Les Forces de défense et de sécurité (Fds) sont dans un dénuement presque total. L’audition, par la commission de la défense et de la sécurité de l’Assemblée nationale, en novembre 2019, a confirmé cette dure réalité. Une réalité que le pouvoir en place réfute régulièrement, même si, en certaines circonstances douloureuses, des voix, isolées, se sont laissées en de rares aveux. Les différents responsables des Fds, notamment le chef d’Etat-major général des armées de l’époque, le général de corps d’armée Ahmed Mohamed, ne se sont pas prier pour brosser le tableau réel de la situation, déplorable d’une armée que le chef suprême des armées dit en guerre. Entre autres, l’armée manque de carburant suffisant pour mener sa mission et l’armée traîne encore des arriérés de frais de carburant vis-à-vis de la Sonidep. Une aberration pour un pays producteur de pétrole et qui s’apprête à en exporter par le biais d’un pipeline. En plus, les pièces détachées et les pneumatiques sont insuffisantes tandis que les commandes d’armements et d’équipements ne sont pas conformes aux besoins et aux attentes de l’armée. En outre, il n’ya ni gilets et pare-balles, ni casques, couchages, tenues et chaussures en quantités suffisantes. La périodicité de la maintenance des aéronefs n’est pas respectée, le budget du Service central de lutte contre le terrorisme (Cclct) est curieusement réduit au moment où le terrorisme fait fureur dans le pays. Bref, tout va mal et l’on comprend, à la lecture de cette situation non exhaustive, les raisons de tant de morts, en particulier dans les rangs des Fds.
Des montants vertigineux empochés par des individus au prix de centaines de vies humaines nigériennes
C’est un scandale, au regard des montants faramineux qui sont, chaque année, insérés dans le budget national, pour leur dotation en armements et en équipements adéquats, modernes et sophistiqués en vue de faire face aux menaces extérieures et intérieures. Rien que dans le budget général de l’Etat, ce sont plus de 1700 milliards qui ont été injectés, de 2013 à 2019, pour la sécurité et la défense. Et ce ne sont pas, loin s’en faut, la totalité des montants mis en cause dans les détournements des fonds destinés à la sécurité et à la défense du territoire. De 2012 à 2019, les forfaits financiers perpétrés par des commis véreux de l’Etat ne se comptent plus. Les allocations budgétaires, les dons, les aides et d’autres fonds publics qui sont, en principe, loin des arcanes de la sécurité et de la défense, ont fourni d’excellentes occasions à des hommes de s’enrichir sur le dos de l’Etat. Au prix de centaines, voire plus, de morts dans les rangs des Fds.
Où sont passés les 20 milliards de l’ARM, devenue ARTP, puis …actuelle… ?
Dès février 2013, alors que l’Assemblée nationale vient à peine de voter, à la demande du gouvernement, un collectif budgétaire de 40 milliards pour faire face aux urgences induites par l’envoi de troupes au Mali, l’État, par le biais de ses autorités financières, signe une convention d’avance de trésorerie portant sur un montant de dix milliards de francs CFA. L’ARTP va d’ailleurs renouveler l’opération en janvier 2014 avec 10 autres milliards. Au total, ce sont 20 milliards de nos francs qui sont prélevés sur le Fonds d’accès universel de l’ARTP et qui n’ont jamais transité par le Trésor national comme initialement convenu dans la convention. Ainsi, malgré les 40 milliards votés par l’Assemblée nationale pour le compte du contingent nigérien au Mali, le gouvernement a parallèlement soutiré des comptes de l’ARTP, par le biais de deux conventions, la somme de 20 milliards FCFA.
Il y a aussi les 32 milliards d’Italie
Les officiels italiens ont longtemps déclaré à qui veut l’entendre ou le savoir que l’armée italienne, avec 470 soldats, s’installera au Niger, « à la demande du gouvernement nigérien », précisent-ils. Agelino Alfano, le ministre des Affaires étrangères italien, a d’ailleurs annoncé qu’ils promettent que « 40% de l’affectation globale des aides italiennes pour l’Afrique seront consacrées exclusivement au Niger pour améliorer l’état de la collaboration (sic !) ». « Pour améliorer l’état de la collaboration », a-t-il précisé à l’époque. En juin 2017 déjà, ce pays a accordé au gouvernement nigérien 32 milliards de FCFA pour faire face à la sécurité de ses frontières. Toutes ces informations ont été corroborées et confirmées par le ministre italien des Affaires étrangères à l’issue de sa rencontre, le 3 janvier 2018, avec le Président Issoufou Mahamadou, à Niamey. Les autorités nigériennes ne l’ont jamais fait savoir. Et pour cause ? Au sommet de l’Etat, l’on s’ingénie à nier ce que l’Italie clame haut et fort. Le ministre de la Défense nationale nigérienne de l’époque, Kalla Moutari, a déployé ainsi une folle énergie à démentir ce qui est plus que vrai, allant jusqu’à demander à des médias de rectifier l’information qu’ils ont donnée à ce propos. Il n’a pas tenu longtemps dans cette position plus que précaire. De fait, Le Courrier a pu disposer de l’accord secret signé par le même Kalla Moutari, au nom du Niger, et la ministre italienne des Affaires étrangères. En plus des 32 milliards de francs CFA encaissés en juin 2017 mais jamais rendus publics avant que les autorités italiennes en parlent, l’Italie a également promis, le 14 décembre 2017, lors de la Table ronde de Paris, 100 millions d’euros, soit près de 70 milliards de francs CFA.