Le récent rapport de l’ONG OXFAM vient de corroborer, une fois de plus, une vérité largement admise des nigériens, celle de savoir que la France, à travers sa multinationale AREVA, pompe gratuitement l’uranium de leur pays et ne leur jette que quelques miettes au passage, non sans oublier de corrompre ou faire chanter en amont l’élite dirigeante du pays. A l’appui de leurs accusations envers l’Hexagone, un chiffre très parlant, celui de la participation du yellow cake dans le PIB national.
5% seulement en 40 ans d’exploitation ! Un vrai scandale dans le pays dit 4ème producteur mondial de l’uranium et dont le même uranium sert à éclairer au moins une ampoule sur trois en France et beaucoup d’autres ampoules à travers le monde.
Et ce « monde » est d’accord que la France n’a pas été correcte avec le Niger. Elle ne l’est toujours pas encore, puisque l’arnaque continue de plus belle, avec la main basse d’AREVA sur le plus gros gisement d’uranium au monde, celui d’Imouraren et la signature de la toute prochaine convention dans des conditions tout aussi douteuses et scandaleusement avantageuse pour la France. Comment la « France exemplaire » s’y prend-elle pour siphonner allègrement les ressources de notre pays sans que nous ne pussions nous y opposer ? Notice sommaire du « pillage minier » d’un pays classé au top 5 des pays les plus pauvres du monde.
Accords boiteux et corruption des élites
Les problèmes du Niger ont sans doute commencé le jour où l’un de nos dirigeants avait signé la première convention minière avec la France. Profitant de son expertise d’ex colonisatrice et de la naïveté des dirigeants africains des premières heures des indépendances, la France, à l’instar des autres puissances colonisatrices, n’a pas hésité, un seul instant, à signer avec le Niger, un des ces « accords boiteux » où le mot le plus important était « concession ».
Dans notre conception africaine, « concession » c’est comme la maison du voisin, c’est simple. Mais dans le droit européen, c’est compliqué, car « concession » est synonyme « d’état dans un état ». Ce qui donne, à priori, droit de vie et de mort, au bénéficiaire de la concession, sur tout ce qui se trouve dans son périmètre. La « concession » s’accompagne également de toute une série d’exonération sur tel ou tel produit massivement importé, ce qui prive le pays d’importantes ressources financières.
Voila qui explique pourquoi le Niger ne peut pas et n’a jamais pu contrôler ce qui se passe à Arlit et Akokan. Il n’ya aucun fonctionnaire de l’état ni au moment de l’enfutage ni ailleurs pour contrôler effectivement les quantités extraites ainsi que leur composition. Pour avoir séjourné à Arlit pendant 5 ans et pour avoir enquêté autour du problème, je sais qu’il n’existe pas de nigérien, ni à Arlit ni à Niamey, capable de certifier exactement les chiffres de production fournis par AREVA. Pour preuve, depuis la mise en service de COMINAK et SOMAÏR, les « directeurs des productions » des deux sociétés qui pouvaient le faire, ont toujours été des « blancs ».
La « nigérisation » s’est arrêtée à la porte de ce poste, le plus stratégique des deux sociétés. Et c’est à ce niveau que se passent les plus grandes magouilles minières. Mahamadou Issoufou et Hassoumi Massaoudou en tant que miniers, le savent très bien. A COMINAK et SOMAÏR, ce sont les « DP » (Directeurs de production) qui managent réellement les choses et non les DX ou DE (Directeurs des exploitations) qui sont en théorie les « chefs », mais dont le pouvoir est surtout de faire la police entre les cadres et les ouvriers nigériens. Nombreux sont les ouvriers et cadres qui ont été radiés sans aucun droit pour avoir « volé » quelques mètres de fils de fer irradié.
Non seulement les nigériens ne maitrisent pas les tonnages exacts qui sont prélevés dans leur sous sol, mais ils méconnaissent également la composition des cargaisons contenues dans les tonneaux bleus envoyés en France. Est-ce uniquement du yellow cake ? Les géologues et géomorphologues sont formels là-dessus : l’uranium tout comme l’or et certains métaux précieux sont des minéraux qui apparaissent le long des anciennes failles géologiques. Le cas de l’uranium nigérien est attesté comme étant « mélangé » avec de l’or et d’autres métaux précieux. Mais depuis COGEMA jusqu’à AREVA, rien n’a été certifié par les français. Voilà qui fait une grosse perte pour le Niger et une grosse plus-value pour la France.
