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Quand la politique tient le juge : un an après les états généraux de la justice au Niger, quel bilan faut-il en tirer ?
Publié le dimanche 1 decembre 2013   |  actuniger.com


M.
© AFP
M. Marou Amadou, Ministre de la justice, garde des sceaux, Porte-parole du Gouvernement


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La nomination, il y a 31 mois de l'ex acteur de la société civile Marou AMADOU au ministère de la justice avait été perçue par les défenseurs des droits de l'Homme comme un véritable acte de rupture par rapport aux pratiques d'avant le coup d'Etat du 18 février 2010. Marou Amadou, réputé très soucieux du respect des procédures et des droits de l'homme, dans la foulée de sa nomination, entreprend une visite dans les prisons. Pour un ministre de la justice, cette visite, en soi, était révolutionnaire et présageait d'une nouvelle façon de faire, d'une justice proche des plus vulnérables.

Au cours de cette même visite, le ministre de la justice s'est ému des conditions de détention et du sort des détenus mineurs et les femmes. C'était un peu fort mais ça a accentué l'optimisme de ceux qui attendaient une véritable reforme de la justice. Le ministre ne s’arrête pas là, il voit loin, très loin, il veut épurer la justice nigérienne des maux qui la minait en allant jusqu’à comparer le forum qu’il entreprendra plu tard : les Etats généraux de la justice, aux assises de la conférence nationale souveraine de 1991.

Aujourd’hui 30 novembre 2013, un an après ces Etats généraux ; l'heure est venu de faire le bilan et de se poser la question comme tout nigérien soucieux de l’indépendance de la justice : celle-ci a-t-elle vraiment changé ?

Dans son Discours préliminaire au Code civil, PORTALIS avait affirmé que «la Justice est la première dette de la Souveraineté». Un État souverain digne de ce nom, doit consacrer cette institution universelle et assurer la garantie de l’accès à la justice pour permettre aux citoyens de jouir effectivement de leurs droits et prérogatives. L’accès à la justice étant un droit naturel de l’homme, doit être garanti à toute personne qui s’estime lésée par une infraction pénale, une faute civile ou administrative, de pouvoir saisir les juridictions compétentes. Sans justice, aucun développement n’est envisageable dans un Etat.

Au Niger, l’organisation judiciaire a été marquée dès les premiers moments de l'indépendance à travers une loi n° 62-11 du 16 mars 1962 par une dualité de contentieux : droit coutumier/droit moderne, avec la séparation des juridictions et l'existence de deux corps distincts : les magistrats (qui exercent le pouvoir moderne) et les juges coutumiers chargé de rendre la justice traditionnelle.

Plusieurs réformes ont été menées à chaque changement de régime, sans pouvoir sortir la justice du cercle vicieux dans lequel elle se trouve. D’abord victime d'une instrumentalisation politique, puis d'une crise multiforme (crise de confiance, crise d'autorité, crise de crédibilité, crise de moyens et crise de compétence...).Ces crises se sont fait sentir au triple plan : économique, politique et social.

Le changement intervenu le 22 juillet 2004 à travers la nouvelle loi n°2004-50 portant organisation judiciaire modifiée par la loi n°2011-11 du 27 janvier 2011 avait offert l'occasion à l'ensemble des acteurs de faire le diagnostic du système judiciaire et de proposer les mesures (urgentes, à moyen et long termes) qui s'imposent pour replacer la justice dans son cadre constitutionnel et institutionnel.

