La semaine passée aura été marquée par un vaste mouvement des scolaires de la section collégienne et lycéenne de Niamey qui entendait manifester pour obtenir la satisfaction de leur plateforme revendicative qui tournait autour de leur condition d'études.
Rien d'anormal, quand des écoliers débraient dans la rue pour que leurs doléances, parfois légitimes, soient satisfaites par les pouvoirs publics. C'est une constante partout dans le monde entier. Mais là où on pourrait diverger avec les initiateurs de ce mouvement scolaire, c'est dans la forme, où précisément dans la nature d'une telle manifestation qui avait pris les allures d'une véritable insurrection contre l'Etat. En effet, pendant des heures, les scolaires de la ville de Niamey s'étaient livrés à de véritables actes de vandalisme, non seulement contre les biens publics qu'ils ont méthodiquement saccagés (feux optiques brisés, routes dégradées, véhicules administratifs caillassés), mais aussi contre les biens privés (pare-brises cassés, boutiques saccagées), mais en plus, de paisibles citoyens furent magistralement molestés.
Jamais de mémoire d'habitants de Niamey, même du temps de la splendeur de l'USN, on n'avait assisté à un tel déferlement de violence de la part des scolaires nigériens. La violence était partout, telle une lave volcanique qui détruit tout sur son passage. Devant cette culture de violence, on peut se demander, au fond, si notre école publique peut être encore le lieu d'éclosion des élites dirigeantes futures du pays, ou si, au contraire, elle est simplement le reflet fidèle de notre incapacité actuelle à inventer notre avenir, c'est-à-dire l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Car les scènes désolantes auxquelles l'on avait assisté ces derniers jours à Niamey jettent un regard froissé sur l'état de notre école publique qui, au lieu d'être l'ascenseur social par la délivrance du savoir et du diplôme, sera devenue la machine infernale de fabrication d'un rebut so cial qui n'a que la violence comme seul mode d'expression.
Aujourd'hui, l'école publique nigérienne porte son deuil, elle est en panne, en panne sèche, le modèle ayant présidé à sa création s'étant épuisé faute de cellules régénératrices. Le scolaire nigérien actuel est le produit non désiré d'un système scolaire qui semble avoir atteint ses limites objectives avec la cécité générale de la société nigérienne dans sa globalité qui semblait fermer les yeux sur ses profondes mutations, notamment sur les tendances démographiques qui appelaient, pourtant, à plus de prise de conscience de la part de tous les citoyens et des pouvoirs publics sur les dangers d'une pression démographique mal maîtrisée. En fermant les yeux sur cette explosion démographique par crainte de certains tabous sociaux, notamment la levée de boucliers des milieux religieux devant tout programme de planning familial ou d'espacement des naissances, les pouvoirs publics nigériens ont démissionné devant leurs responsabilités de prévoir la société d'aujourd'hui.
Mieux, l'école d'aujourd'hui est la résultante de ce laisser-aller, de ce laxisme politique qui avait conduit au désastre actuel. Le cas de l'université Abdou M. Dioffo de Niamey illustre parfaitement cette situation, car prévue pour accueillir quelques milliers d'étudiants, cette université est aujourd'hui submergée par des demandes d'inscription dépassant largement ses capacités d'accueil. La RTT et la Télé Bonferey avaient cru, dans leur volonté de nuire au régime de la Septième République, faire un scoop médiatique en montrant des images d'écoliers prenant des cours à même le sol. Pour notre part, nous n'avions point été surpris, car le problème de classes, tables bancs ne datent point d'aujourd'hui, et cela aucun gouvernement ne réussira à relever ce défi, du fait de la forte poussée démographique qui annihile tous les efforts actuels déployés par le gouvernement pour réhabiliter l'école publique nigérienne. Mais là où le bât blesse, c'est qu'en plus de ces effectifs pléthoriques, l'école publique nigérienne traîne encore le boulet de la baisse drastique du niveau, principalement due, bien souvent, à l'impossibilité d'achever dans les délais les programmes scolaires du fait de ces grèves perlées à longueur d'année.
Résultat final, la plupart d'entre eux arrivent à la fac avec un savoir sur béquilles, ce qui ne les prédispose guère à un cursus universitaire brillant. L'autre conséquence de tout cela, c'est que l'école publique est de plus en plus désertée par les enfants des classes moyennes et riches qui préfèrent envoyer leurs rejetons dans les établissements privées, plus stables et surtout plus studieux, où les programmes scolaires sont toujours exécutés à 100%. La preuve, ces établissements privés réalisent des taux de réussites aux différents examens nationaux parfois de l'ordre de 100%, pendant que l'école publique fait à peine … 30% dans les meilleurs des cas ! Donc, au regard de ce qui précède, à l'échelle d'une génération, c'est la reproduction sociale qui se perpétue, car les enfants de ces classes privilégiées auront plus de chance d'émerger que leurs camarades des écoles publiques, autrement dit, les enfants des pauvres demeureront, demain, sous les ordres des enfants des riches, exactement comme les papas des premiers étaient sous les ordres des papas des seconds !
La fonction de l'école comme ascenseur social, qui permettait, jadis, au fils du paysan tout comme à celui du notable d'accéder aux hautes fonctions de la société, est ainsi rompue. Voilà le cocktail de facteurs qui explique aujourd'hui le délitement, la dégénérescence de l'école publique nigérienne qui recourt à la violence faute de mieux pour exprimer son mal être. Il appartient à tous les Nigériens, pouvoirs publics comme société civile, de poser les véritables problèmes de cette école qui est aujourd'hui sur béquilles en vue de trouver des solutions idoines. Personne ne trouvera la clé du problème si on ne s'attaque pas en amont au défi démographique. Le Niger compte actuellement 17 millions d'âmes ; il en comptait moins de 2 millions au lendemain de l'indépendance. En 2025, si le même rythme se maintenait, nous serions à 50 millions d'habitants ! Effarant !