La salle de banquet du cabinet du Premier ministre a servi de cadre hier pour la tenue de la réunion du cadre de concertation Justice et Droits de l’Homme (CCJ-DH). Il s’agit d’une réunion annuelle qui regroupe tous les acteurs intervenant dans le domaine de la Justice et des Droits de l’Homme autour du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, M. Marou Amadou et le chef de file des partenaires techniques et financiers du secteur de la justice en l’occurrence l’ambassadeur de France au Niger, SE Alexandre Garcia. Chaque année c’est sous la co-présidence du ministre de la Justice et du Chef de file des PTF que se tient ladite rencontre.
Le cadre de concertation est une tribune où tous les acteurs étatiques, les institutions de la République, les organismes internationaux, les ONG se réunissent pour parler des questions de la Justice et des Droits de l’Homme. L’objectif étant d’échanger afin de faire le point des avancées enregistrées, des défis, préoccupations et contraintes en matière de Justice et des Droits de l’Homme au Niger. Des échanges assortis des recommandations pour une meilleure efficacité de la Justice, une effectivité de la jouissance des droits humains et un ancrage de l’état de droit. Pour la session 2019, les membres du cadre de concertation avaient sur leur table deux points essentiels à discuter : l’un portant sur le bilan de la mise en œuvre des recommandations de la précédente réunion du CCJ-DH de novembre 2018 et l’autre portant sur les réformes judiciaires et pénitentiaires en cours au Niger.
En ouvrant les travaux de la rencontre, le ministre de la Justice, Garde des Sceaux a réitéré l’importance que revêt ce cadre avec les PTF pour le Niger en ce sens, explique-t-il, qu’il donne l’occasion à tous les acteurs de se retrouver chaque année pour échanger sur les préoccupations communes et s’informer mutuellement des initiatives engagées de part et d’autre pour une meilleure coordination des interventions. Le thème central de cette session est axé sur les réformes judiciaires et pénitentiaires engagées par le Ministère de la Justice dans sa quête de modernisation de l’appareil judiciaire et de l’humanisation de l’univers carcéral. Pour le Garde des Sceaux, le milieu carcéral, avec environ 10.000 pensionnaires en moyenne par an, pris entièrement en charge par l’Etat, est aujourd’hui caractérisé par une surpopulation ; la récidive et un taux moyen d’occupation d’espace carcéral de 100%.
Face à cet état de fait, les réformes judiciaires et pénitentiaires d’envergure entamées ces dernières années par le gouvernement trouvent toute leur justification. Touchant à tous les aspects, les réformes portent entre autres sur l’organisation et la compétence des juridictions, avec des nouvelles juridictions, et des juridictions spécialisées créées, sur le régime pénitentiaire la création d’un corps pénitentiaire spécialisé, sur l’extension du travail d’intérêt général aux détenus majeurs. Le ministre a reconnu qu’il s’agit là des chantiers importants ouverts et dont la réalisation nécessite le soutien des partenaires afin d’obtenir des résultats à la hauteur des ambitions de modernisation des services judiciaires et d’humanisation du système carcéral qui sont au cœur de la problématique de l’Etat de droit et des droits humains. Pour lui, les réformes sont nécessaires à plus d’un titre en ce sens qu’elles aident à lutter contre l’oisiveté des détenus qui, a des conséquences sur la santé des détenus, un coût économique pour l’Etat qui supporte à 100% les charges carcérales. « On est donc loin des réalités d’autres pays de la sous-région où la production pénitentiaire couvre au moins 40% des besoins d’entretien des détenus» a souligné le ministre.
A titre illustratif, le ministre a rappelé que 60% du budget du Ministère sont consacrés à l’alimentation, à l’habillement, au couchage et aux frais médicaux des détenus chaque année. Mais en 2019, c’est 63,46% du budget qui est consacré aux dépenses destinées au milieu carcéral, alors que le fonctionnement des cours et tribunaux ne reçoit que 13,61%. « Les réformes ont pour but d’accélérer les procédures judiciaires pour désengorger les maisons d’arrêt surpeuplées, accroitre la capacité d’accueil, créer des alternatives à l’incarcération suivant les infractions pour que tout ne débouche pas à l’emprisonnement », a expliqué le ministre. Cela consistera à créer des opportunités de formations, d’apprentissage pour une réinsertion. M. Marou Amadou a enfin a souligné avec force que « les prisons doivent servir à élever intellectuellement les hommes détenus et pas seulement à les punir », citant la militante française Simon Veil.
Le chef de file des PTF, l’ambassadeur Alexandre Garcia a rappelé que toutes les actions antérieures et futures visent à renforcer la coordination pour un meilleur impact avant de louer les réformes entreprises durant l’année en cours qu’il a dit avoir noté avec satisfaction au nom des PTF. Il a félicité le ministre pour les efforts engagés pour adapter le système juridique nigérien aux enjeux nouveaux. Mais M. Alexandre Garcia a indiqué que les PTF saluent l’approche globale prise par le Niger, ce pays qui ne ménage aucun effort pour renforcer « ses dispositifs sécuritaires en adaptant par des mesures structurelles son système juridique pour une efficacité accrue ». Tout en saluant l’impact des réformes, le chef de file des PTF a souligné la nécessité de « garder la même énergie et la même volonté pour renforcer durablement la Justice dans toutes ses composantes ».
L’ambassadeur a évoqué plusieurs sujets dont la formation des personnels, la question budgétaire, la situation de mineurs en conflit avec la loi, l’assistance juridique et judiciaire ; la lutte contre la traite de personnes et le trafic illicite des migrants etc., dans lesquels le Niger a fait des progrès et ou des défis restent encore à relever. Le chef de file des PTF a réitéré l’engagement de tous les partenaires à accompagner le Niger pour affronter les défis présents et futurs.