Les principaux axes à travers lesquels une intervention rapide est sollicitée, sont connus de tous. A l’occasion de l’ouverture des Etats généraux de la justice, évoquant les conséquences que l’affaiblissement de la justice pourrait avoir sur nos institutions et sur notre société, le président de la République, expliquait lui-même que notre justice suscite des débats et de controverses. Elle est l’objet de toutes sortes de supputations qui nuisent considérablement à son image et à son efficacité. En citant les résultats d’un sondage d’opinion, exécuté par l’Institut National de la Statistique sur un échantillon représentatif de la population de Niamey, le président de la République relevait une image inquiétante des rapports entre le système judiciaire et les citoyens. En effet, “ plus de 53% des personnes interrogées déclarent ne pas avoir confiance à la justice, 67% pensent que la corruption sévit dans le milieu judiciaire, pendant que près de 50% estiment que le principe de la séparation des pouvoirs n’est pas une réalité dans notre pays. Ce constat est pour le moins amer. Cette image de notre justice doit être redressée. L’image du juge, représentant du peuple souverain, assis avec majesté sur son siège, responsable, indépendant parce que soumis à la seule autorité de la loi, incorruptible, sans crainte ni colère, sans haine ni affection ou pitié, à la fois patient et vigilant avec une grande capacité d’écoute et de mémorisation, l’image du juge, doit être restaurée.“

L’iconologie judiciaire peine à se développer au Niger, notamment sur l’image de la justice. Cette dernière a plus souvent entretenu la contestation dans la conscience collective nigérienne, avec l’idée de la partialité d’une justice favorable aux riches et aux puissants. Mais cela ne saurait suffire à tout expliquer. Cette crise de confiance, ces reproches à peine voilés, doivent être analysés. En ouvrant un nouveau chapitre de son histoire en 1991, le Niger avait fait la promesse de rapprocher ses citoyens de la justice et de délier le lien qui subordonnait le pouvoir judicaire au pouvoir politique. Cette promesse, toute simple peine à être mise en œuvre: vingt ans plus tard. C’est donc tout naturellement que les états généraux de la justice au cours desquels quatre thèmes ont nourri les échanges (Justice et Institutions, Justice et Société, Justice et développement et Justice et justiciables) ont suscité l’espoir de tout un peuple. Notre réflexion pour y arriver consiste à démonter par une méthode académique, les facteurs somme toute endogènes qui concourent à la crise de confiance entre la justice, le justiciable et la société. Pour mener à bien notre réflexion, nous allons nous servir des résultats contenus dans le rapport établi par le bureau des états généraux en guise de source, Ceux-ci donneront à notre étude un intérêt à la fois scientifique et pratique, car à l'aide de ce rapport, nous en sortirons les résultats atteints et comprendre si les recommandations et propositions faites par les participants ont été intégrées.

C'est donc pour cette raison que notre étude se construira autour deux pôles :

Le premier consistera en une analyse de la manière dont le législateur procède à la formulation des normes juridiques, en vue de relever, surtout ses défaillances ; avant de nous appesantir sur l'appréciation concrète du cadre juridictionnel. En effet pour faciliter le droit au juge et l'accès à la justice, il faut nécessairement commencer par résoudre le problème de la fixation des normes et des ingérences politiques.

Dans le second pôle, nous tenterons d'établir un lien entre la fixation des normes et sa mise en pratique. Il nous sera ainsi donné le mécanisme de mise en oeuvre des normes juridiques par les différents acteurs de la justice. Cette fois-ci, nous essayerons de déceler, prioritairement, les éléments qui rendent difficile la mise en oeuvre du droit à la justice. Ces analyses seront ainsi constituées.

Première Partie : L’impossible fonction politique de la justice.

Deuxième Partie : Le droit à la justice au Niger, une utopie politique

L'affirmation de l'indépendance de la justice et la réforme du droit positif nigérien ; le renforcement des capacités des ressources humaines et la formation ; le développement des infrastructures et la modernisation de la justice.

L’impossible fonction politique de la justice

La théorie du service public de la justice confie à la justice-institution une fonction à la fois politique et symbolique[1]. Mais la mise en œuvre de cette double mission même si elle ne prive pas le juge de tous ses pouvoirs, elle le rend vulnérable dans sa fonction de dire le droit. Pour donner toute sa force à l’article 116 de la Constitution du 25 novembre 2010 qui consacre la séparation des pouvoirs, il est impératif de condamner les ingérences des gouvernements dans le fonctionnement de la justice.

