Scandaleux, proprement scandaleux. Toute la famille politique de l’ancien président de la République Tandja Mamadou est plongée dans un sentiment qui va de la consternation à l’abasourdissement. Tandja Mamadou devenu la star top du marketing politique.
C’est en tout cas la chose pour laquelle il s’est le moins préparé. A son corps défendant ou avec une tacite complicité, la boutique est ouverte en son nom. Le commerce : des petits enregistrements de quelques dizaines de minutes en langue nationale haoussa que les officines de l’opposition vendent comme des petits pains. Un commerce florissant pour les réalisateurs de ce curieux entretien et plaisant pour les militants politiques avides d’entendre Tanja Mamadou absent de la scène politique depuis qu’il a été évincé du pouvoir par le coup d’Etat du 18 Février 2010. Mais qui donne une toute autre image de l’ancien Chef d’Etat. Les propos de l’ancien Président de la République ont été tenus en présence d’une petite délégation des militants MNSD de Tahoua. On parle éventuellement de Abdra Raouf membre du bureau régional de Tahoua et du bureau politique national ainsi que Elhadj Na Allah, tous deux, qui seraient à la tête de cette délégation reçue en audience par Tandja Mamadou.
L’enregistrement ne permet pas d’avoir la moindre indication sur la date de l’entretien, mais d’après les allusions contenues tout indique qu’il se situe après la formation du 2ème gouvernement de Brigi Rafini. Un autre élément fort plausible, l’enregistrement des propos de Tandja aurait aussi été réalisé via un téléphone portable. Mais une question essentielle reste non résolue : ces propos ont-ils été enregistrés à la demande de Tandja ou avec son accord tacite ou bien ils lui ont été volés à son insu ? Question essentielle parce qu’elle permet de saisir l’instantanée de la personnalité de l’ancien Chef de l’Etat. Pendant des années en effet, Tandja Mamadou s’est taillé une image de véritable Homme d’Etat dans la version de la politique moderne ou de «Dantijo» dans l’imagerie populaire au sein des gens du monde rural. Il avait ce sens poussé de la chose de l’Etat au point où pour lui les discussions au sommet et les dossiers d’Etat relèvent du quasi sacré et sont revêtus d’un caractère ultra confidentiel.
Et ce même sens de responsabilité de la fonction d’Etat, sans doute en relation avec les fonctions qu’il a occupées, l’ont amené à choisir de rester à Niamey alors même que ses proches relations lui ont proposé des résidences à l’intérieur du pays notamment à Maradi. Tandja a repoussé toutes ces offres parce que, disait-il, il ne voulait pas qu’on l’amène à replonger dans le tumulte de la politique politicienne. Une sage position et qui conforte l’idée que l’opinion nationale se fait de lui : distant de toute cette mêlée burlesque, discret même dans ces rares apparitions publiques, très circonspect et ne cédant pas à la tentation de réagir à certains propos qui lui ont été assez souvent attribués à tord ou à raison. Pourtant dans les milieux politiques, on aura tout fait pour l’amener à se prononcer. Tandja Mamadou est resté au dessus de la même. Conforme à son rang d’ancien Chef de l’Etat qui tranche totalement avec la banalisation de Mahamane Ousmane, et conforme aussi avec l’image de Dantijo qui n’entretient pas la zizanie. Après ce fameux enregistrement, que reste-t-il de cette image de la grandeur et de la vertu ?
Plus grand-chose. Le miroir s’est brisé, et les adversaires politiques qui ont une longueur de retard sur Tandja ne cachent plus leur contentement. Tandja en audio clip, Tandja en star top du commérage et de la zizanie. Un terrible désastre. Il doit être saisi d’effroi à la sortie de cette bande, ou plutôt de ce enregistrement sur carte mémoire des portables entre les mains des jeunes garçons, des amazones, Phoenix et vertes de toutes les maisons des partis de l’opposition ARDR. Tandja en spectacle dans la rue. Qui l’aurait cru ? Et pourtant… Mais est ce que tout le monde se rend compte qu’il y a quelque chose de très grand, un archétype d’homme politique et homme d’Etat, qui tombe ? Dans toute sa majesté, du haut de son prestige, debout raid avec cette allure martiale qu’il aime affecter, Tandja Mamadou est tombé grand fracas. Ceux qui l’ont enregistré ont tiré son boubou par le bas. Et il s’est laissé aller. Sans résistance. «Amali» le dromadaire, le bat tiré par les Hama Amadou, Seini Oumarou et Mahamane Ousmane.
La drogue politique a-t-elle saoulé l’ancien Président de la République ? Ce n’est pas à écarter. Le président de l’Assemblée nationale et président du MODEN LUMANA visiblement connait les ressorts de l’homme qu’il a côtoyé pendant plus de 30 ans, comme il dit. Hama connait l’attachement de Tandja aux honneurs du pouvoir et il ne s’est pas trompé d’appât quand pour faciliter la mise en place de la nouvelle alliance de l’opposition ARDR, il est parti vers son ancien compagnon avec cette ingénieuse proposition reconduire Tandja comme leur unique candidat aux prochaines élections présidentielles de 2016. Tandja est tombé dans le jeu. Et dans le contenu de son entretien enregistré on pouvait entendre une reprise de toutes les idées développées par les militants ARN. En substance : les militants PNDS sont des gens difficiles, on ne peut pas travailler avec eux ; ou encore j’ai été à Washington pour dire que mon pétrole je vais l’exploiter avec qui je veux ; j’ai amené le pétrole pour le MNSD…
Et le prix du litre ? Entre 100 à 300 FCFA. Cacahouètes. Et cette sollicitation que Tandja a adressée au Président de la République pour obtenir la clémence sur Foukory Ibrahim incarcéré à l’époque à la prison de kollo, mais qu’il retourne comme une requête de Issoufou Mahamadou qui chercherait son aide pour se débarrasser de Hama Amadou. Sur ses anciens amis, ceux là même qui se sont cramés pour l’aider contre la furie de Hama, Tandja décoche des flèches. Les propos vont dans tous les sens, avec cette idée fixe et insistante «les voleurs, les voleurs…». Sans doute en relation avec cette autre idée véhiculée déjà aussi par ses sympathisants de l’ancienne ARN : son argent, Tandja a parlé de 400 milliards de francs. Les proches de l’ancien Président avaient déjà parlé depuis longtemps d’une importante quantité d’argent qu’il gardait dans des caisses au palais. Sa propre fortune ou l’argent du trésor national ? Dans tous les cas, cela met à nu une frasque financière grave en relation avec Tandja Mamadou.
Malsain et révélateur, l’enregistrement de la voix de Tandja a pulvérisé une image d’icône. Quelque chose de grand est tombé. Les amis de Tandja l’ont trahi. Si en tout cas ils ont volé ses propos. En l’entrainant dans la boue et la banalisation de l’Etat, ils étaient sûr que c’était là le meilleur moyen de le tenir hors de course pour les futures échéances électorales qu’ils sont pourtant entrain de lui miroiter. Tandja le dindon de la farce, ils n’ont pas fini de se payer sa tête. Dans la banalité, il y avait déjà Hassane. Désormais il y a Ousseini.