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Sahel : Va-t-on vers une recomposition des systèmes de gouvernance politique ?

Publié le lundi 2 decembre 2019  |  NigerDiaspora
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© Autre presse par DR
Message du Front pour la Restauration de la Démocratie et la Défense de la République (FRDDR) à l`occasion de la marche suivie de meeting de l`opposition politique, le samedi 28 septembre à Niamey
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Les atermoiements de la communauté internationale s’ajoutent aux tâtonnements des dirigeants du Sahel pour faire courir un grand risque de dislocation à certains Etats visiblement dépassés par l’ampleur que prend la situation sécuritaire dans la sous-région. Le déphasage manifeste des stratégies sécuritaires eu égard aux problèmes de fond, mine l’architecture même de certains Etats notamment le Mali et le Niger, et constitue un signal alarmant de leur incapacité à se réformer et à tirer les enseignements des échecs du passé. Les quelques voix africaines qui appellent à la réflexion et à une introspection demeurent inaudibles. Les classes intellectuelles de ces pays ont perdu toute leur capacité à débattre. Toute volonté de repenser les schémas de gouvernance y est encore perçue comme un acte antipatriotique.

En effet, la dégradation générale du climat sécuritaire au Sahel est en passe d’entrainer certains pays dans une impasse politique dommageable aux processus démocratiques en cours depuis le début des années 90. Lors du dernier Forum pour la paix à Paris (12 et 13 Novembre 2019), certains dirigeants s’étaient plaints de l’insuffisance de la solidarité internationale avec le Sahel et de leur difficulté à être entendus par la Communauté internationale quand ils réclament des moyens leur permettant de faire face à la situation sécuritaire dans la sous-région. Or, les dispositifs sécuritaires de ces pays souffrent avant tout d’une crise de confiance avec certaines composantes de leurs populations. La décomposition des Etats actuels aboutirait de facto à une réappropriation des territoires par les communautés qui commencent déjà à s’organiser pour assurer leur propre sécurité et à rechercher les moyens de leur développement. Une redéfinition des schémas de gouvernance s’avère en conséquence incontournable afin d’éviter l’enlisement durable dans un cycle de violence et d’instabilité.

Les forces internationales qui interviennent ou qui pourraient intervenir au Sahel devraient montrer une grande capacité de discernement dans une analyse multiscalaire des multiples conflictualités en présence. Les différends géopolitiques, qui opposent certaines territoires et communautés, aux autorités centrales depuis des décennies, devraient trouver leurs solutions dans une application effective et rapide des accords issus des processus en cours et devrait bénéficier d’une exigence plus ferme de la part des partenaires internationaux. Toute attention prêtée à certains discours irresponsables à connotation populiste véhiculés par des cercles en mal de perspectives risquerait d'éloigner l'avènement d'une paix durable et hypothéquerait la stabilité de la sous-région pour des décennies. Les pouvoirs centraux sont parfois tentés de céder à la facilité d’attiser, voire d’inspirer des conflits communautaires qui finissent par leur échapper.

Certains esprits qui s'en prennent aux forces étrangères engagées au Sahel, seraient bien inspirés de tenir compte du degré de déliquescence des États concernés et de leurs armées. La communauté internationale est souvent victime des conséquences de ses hésitations à mettre les dirigeants de ces pays devant leurs responsabilités, eu égard à leurs pratiques politiques et à leurs méthodes de gouvernance. Elle continue à porter à bout de bras des systèmes centralisés mis en place aux indépendances qui peinent à s’émanciper et prendre enfin en compte les réalités de leurs pays. La France, en tant qu’ancienne puissance coloniale, se doit d’enfin assumer ses responsabilités envers les peuples sahéliens, au-delà des contingences diplomatiques qui alourdissent considérablement l’action de la Communauté internationale.

Par ailleurs, pour être crédibles, les dirigeants des pays concernés doivent témoigner d’une détermination sans faille à mobiliser d’abord leurs propres moyens. La première garantie de cette volonté demeure la lutte contre la corruption et le bon usage des ressources disponibles. Il est de notoriété publique que certains organes de ces Etats sont devenus de véritables appareils à recycler les fonds destinés à la paix, à la sécurité et au développement, en les destinant à de tout autres objectifs. Le laxisme de certains partenaires notamment européens, face à cet état de fait contribue à entretenir des usages qui brident l’efficacité des différents projets de développement y compris dans leurs volets sécuritaires.

On constate dernièrement une offensive orchestrée par certains milieux français toujours en déphasage avec les réalités africaines. Or, l’activisme de certains prétendus spécialistes du Sahel, et surtout de personnalités ayant récemment représenté la France dans la sous-région, risque de brouiller davantage le message et l’image de l’Hexagone aux yeux des populations sahéliennes. Des individus mal inspirés croient défendre la démocratie en prenant la défense de systèmes qui ont montré leurs limites en matière de respect des droits de l’homme et de capacité à gérer les Etats hérités de la colonisation. Où étaient ces « démocrates » quand les armées nationales massacraient des citoyens maliens et nigériens dans les années 90 ? Que proposent-ils, outre la force, pour amener les peuples de la sous-région à adhérer à un pacte national susceptible d’aboutir à une gouvernance acceptée par tous et à même de garantir la justice, la paix et la sécurité ?

Ceux qui appellent à une « fortification » de l'État dans ces pays rament à contrecourant de l’Histoire. Un État fort ne saurait en effet être légitime et pérenne que s’il repose sur un pacte national inclusif et accepté par la population dans sa diversité. Ce n'est le cas ni au Niger ni au Mali. Ce que certaines populations connaissent de ces États c'est plutôt l'arbitraire, l’injustice et l'impunité. Le confort du « prêt à porter » politique et une certaine paresse intellectuelle ont parfois abouti à des conceptions étriquées du pays, de l'État et de ses institutions. Certains s'en prennent aujourd’hui à la France parce qu’ils n'ont plus confiance en son égide pour prolonger le statuquo et préserver leurs privilèges. Ni la Russie, ni la Chine, pas plus que la France et les Etats-Unis, ne pourraient se substituer à l’aspiration des peuples à s'épanouir dans un environnement qui les sécurise et qui prenne en compte leurs droits et intérêts légitimes.

L’amalgame entretenu par des courants dont l’objectif est de diluer les problèmes politiques et de gouvernance dans la lutte contre le terrorisme, encouragé par les discours officiels des Etats, risque de pousser ces populations vers la radicalisation et un rapprochement avec d’autres groupes dont elles ne partagent pourtant pas nécessairement les objectifs et l’agenda politique. L’avenir sécuritaire au Niger et au Mali passe nécessairement par des armées reconstituées dont la composition reflète les réalités de chaque pays. Il semble en effet aberrant de mobiliser des effectifs tchadiens au prétexte qui seraient plus habitués à la guerre dans le désert tout en ignorant les ressortissants nationaux issus de ces mêmes régions.

Lyon 30 novembre 2019

Abdoulahi ATTAYOUB
Président de l’ODTE (Organisation de la Diaspora Touarègue en Europe)
@attayoub
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