Quand je sus par « La Radio Mondiale » combien de héros étaient tombés au commandement du poste avancé de Chinagoder qui venait de subir la plus grande tragédie de l’histoire militaire de notre pays, j’ai tenté tout naturellement d’en savoir un peu, mais en vain. Normal, puisque la mort, on souhaite toujours la voir frapper le plus loin possible de soi.
Quand je sus plus tard par même « Radio Mondiale », la même, que finalement en plus des 25 héros que tu aurais annoncés …finalement ce sont 89 héros qui sont tombés, toi compris, j’ai alors prié.
Que devais-je alors faire ? J’ai fait comme tous mes compatriotes : me brancher sur les réseaux sociaux et suivre la suite des évènements.
La douleur que je ressens au plus profond de moi-même est indescriptible et sans remède. Peut-être existe-t-il un sédatif unique en son genre pour cette douleur. C’est alors que, comme Michel-Ange, j’ai décidé d’écrire " « … seulement pour exhaler la douleur intérieure dont se nourrit mon cœur. » Les partisans du silence seront indulgents. » Oui, l’écriture soigne. C’est un puissant remède de l’âme, à condition de savoir s’en servir.
Je me suis senti dans l’obligation morale de vous rendre tous hommage à ma manière, puisque tu aurais pu, toi et tous ceux qui sont tombés sur le champ d’honneur avec toi, t’inspirer du célèbre proverbe italien qui dit que « le soldat qui s'enfuit du combat est un soldat qui peut resservir » et du Romancier Paul-Jean Hérault auteur de « Criminels de guerre » qui propose que « Le premier devoir d'un soldat est de rester en vie…Pour continuer à combattre ! » pour t’enfuir. Tu as préféré avec tes hommes, faire le choix de tomber sur le champ d’honneur. Afin que nous puissions vivre. Nous respectons tous votre choix. Un adage de mes compatriotes du pays de la Téranga propose : « un lion ne fuit jamais. Il va prendre des forces ».
La tragique disparition des héros que vous êtes devenus, pourrait être traduite dans les mêmes termes que « Le Sahel » au lendemain lors de la tragédie d’Inatès du 10 décembre dernier : "Tristesse, indignation, colère (surtout colère !)… Tels sont les sentiments qui animent l’ensemble des Nigériens en apprenant le bilan sordide de l’attaque meurtrière perpétrée contre le poste avancé de…Chinagoder par des assaillants lourdement armés, venus à bord de plusieurs colonnes de véhicules 4×4, de blindés et de motos, dans …l’après-midi du jeudi 09 janvier 2019. Oui, le Niger est en deuil !
Connaissant la droiture de notre président, j’ai la certitude que les mêmes propos prononcés le mois dernier par lui à l’endroit des autres héros tombés dans l’autre tragédie d’Inatès, vous seront dédiés. N’eût été l’inévitable « invitation » de Pau de ce 13 janvier, ces mots qui suivent seraient sans doute déjà prononcés, cette fois-ci pour toi et les 88 héros tombés en même temps que toi : « Nous avons voulu lui (toi) rendre hommage, un hommage amplement mérité. Je voudrais que chaque jeune qui viendra à cette place puisse se rappeler que le nom qu’elle porte est celui d’un héros»…Nous avons voulu, à travers…toi, rendre hommage à tous ses camarades morts sur le champ d’honneur. Leur souvenir restera gravé, éternellement, dans notre mémoire collective. Comme on dit, les héros ne meurent jamais. Les héros sont immortels ».
Quelle place portera ton nom et celui des 88 héros partis en même temps que toi ? Je ne pourrais le deviner. Seul notre président le sait.
Macron, le président français sera-t-il présent au Niger pour honorer ta mémoire ? Notre président nous le dira et fera tout pour qu’il en soit ainsi en temps opportun, je n’en doute point.
Le désarroi dans lequel j’ai trouvé la famille du défunt Capitaine NA ALLAH MORI à ton domicile de Tondibiah ce mercredi m’indique qu’ils ont besoin de reconnaissance à travers un témoignage d’une autorité militaire ou civile selon la tradition, et qu’ils espèrent toujours. Pour l’instant c’est le silence radio, du moins jusqu’à midi, ce mercredi. Il m’est difficile de garder Le silence sur ce que j’ai entendu parce qu’Euridipe a bien dit : « Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence. » Katambé, j’en suis sûr, agira s’il m’entend.
En attendant l’hommage mérité de la Nation, Repose en paix mon Capitaine toi et les 88 héros qui t’ont accompagné dans le royaume de l’éternel !
Par ces mots, je partage la douleur avec ta veuve et tes deux enfants, ceux des populations de Dogon Kiria et partant de tout le Niger qui sont touchées au plus profond à travers cette tragédie de la perte de nos 89 héros !