Il faudrait simplement retenir que si la France a réussi à dérouler son plan, pour le moins machiavélique, d’exploitation de l’uranium nigérien, c’est parce qu’elle a usé et abusé de tous les moyens à sa disposition. L’un des stratagèmes connus en la matière, est la corruption des élites dirigeantes. C’est connu dans tous les milieux financiers et économiques, les entreprises françaises sont les plus grandes corruptrices en Afrique. La France est régulièrement épinglée par les rapports américains sur la transparence économique pour sa très grande propension à corrompre les élites africaines pour accéder à des marchés très convoités. AREVA, TOTAL FINA ELF, Bolloré, Bouygues, sont parmi les principaux exportateurs de la corruption en Afrique. Le mode opératoire est déjà connu : Outre les valises pleines de craquants, il ya les bourses françaises pour les enfants, les vacances tous frais compris à la côte d’azur pour Madame et les membres de la famille, une propriété en France ou ailleurs, des virements dans les comptes des enfants ou des proches, etc.
Quand l’argent et les autres stratagèmes ne suffisent plus pour faire avaler au prince du moment les « pilules hexagonales », alors c’est tant pis pour lui. La France n’hésite pas à sortir et utiliser sa grosse artillerie. Le coup d’état est la recette la plus éprouvée en pareille circonstance. On ne compte plus désormais les coups de force contre les régimes de notre pays qui ont tenté, à un moment ou à un autre, de s’opposer à la gloutonnerie française. De Diori, jusqu’à Tanja, les nigériens sont largement édifiés sur les méthodes expéditives françaises au Niger. Quand les régimes résistent aux coups d’état ou que le contexte international n’est plus favorable à ce type de solution radicale, la France ne lâchant rien, n’hésite pas à allumer le feu dans un coin de la maison. C’est ainsi que sont nées les différentes « rebellions touarègues » qu’a connues notre pays.
Surfacturations et rapatriement des fonds
Pratiquement, tous les coups d’état et toutes les rebellions qui ont endeuillé et retardé notre pays, ont un lien direct avec l’uranium, la sève nourricière de la France. Comprenez alors que si la France n’a pas le contrôle du Niger, elle est foutue. Car il n’ya pas que l’uranium à bas pris, de l’or et des métaux précieux gratis, de l’électricité « low cost », il ya également derrière, une gigantesque opération de rapatriement de fonds organisée du Niger vers la France.
La surfacturation ou la refacturation est le mode opératoire privilégié par les industries extractives pour gonfler les couts de production et donc payer moins de redevances au pays et aux régions d’où sont extraites les matières premières. AREVA, CNPC, SEMAFO, toutes ces sociétés procèdent de la même manière pour arnaquer notre pauvre pays. Souvenez-vous, la SORAZ a été surfacturée. Un audit a été lancé aux premières heures de la 7ème république, sans que rien ne filtre jusqu’à présent. Un autre « audit externe » a été annoncé récemment par le ministre Tchana sur la COMINAK et la SOMAÏR. Toujours rien. On l’imagine, les dossiers sont brulants. Ce qu’il faut retenir, ce sont les « couts de production » qui sont toujours dans le collimateur des auditeurs.
En fait, les choses se passent à peu près comme cela : Prenons une tonne d’uranium d’Arlit et supposons qu’elle est vendue à 1milliard de CFA. En dehors de quelques modiques taxes directement perçues avant le départ des futs, les redevances quant à elles sont calculées sur la base des bénéfices et au prorata des parts que notre pays détient dans la société extractrice. Autrement, si AREVA qui contrôle de bout en bout le processus, dit que la production de notre tonne a couté 900 millions, les redevances que notre pays percevra se calculeront sur les 100 millions restants. Supposons que notre pays détient 30% des parts de la société, celui-ci s’en sortira au plus avec 30 millions de CFA.
Or, en matière de cout de production, tous les analystes sont d’accord pour dire que ces couts ne peuvent en aucun cas excéder la moitié des couts de revient de la marchandise. En clair, le cout de production de notre tonne d’uranium prise en hypothèse ne peut, en aucun cas, dépasser 500 millions de CFA. Jugez de vous-même l’étendue de l’arnaque, pensez surtout que cela dure depuis plus de 40 ans et que plus de 113 000 tonnes ont été extraites.
Toute cette opération de vol est camouflée dans les faux chiffres sur les quantités et les couts de production, les faux rapports environnementaux et les faux audits internes. Comment une société comme AREVA s’y prend-elle pour surfacturer la production de l’uranium nigérien. En faisant recours à des sociétés écrans d’origine française, la plupart du temps parmi ses « filiales » à qui elle confie la quasi-totalité des contrats de fournitures juteux.
Aux entreprises nigériennes de sous traiter avec les entreprises françaises bénéficiaires des marchés. Le journal Aïr Info a récemment dévoilé au grand jour le stratagème utilisé par AREVA pour rapatrier la majorité des fonds d’investissement de ses filiales au Niger. Par exemple, AREVA facture à 10 euros un service quelconque avec son « fournisseur » français qui facture le même service à un euro, voire moins, avec un sous traitant de la place. Et l’argent peut tranquillement retourner d’où il est venu.
Il n’ya pas de doute, le Niger, plus qu’un « partenaire stratégique », est le pays d’où la France tire la plus belle affaire de son histoire.