Les nigériens d’Europe se sont retrouvés à Lille, ce samedi 5 octobre, sous l’instigation du Conseil des Nigériens de France (CoNiF –section française du Haut Conseil des nigériens de l’Extérieur) dans un forum économique et scientifique. Cette 2e Edition de la traditionnelle « Rencontre de Lille » devenue une institution dans la diaspora, est placée cette année sous le thème de « l’approche de l’unité par la solidarité » : l’objectif assigné pour les nigériens d’Europe est de saisir l’occasion pour réfléchir ensemble, sans parti pris, des enjeux et des défis auxquels est confronté notre pays.
Ils étaient plus de 150 nigériens venus d’Italie, d’Allemagne, de Belgique, de France à converger dans les locaux du Stadium de Lille – Villeneuve d’Ascq. Le choix de Lille, ville européenne et ouverte au monde, est tout à fait indiqué pour abriter ce genre d’évènement –le deuxième du genre – du fait de sa position géographique mitoyenne à la plupart des pays des compatriotes invités à ce raout. Une rencontre éclectique où la qualité des invités du Niger et d’Europe n’est plus à démontrer, comme le rappellera Adam Oumarou le président du CoNiF et organisée sur fonds propres de l’association. Diverses thématiques au programme allant des questions de migration, de consommation, aux questions d’économie, du numérique, d’histoire ou de défense et sécurité... Le CoNiF, en initiant cette Rencontre veut représenter une force de propositions et d’actions ainsi de poursuivre l’objectif peser devant les Parlements européens pour des projets en direction du Niger. Au vu des constats et des enjeux, il a été jugé utile de fédérer, mutualiser nos efforts et nos moyens au lieu de les disperser afin de sortir du cantonnement trop local des associations dans le cadre d’un pays.
La journée a débuté par le rappel des grandes lignes de la dernière rencontre de 2016 et les recommandations qui y ont suivi, énumérées par Aboubakar Lalo, vice-président du CoNiF. Six grands chantiers allant de la promotion du Niger à sa visibilité en Europe et dans le monde, le pôle social et de solidarité, l’organisation des grands évènements ou la mobilité des Nigériens en Europe constituaient les grands chantiers de la Diaspora à mettre en œuvre.
La question de migration, justement incluse dans le programme du panel 1de la journée a été déclinée dans toute sa complexité. Le Niger est un pays de transit mais aussi d’émission de vagues migratoires entre Afrique subsaharienne vers le Maghreb et au-delà. Il représente l’interface de la problématique mondialisée des migrations comme l’ont expliqué chacun dans son domaine de compétences MM. Rabiou Nafiou, président du comité interministériel de la politique nationale des migrations, Soly Amadou secrétaire permanent du cadre de concertation sur la migration et le chef de division gouvernance et administration au ministère du plan, Ganiou Doka, experts venus du Niger pour la circonstance. La Rencontre a eu aussi l’honneur d’accueillir Anke Van de Velde, la représentante de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) de Belgique venue exposer la stratégie de son organisation dans la maitrise de l’immigration surtout vers l’Europe qui fait actuellement débat. Les discussions qui suivirent ont montré l’acuité de cette problématique même au sein de la diaspora nigérienne. Sur cette thématique, le CoNiF a eu à mener en février dernier, une délégation en vue de prendre part à la Foire de l’Emploi des Jeunes à Tahoua organisée par l’OIM et financée par l’Union Européenne, qui a eu l’honneur d’être reçue par les autorités compétentes à Niamey. Un moment de restitution du bilan de cette mission a été dégagé pour rendre compte de l’implication du CoNiF et de l’ensemble de la Diaspora européenne sur la question.
Au Niger, on constate de nos jours, une propension pour la libre entreprise qui est un véritable levier pour le développement économique du Niger. Les enjeux, mais aussi les difficultés de « faire affaires » ont incité le CoNiF à inviter M. Issaka Haddi, responsable de la Maison de l’Entreprise du Niger qui a clairement défini avec moult détails, les compétences de son institution et les accompagnements dans le processus de la création jusqu’à la consolidation d’entreprises. Dans ce panel 2, les interventions de Diana Kaman cofondatrice de DLC (espace de coworking à Niamey) et de la doctorante Oumma Maman étaient axées sur la créativité et l’innovation qui doivent guider l’entrepreunariat au Niger.
Le ton est donné par Rabi Arzika présidente de TACT Développement Niger et promotrice du « Consommons Nigérien ! » qui a justement créé sa propre entreprise et présenté des produits nigériens lors de cette Rencontre de Lille. Elle mise sur une « une action citoyenne » pour donner la priorité à nos propres produits, le plus souvent délaissés au profit de ceux d’importation. A l’exportation surtout vers l’Europe, ces produits doivent naturellement se soumettre et satisfaire à la labellisation et la mise en conformités normatives.