Il faut d'abord consolider l'indépendance de la justice par une application effective des textes réservant à celle-ci le statut de troisième pouvoir. Cette application passe par la réhabilitation de ce pouvoir au sein des institutions étatiques, le respect de son rang protocolaire, la restauration de son autorité sur ses auxiliaires et l'amélioration des conditions de travail des ses représentants. L'affirmation de cette indépendance passe aussi par la révision du statut, de la composition et du fonctionnement des certaines institutions concourant à cette indépendance, notamment le Conseil Supérieur de la Magistrature. Ce dernier dans sa composition actuel ne peut donner l’espoir de voir garantir une indépendance réelle des magistrats.

En effet, le Conseil Supérieur de la Magistrature est présidé par le président de la république. Celui-ci nomme les magistrats du siège sur proposition du ministre de la justice, après avis du conseil, et les magistrats du parquet sur proposition du ministre de la justice. Le Conseil a pour vice président le président de la cour suprême. Comprenant le président de la cour suprême et quelques magistrats, le conseil comporte encore des membres élus en dehors de ses membres par l’Assemblée Nationale. Donc, le moyen trouvé pour assurer l’indépendance de la magistrature consistera dans le procédé paradoxal de le faire gérer en majorité tout au moins, par des représentants du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Outre cette fonction, le conseil assure conformément à la loi, la discipline de ces magistrats, leur indépendance et l’administration des tribunaux judiciaires. Or si le souci de nos autorités étant de garantir l’indépendance des magistrats, celle-ci ne saurait s’affirmer que par l’indépendance du Conseil.

L'indépendance de la justice devrait être également assurée par la mise en oeuvre stricte des principes de l'inamovibilité du magistrat, de son immunité et sa neutralité. Les garanties statutaires de cette indépendance devraient connaître une application plus rigoureuse respectueuse du rôle et du statut de la magistrature.

Le ministre de la justice ne doit prendre des mesures disciplinaires contre les magistrats du parquet que sur avis conforme du conseil. Au surplus, il ne doit plus adresser des instructions au parquet dans les affaires individuelles mais pourra au besoin dialoguer avec les Procureurs Généraux. Ainsi, le ministre n’aurait véritablement dans ses fonctions que l’administration de la justice, c'est-à-dire l’ensemble des fonctions matérielles la concernant.

A l’état actuel, la section disciplinaire du conseil ne peut être saisie que par le ministre de la justice. Si donc, en présence d’une plainte, le ministre décide pour des raisons qui lui sont propres, de façon discrétionnaire, de ne pas engager des poursuites, aucune action de cet ordre n’est plus possible pour le plaignant. Il devrait être pourtant possible dans ce cas de saisir le médiateur de la république. Il devrait être possible pour le président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales. Avant tout, on ne doit pas oublier que la justice est rendue au nom du peule nigérien.

Ensuite, il serait question de doter le département de justice des ressources humaines nécessaires à la réalisation de sa mission. Ceci nécessite l'adoption d'une politique de gestion prévisionnelle du personnel basée sur une analyse prospective de l'existant, cette gestion visera à combler les besoins à travers des plans de recrutement et de formation tout en intégrant les exigences de la motivation du personnel mais aussi du contrôle et de l'action disciplinaire. Pour compléter ce panel de mesures, une amélioration des statuts des professions judiciaires libérales (notaires, huissiers, avocats.....) est recommandée.

La réforme de la justice ne peut aboutir sans l'amélioration de l'environnement et les conditions dans lesquelles celle-ci est rendue. En effet, l'existence d'une infrastructure opérationnelle et adaptée et des équipements permettant au système judiciaire de jouer son rôle dans les meilleures conditions constituent des objectifs incontournables. Dans ce cadre, l'accent est mis, notamment, sur la nécessité de réhabiliter les bâtiments existants, d'achever les travaux en cours et de construire des nouvelles bâtisses pour accueillir les tribunaux et les maisons d'arrêts qui continuent à être logées dans des locaux datant de la période coloniales pour la plupart exigus et vétustes.

