Comme naguère son ancien Premier ministre, Tandja Mamadou a vu ses propos intimes rendus publics au moyen d'un enregistrement audio non autorisé.
Les deux anciens amis de trente ans, séparés puis réconciliés, ne comprennent manifestement rien à la magie des nouvelles technologies, parmi lesquelles les téléphones portables et autres gadgets, en apparence innocents, se révèlent être de véritables mouchards. Mais, comme dans la fable de l'aveugle, ils ne se laisseront sûrement pas prendre deux fois.
Ces petits inconvénients ont quand même leurs avantages, dont le moindre n'est pas, pour le citoyen ordinaire, de connaître par effraction le fond de la pensée des hommes et femmes politiques, connus pour être des experts en dissimulation et en langue de bois.
Comme par hasard, ce sont toujours les proches, guère des journalistes, qui trahissent leur confiance en partageant avec le public, non les confidences sur l'oreiller ou les prescriptions maraboutiques, mais les confessions politiques même de ces beaux parleurs devant l’Eternel.
Peu importe les motivations d'une telle forme de générosité, la presse, elle a vite fait de partager à son tour la belle aubaine avec son public, tellement exceptionnels sont les aveux et les professions de foi spontanées dans le monde politique. Comme le dit Cioran, « la confession la plus vraie est celle que nous faisons indirectement, en parlant des autres ». Grâce aux réseaux numériques, le scoop reste d'ailleurs accessible pour un bien plus grand monde.
L'ancien Président de la République n'est pas allé du dos de la cuillère pour apprécier d'une part la qualité de la gouvernance de son successeur, dont l'absence de vision et de résultats dans l'exercice du pouvoir lui paraissent ahurissants ; et d'autre part, l'exploitation politique que certains transfuges font de son nom à Tahoua, où il avait été naguère longtemps préfet de région, et qui se révèle être aussi la région originaire de l'actuel Président.
Il a justement en face de lui une délégation de la région venue à la source s'enquérir de sa position sur la fracture qu'a connue le MNSD-Nassara, le parti qui l'a porté par deux fois au pouvoir. Sans chercher à philosopher, l'ancien colonel de l'armée s'appuie en cela à la fois sur sa connaissance profonde du microcosme politique nigérien et sur sa propre expérience de gouvernement pour étayer son argumentation.
S'agissant du bilan d'exercice, Tandja trouve que ni la prospérité ni la stabilité ne sont au rendez-vous et que ses concitoyens peinent à joindre les deux bouts faute d'argent dans le pays, mais surtout faute de vision et de rationalisation des projets, y compris de ceux qu'il a laissés. Le prix du litre d'essence lui paraît ainsi très élevé.
Mais l'ancien locataire du Palais ne rappelle ce déficit de réalisations que pour mieux souligner son propre bilan, lequel aurait été heureux pour les populations. L'on se rappelle en effet que l'Opposition elle-même, et en premier son chef de file, avait eu à saluer publiquement les « grandes œuvres de développement » initiées lors de son second mandat.
Certains ténors même n’hésitaient pas à le qualifier de « socialiste les ayant doublés sur leur gauche »d'autres de « grand patriote » pour avoir œuvré notamment dans le domaine minier et pétrolier. Avec un brin de nostalgie, l'ancien chef de l’Etat parait regretter cette époque, étant donné qu’aujourd’hui le Président actuel lui paraît davantage être un politicien qu'un bâtisseur, davantage tourné vers la politique politicienne que vers la mise en œuvre d'initiatives de développement.»
Cette démarche lui semble contre-productive dans la mesure où l'on ne peut raisonnablement assurer à la fois le développement économique et l'unité nationale avec des « mercenaires politiques au détriment de ceux qui militent avec conviction. ll n'a d'ailleurs pas pris de gants pour fustiger le comportement prébendaliste à ses yeux, de ces derniers, qui comme des mouches sont attirés par la pitance, expression populaire hausa illustrant l'attirance irrésistible de l'individu pour l'appât du gain facile et la jouissance sans retenue aucune.
Ce coup de gueule n'est pas sans rappeler celui du PNDS qui, en avril 2009, avait déversé un chapelet d'injures contre le pouvoir, dès l'instant où-ils avaient fini par réaliser que le Tazartché était en marche. Les barons du régime étaient alors traités de « fascistes d'irresponsables » et « d'affairistes », autant de noms d'oiseau qui n'ont rien à envier à ceux utilisés par le Vieux de nos jours. A la différence qu'il a, lui, surtout indexé ses anciens amis passés dans le camp adverse.
S'agissant de la problématique du gouvernement d'union nationale, Tandja Mamadou confesse qu'il avait lui-même, naguère, par deux fois fait la proposition au chef de file de l’opposition, mais restée lettre morte. Cette information est avérée dans la mesure où dans une interview accordée, en décembre 2007, à un journal local, le vice président du PNDS reconnaissait l'offre d'une telle proposition, mais que le parti l'avait finalement déclinée en raison, notait-il, de la personnalité de Seyni Oumarou, nommé Premier ministre, mais mêlé à l'affaire MEBA. Il concluait placidement que le Président avait bien compris leur souci. Or, au regard de la posture de Tandja six ans plus tard, on peut dire que ce fut plutôt le PNDS qui n'avait pas bien compris la réponse présidentielle.
Se rappelant probablement de cet affront, le Vieux n'a pas, à son tour, manqué de rendre la monnaie de sa pièce à son principal adversaire, en rejetant purement et simplement son offre de formation d'un gouvernement dit d'union nationale. La vengeance, dit-on, est un plat qui se mange froid ! Mais, à écouter l'ancien Président, il s'agirait moins d'une vengeance que le souvenir d'une amère expérience de cogestion du pouvoir avec le parti présidentiel sous la IIIème République.
Son parti n'y gagnerait rien, de la même manière, le vieux n’aurait pas cautionné le deal proposé à lui par Mahamadou Issoufou de l'aider à se débarrasser de Hama Amadou en échange de la libération de Foukori lbrahim, l'ancien DG de la Nigelec, devenu député national. Pensant certainement jouer sur la rupture intervenue entre les deux anciens camarades, le PR pensait probablement avoir gain de cause.
Le refus de Tandja de cautionner une telle opération montre qu'il y aurait donc eu juste de l'adversité politique conjoncturelle, nullement de la haine entre les deux hommes. On relèvera de même les velléités d’instrumentalisation de la justice à des fins politiciennes. Est-ce alors là la réticence du PR à effectuer un audit de la Transition militaire de 2010 comme le réclame la société civile ?
En tout cas, Tandja Mamadou atteste avoir laissé une coquette somme de 400 milliards dans les caisses de l'Etat. Des éclaircissements officiels seraient donc nécessaires pour distinguer le bon grain de l'ivraie. ll reste que l'adversité semble désormais instituée entre les proches de l'ancien PR et le pouvoir, de même que paraît grande la probabilité d'un plus grand rapprochement entre Hama Amadou, le Vieux et le MNSD-Nassara.