L’acquisition des biens immobiliers pour les nigériens de la diaspora était aussi à l’ordre du jour de la Rencontre de Lille. L’occasion idoine pour Maimouna Abdou, la directrice commerciale de la Banque de l’Habitat du Niger (BHN) de venir donner d’amples explications sur les procédures à suivre. La BHN, la plus jeune institution bancaire nigérienne inaugurée fin 2018, a l’ambition de séduire la diaspora qui dispose d’un pouvoir d’achat conséquent, caressant le projet d’ouvrir prochainement un bureau à Paris.
Le Niger est entré de plain-pied dans l’univers numérique à l’instar de tous les pays qui aspirent à la modernité. Mais beaucoup de choses restent encore à faire dans ce pays comme le dira Ibrahim Saidou. Guimba, directeur de l’agence nigérienne de la société de l’information (ANSI) dans ce panel intitulé Plan stratégie Niger 2.0. Il a décliné le projet de smart villages, (villages connectés) avec pédagogie et éloquence emportant l’enthousiasme des participants de ce colloque Le développement de notre pays passe assurément par l’échange rapide d’informations. Auparavant et dans ce même panel, les interventions remarquées du banquier Alain Bossa, Moctar Agack et Mahamadou Tankari, président de ICON (Initiative pour un codéveloppement avec le Niger) ont porté sur les opportunités qui s’offrent à la diaspora pour investir au Niger en toute confiance et en toute sécurité avec des innovations comme le fonds d’investissement ou la valorisation des compétences de la diaspora (Valcodin).
La culture n’était pas en reste dans ce forum jusque-là cantonné à l’entrepreunariat, l’investissement et le numérique. Introduit par Lawa Aboubacar, chargé culturel du CoNiF, le panel « Anciens Manuscrits de Zinder » a montré toute l’étendue de la richesse historique du Niger. Les chercheurs Ari Awagana de l’université de Leipzig (Allemagne) et Camille Lefebvre de l’Institut des Mondes Africains - CNRS (France) ont mis à jour d’anciens manuscrits de Coran et des textes liturgiques en arabe avec des gloses en kanembou datant de plus de 2 siècles à Zinder. Ils entendent poursuivre ce projet en étendant le champ d’investigations pour dénicher ce genre de raretés, déclenchant de ce fait les applaudissements et encouragements du public. Ces découvertes font suite à une série d’expositions, notamment au CCFN Jean Rouch et dans l’enceinte du palais du sultan, de photos anciennes dont le projet appelé « Zinder 1900 », relate l’histoire des sultans et de la cour du Damagaram
Le Niger est comme on le sait confronté à la montée des périls à ses trois frontières provoquant une crise sécuritaire. Le dernier panel animé par Aboubakar Lalo, géographe et analyste des questions de défense et de sécurité devait aborder cette délicate problématique qui engloutit plus de 17% du PIB national : la djihadisation du Nord-Mali et le « statut de Kidal » sont depuis 2013, les sujets de préoccupation du Niger à travers les attaques complexes des terroristes contre les populations et les forces de défense et de sécurité nigériennes.
Enfin, la rencontre de Lille a enregistré la présence de la ministre déléguée des nigériens à l’extérieur Salamatou Bala Goga, accompagnée du directeur de cabinet du ministère, de la directrice des nigériens de l’extérieur p.i et du premier conseiller de l’ambassade du Niger en France. Le CoNiF, comme à l’accoutumée a pu compter sur l’implication d’un de ses partenaires majeurs, le Forum des organisations de solidarité internationales issues des migrations (FORIM) qui lui apporte son appui dans toutes ses initiatives et appels à projets en direction du Niger. Certaines communautés africaines à l’instar du collectif des associations ghanéennes de France – CAGEF ou la Plateforme des associations congolaises de France – PACOF - ont tenu à affirmer leur amitié et leur solidarité envers la diaspora nigérienne en assistant à cette Rencontre de Lille.
Les discours des représentants de la diaspora ont tous porté sur la nécessité de l’unité et l’action des nigériens tout en félicitant le CoNiF de cette initiative engagée depuis 2016. Un forum animé par Issa Maman qui a tenu ses promesses avec un programme très chargé et riche.
Rendez-vous est pris en 2020 à Bruxelles pour la 3è Edition avec la remise symbolique du drapeau par le président Adam Oumarou du CoNiF à Issa Bassirou dit « l’homme chic », président du Haut conseil des nigériens de Belgique. D’ores et déjà, un comité d’organisation de 3 personnes par pays doit être mis en en œuvre au plus tard le 4 novembre. Et c’est l’Allemagne qui aura l’honneur d’accueillir cette rencontre tournante de la Diaspora en 2021.
Comité Directeur du Conseil des Nigériens de France (CoNiF)