C’est un truisme de dire que le retour-surprise de Hama Amadou au bercail, après un peu plus de trois années d’exil partagé entre la France et le Bénin, a chamboulé bien des choses. Le 14 novembre 2019, lorsque le vol d’Air Ivoire en provenance d’Abidjan, a atterri à Niamey, avec à son bord, le président du Moden Fa Lumana Africa et chef de file de l’opposition, Mohamed Bazoum, le président du Pnds ministre de l’Intérieur et candidat à l’élection présidentielle prochaine, se trouvait à Abuja, au Nigeria. À la tête d’une délégation de huit membres, le ministre d’État a conduit une mission au Nigeria pour aller plaider auprès des autorités nigérianes la réouverture des frontières fermées depuis août 2019. Une réunion tripartite devait réunir le Nigeria, qui se plaint d’une intense fraude touchant notamment le riz, le Niger et le Bénin, les deux pays épinglés par le grand voisin. C’est le jour-même de la tenue de la réunion tripartite que le chef de file de l’opposition atterrit à Niamey. Alors qu’ils se trouvaient en salle, Mohamed Bazoum reçut un coup de fil qui semblait l’avoir perturbé. Qui était à l’autre bout du fil ? Nul ne le sait. Par contre, aussitôt qu’il a raccroché, le ministre de l’Intérieur s’est empressé de ranger ses affaires et de sortir, suivi immédiatement par les membres de la délégation qu’il conduisait. Non sans surprise ! Arrivée la veille dans la capitale nigériane pour une réunion des plus importantes pour le Niger, voilà qu’ils doivent retourner au pays, sans crier gare, avant même l’ouverture des pourparlers. Déjà, les autorités nigériennes ont quelque peu surpris en se gardant de donner une suite à une lettre de leurs homologues du Bénin demandant que les deux parties, auxquelles le Nigeria tient pratiquement les mêmes griefs, harmonise auparavant leurs positions et leurs arguments. Voilà qu’on leur dit à présent d’oublier la raison de leur présence à Abuja puisqu’ils doivent repartir à Niamey.
Qu’est-ce qui a bien pu provoquer le départ précipité de la délégation nigérienne d’Abuja, avant même l’ouverture de la rencontre tripartite ?
La surprise de la délégation nigérienne était, donc, totale. Pourquoi devait-elle plier bagages et rentrer au pays illico presto ? Le Nigéria aurait-il jugé les autorités nigériennes persona non grata ? Du moins, c’est l’hypothèse qui s’est immédiatement imposée aux membres de la délégation qui se souviennent du mot lâché par Mohamed Bazoum à l’entrée de la salle. Les spéculations ont miné la tête des missionnaires nigériens tout au long du chemin du retour, sans qu’ils puissent imaginer, un instant, ce qui a provoqué chez le ministre de l’Intérieur, une décision aussi subite de faire une croix sur la mission pour laquelle un avion spécial a été affrété par le gouvernement. C’est une fois arrivés à Niamey qu’ils découvrent le pot aux roses. Dès à l’aéroport Diori Hamani. Sous le sceau de la confidence, des relations sur place leur chuchotent que Hama Amadou est rentré au bercail.
La perspective d’une élection présidentielle sans Hama Amadou s’évapore…
Mohamed Bazoum aurait-il secrètement misé sur un non-retour au pays du chef de file de l’opposition ? La perspective d’une élection présidentielle sans Hama Amadou, longtemps caressée dans certains milieux du Pnds et matérialisée par l’article 8 du code électoral, semble s’éloigner. D’abord par le dialogue politique qui doit, en principe, mettre un terme définitif au contentieux électoral, ensuite par ce retour inattendu et inespéré du président du Moden Fa Lumana Africa au pays. Si ce retoursurprise au bercail a permis, presque subitement de faire tomber d’un cran le thermomètre du climat politique, il reste qu’il est aussi synonyme de calvaire et d’avenir électoral nuageux pour certains acteurs politiques. On comprend dès lors qu’il y ait de si fortes réticences à aller au dialogue politique. Si, ni Bazoum ni un autre leader du Pnds n’a émis le moindre jugement désobligeant sur ce retour de Hama Amadou au pays, il va sans dire que ça ne fait pas du tout leur affaire. Pour le moment, le dialogue peine à débuter, les parties se jetant la responsabilité du blocage alors que le chef de l’Etat, dont l’implication personnelle est attendue, reste aussi muet sur la question.