Si la dernière interview accordée par le Président de la République Issoufou Mahamadou à certains médias internationaux a réjoui plus d’un citoyen, elle était loin de faire l’unanimité. En effet, dans une longue lettre publiée par un confrère, une réaction des plus inattendues : elle émane de l’ancien porteparole du MNJ, M. Saidou-Kaocen Maïga. Quelle signification donnée à cette réaction ?
Le Niger serait-il sous la menace du réveil des cellules dormantes d’une énième rébellion alors que sur le terrain des opérations militaires au Mali, les éléments de notre armée se préparent à faire la plus sale des guerres importées sur le sol du Sahel ?
La presse nationale, écrite comme audiovisuelle, avait largement fait écho de l’interview que le Chef de l’Etat avait accordée à des journalistes de certaines chaînes internationales. Pour la plupart des commentaires, le Président Issoufou a dit haut et fort ce que les Nigériens pensent de l’exploitation minière, de la guerre au Mali, du processus de dialogue dans ce pays et de la présence des ‘’bases militaires étrangères’’ (française et américaine notamment) sur notre territoire.
Mais, il avait fallu la lettre intitulée ‘’Lettre d’un Touareg au Président Issoufou Mahamadou’’ signée par Saidou Kaocen Maïga pour entendre un son discordant. En effet, écrit-il, ‘’Aujourd’hui, Monsieur le Président, vos propos sur le problème du nord mali, en plus d’être une ingérence dans les affaires intérieures du Mali, n’apaisent pas nos coeurs de Touareg du Niger…’’ Plus loin, il ajoute ‘’en essayant de comprendre votre stratégie de mettre à l’écart le MNLA, il semble que c’est la crainte de voir les Touaregs du Niger revendiquer le statut qui serait celui des Touaregs de l’Azawad si une forme d’autonomie leur est accordée.
Cette crainte est légitime, mais pas suffisante, car de tous les soulèvements armés au Niger, aucun n’a revendiqué une partition du pays, car contrairement au Mali, les Touaregs sont répartis dans toutes les régions du Niger.’’ Malgré la véhémence de ces propos, il y transparaît, de notre point de vue, des vérités géographiques qui rassurent. Mieux, en légitimant la démarche du Président Issoufou, M. Saidou Kaocen Maïga reste conscient que les solutions au Mali auront nécessairement des répercussions au Niger. C’est pourquoi nous (nous, les Nigériens, toutes ethnies confondues) n’avons d’autres alternatives que de prendre une part active dans le processus de retour de la paix dans le nord Mali.
En fait, il n’y a pas une solution malienne au problème qui se pose aujourd’hui, à ce pays. La solution doit être globale et inclusive. Pour être durable, la paix au Mali ne doit pas ignorer les problèmes nigérien, burkinabé, algérien, libyen et mauritanien. La vision de Saidou Kaocen Maïga, à quelques dérapages près, reste évolutive et s’ancre dans un mouvement communautaire d’ensemble. En cela, le Président de la République se doit déjà de mettre en place les mécanismes d’implication du Niger au dialogue malien. Dans cette optique, les ex-combattants du Niger ont une partition importante à jouer.
Rien ne doit se faire sans leur implication qui doit commencer par le règlement des problèmes inhérents des derniers accords dont les perspectives pour les 4.000 ex-combattants. Il en va de même pour son appel à plus d’apaisement du côté des officiels nationaux. En effet, comme il l’avait écrit « un seul mot peut provoquer des bouleversements sociaux ». Par conséquent, nous devrons tous cultiver la paix par le langage et le comportement dans ces moments difficiles de guerre au Mali. Le plus inquiétant réside dans l’approche de Saidou Kaocen Maïga qui semble rejeter l’option du Président Issoufou qui veut qu’il y ait désarmement avant le dialogue.
L’option des négociations n’est envisagée qu’avec le MNLA et les autres groupes rebelles. Il n’a jamais été question de négociations avec le MUJAO et les autres groupes terroristes. Or, quelle chance pourrait avoir le dialogue lorsque le MNLA reste armé ? Toutes les inquiétudes des Nigériens se trouvent concentrées dans ce refus par Saidou Kaocen Maïga de désarmer le MNLA. Du reste, ils y voient là les signes précurseurs du réveil probable des cellules dormantes de la rébellion nigérienne. Il ne reste plus au Président Issoufou Mahamadou qu’à trouver des solutions novatrices pour faire face aux sollicitations des cadres de l’ex-rébellion. Il vaut mieux prévenir que guérir.
A contrario, Issoufou Mahamadou et Saidou Kaocen Maïga auront « les mains tachées de sang » comme dans le proverbe touareg cité par ce dernier. Dieu nous préserve. Amen ! En tout cas, des remous intérieurs ne sont pas souhaitables dans notre pays. Surtout pas en ces moments où les militaires nigériens sont confinés dans la zone de Gao, cible des attentats suicides, des zones minées et d’attaques de convoi militaire. Il avait déjà été pressenti que les replis faciles des terroristes n’étaient pas synonymes de défaites mais c’était une stratégie pour conserver leurs forces en vue de mener la sale guerre faite de harcèlement, d’atteinte aux droits humanitaires, aux attentats suicides et à la dissémination des mines.
A présent que les marchands de la terreur sont passés dans la phase active de leur sale guerre, avons-nous besoin, au Niger, de mettre en danger notre cohésion nationale qui s’est notamment traduite par un vote massif des députés nationaux pour l’envoi de notre contingent en terre malienne ? N’est-il pas temps pour les pouvoirs publics de se rappeler aux souvenirs des oubliés des accords de paix ? Lorsqu’on connaît la solidarité dans le corps des rebelles, Saidou Kaocen Maïga qui avait été le porte-parole de la dernière rébellion ne peut avoir parlé en son nom personnel. Les autres cadres ne sont pas étrangers à la démarche. Alors, pressons, la paix n’a pas de prix !