Afin de garantir la plus grande efficacité au dispositif proposé, il importe de procéder à la modernisation du secteur par la promotion de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'amélioration des prestations du service public à travers un accueil personnalisé des usagers: physique et téléphonique et un traitement rapide et efficace de leurs courriers. Des espaces destinés à l'accueil, l'information et la documentation doivent être pris en compte dans la conception des bâtiments judiciaires.

Aussi, l'allégement des affaires traitées devant les tribunaux est un objectif qui ne peut que renforcer la justice. Cet allégement est garanti par certains modes alternatifs de règlement des différends dont il convient de promouvoir et de renforcer les structures qui en ont la charge. Ces modes alternatifs constituent un complément indispensable pour le bon fonctionnement du secteur de la justice et offrent une chance aux justiciables pour éviter les procédures judiciaires, par nature, relativement longues et coûteuses.

Le droit à la justice au Niger, une utopie politique



Le Niger à l'instar des « nouvelles démocraties » du monde qui se respectent a connue depuis son entrée dans l'ère démocratique beaucoup de reformes au niveau de sa justice, la dernière en date est celle de l’ère de la transition militaire de 2010.

Cette reforme a pour objet de remédier aux dysfonctionnements qui ont longtemps pénalisé la justice. Elle se veut de rationaliser l'utilisation des moyens du département, se consacrer à la spécialisation des juridictions et renforcer les garanties procédurales des justiciables.

La rationalisation ne sera facilitée que par la création d'un secrétariat général au niveau de la cour suprême et des cours d'appel, chargé de la gestion des ressources de ces juridictions, l'institutionnalisation du poste de vice-président de la cour suprême et de celle de président de la cour d'appel et du tribunal qui ont désormais compétence en matière d'administration judiciaire.

La spécialisation des juridictions doit être accentuée, car celles-ci peuvent, d'une part avoir autant de structures judiciaires que nécessaires pour traiter rapidement l'ensemble de litiges notamment par la création de nouvelles chambres et, d'autre part, par une politique de proximité des tribunaux à travers la création des nouvelles juridictions afin d’en rapprocher la justice des justiciables. Il est temps d’abandonner des pratiques classiques d’audience foraine.

Le renforcement des garanties procédurales est recherché à travers l'instauration de la collégialité effective à partir du second degré de juridiction, la consécration de l'appel en matière de crime, l'institutionnalisation de la chambre d'accusation, du juge de la mise en état et de celui de l'application des peines qui contribueront, d'une part à instaurer un réel double degré de juridiction en matière d'instruction et à assurer, d'autre part, la célérité du traitement des affaires judiciaires et le suivi de l'application des décisions de justice en permettant, entre autres, le désengorgement des maisons d'arrêt.

Un an après les assises des états généraux, il convient de se demander si la justice a changé, les mentalités ont-elles évoluées ? les politiques ont-ils intégrées des réformes ?

La loi portant statut de la magistrature, doit apporter un souffle nouveau à la justice. Elle doit ouvrir le corps de la magistrature par la voie directe aux professionnelles du droit (Avocat, conseiller juridiques...) afin de permettre un rehaussement du niveau des juges, actuellement, insuffisant

En matière de législation, l'effort de reforme entrepris pendant la transition plaçait le Niger parmi les pays démocratiques répondant aux normes internationales de défense des droits de l'homme. Seulement, changer les lois, c'est facile. Il faut s'attaquer maintenant à la culture du non respect des lois et des procédures, à la culture de l'impunité. Car la belle tradition nigérienne consiste toujours à décrier, à réformer et à ranger sans jamais y songer à l’application des textes. Les états de la justice ne seront sans doute pas exemptés de cette tradition, puisque aujourd’hui encore, les réformes sont attendues.

M. AMADOU ADAMOU Bachir
Mail : fatbach125@yahoo.fr

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