.

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) s’étendra ainsi sur un marché en pleine croissance doté dès le départ de 1,2 milliard de consommateurs, représentant un produit intérieur brut (PIB) de 2 500 milliards de dollars. La ZLECAf n’est pas un projet isolé. Elle forme avec les autres projets de l’Union Africaine, un tout cohérent dans la perspective de renforcer l’intégration régionale et atteindre les objectifs de l’agenda 2063. Pour rappel, ces projets sont les suivants :

-le Plan d’action pour le développement industriel accéléré de l’Afrique (AIDA),

-le programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA),

-le programme détaillé de développement de l’Agriculture en Afrique (PDDAA) ;

-la vision Minière Africaine (VMA) ;

– le plan d’action pour l’intensification du commerce intra-africain (BIAT)

La ZLECAf favorisera ainsi la création des chaînes de valeur régionales. Les petites et moyennes entreprises seront intégrées à des entreprises de plus grande taille pour renforcer leurs capacités de production et d’exportation visant tout le continent et le reste du monde.

Pour s’attaquer aux obstacles qui entravent la circulation des biens et des services, il est absolument nécessaire de développer les investissements dans des réseaux transfrontaliers de transport, d’énergie, d’eau et des NTIC. Le projet de développement des infrastructures dont les 51 programmes ont vocation à parfaire l’interconnexion, l’intégration et la transformation du continent africain, constitue une étape importante dans cette direction.

L’accélération de la transformation économique du continent à travers la création de la Zone de libre-échange continentale et la mise en œuvre des autres programmes de l’Agenda 2063 s’accompagnera nécessairement du développement d’un marché financier Africain et de l’accès accru de l’Afrique au marché financier mondial.

Pour réussir le décollage économique du continent les leaders politiques africains savent que certains défis doivent être au préalable relevés : la sécurité et la stabilité, la mise en place des institutions démocratiques fortes capables d’assumer les choix stratégiques du continent, la mobilisation des ressources internes et externes, la poursuite des réformes et des politiques macroéconomiques efficaces et adaptées au cadre stratégique défini.

En ce qui concerne la sécurité, l’Union Africaine dispose des mécanismes de prévention et de gestion des conflits allant de l’alerte, à la mobilisation des forces en attente, en passant par la médiation. C’est la mise en œuvre de ce mécanisme qui a permis de régler la crise soudanaise au Sud comme au Nord grâce à la médiation du Premier Ministre Éthiopien, Monsieur Aby Ahmed, que je félicite pour avoir obtenu le prix Nobel de la paix pour son rôle dans la cessation des hostilités entre son pays et l’Érythrée. Par ailleurs un effort intense de solidarité est en cours dans le cadre de la lutte contre le terrorisme comme le démontre la mobilisation d’un fonds de 1 milliard de dollars par les pays de la CEDEAO pour la lutte contre le terrorisme dans le Sahel et le bassin du lac Tchad.

Le renforcement des institutions démocratiques fait partie des priorités des programmes mis en œuvre par les différents gouvernements. L’accession au pouvoir par les urnes est devenue désormais la règle, les fichiers électoraux biométriques se généralisent ainsi que la limitation du nombre de mandats présidentiels.

En ce qui concerne la mobilisation des ressources, il y a lieu de noter l’évolution positive dans ce domaine, ces dernières années. En 2017, pour la 1ere fois, le montant des investissements directs étrangers, évalué à 63 milliards de dollars, dépasse le montant des aides publiques au développement, estimé à 61 milliards de dollars tandis que les transferts de la diaspora atteignent le chiffre record de 66 milliards de dollars. Certes ce n’est pas assez, car l’Afrique a besoin d’un montant d’investissements de 600 milliards par an pour atteindre les ODD fixés pour 2030.

C’est pourquoi au-delà de la mobilisation de ces ressources externes, les pays africains doivent mettre l’accent sur la mobilisation des ressources domestiques notamment l’épargne locale et les ressources fiscales dont le seuil de prélèvement doit tendre progressivement vers l’objectif de 24% du PIB défini par la CNUCED.

Pour ce qui est des réformes et des politiques macroéconomiques, le cadre stratégique défini au niveau continental est dupliqué et adapté au niveau régional et au niveau des Etats, tant en ce qui concerne les visions stratégiques que les programmes sectoriels. Par ailleurs les pays africains font d’énormes efforts pour améliorer le climat des affaires. Des pays comme le Niger ont fait des bons significatifs sur le classement « doing business » de la banque mondiale et améliorent leur rang d’année en année. Plusieurs réformes novatrices sont introduites dont les lois sur les PPP (Partenariat Public Privé), la réforme des codes des investissements, etc.

La marginalisation actuelle de l’Afrique dans l’économie mondiale, avec seulement un poids de 2% des échanges, tire donc à sa fin. Je fonde l’espoir que cela se reflétera assez rapidement dans les relations économiques entre l’Afrique et les autres continents. D’ores et déjà certains pays ont perçu ce potentiel d’opportunités du continent et développent des partenariats économiques et commerciaux avec le continent.

Au-delà des rencontres organisées avec les partenaires traditionnels tels que la France et les Etats Unis, de nombreux autres partenariats sont noués avec le continent. C’est ainsi que le Japon a initié à partir de 1993 une rencontre économique de haut niveau avec les pays africains (TICAD), il en est de même pour l’Union Européenne en 2000, le Brésil en 2003, la Chine en 2006, les pays du Golfe en 2007, l’Inde et la Turquie en 2008, et la Russie ce mois d’ Octobre 2019.

Ces rencontres ont pour objectif de permettre aux pays africains de bénéficier du partage d’expérience, de l’assistance technique et de la coopération des pays émergents et des pays développés. Elles visent aussi à promouvoir les investissements directs étrangers en Afrique et à libéraliser les échanges. Ces partenariats sont bien la preuve que l’Afrique est actuellement perçue comme le continent de l’avenir, destiné à devenir un des moteurs de la croissance de l’économie mondiale. Par ailleurs, l’émergence de l’Afrique nécessite une réforme profonde de la gouvernance politique et économique mondiale : réforme du conseil de sécurité et réforme des institutions économiques notamment.

Pour conclure, je tiens à renouveler mes remerciements aux organisateurs du présent forum et à féliciter les panélistes pour la profondeur de leurs analyses et la pertinence de leurs recommandations. Ces analyses et recommandations confirment la position de l’institut de Recherche sur le Dialogue des civilisations, comme l’un des plus prestigieux Think-Tank en matière de réflexion et d’analyse sur les questions de développement.

Je vous remercie.





Onep
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