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Les alliances (symmachiai) politiques, ou véritable perversion de l’art politique ?
Publié le samedi 7 decembre 2013   |  LE TROISIEME OEIL


Hama
© Autre presse par DR
Hama Amadou et Issoufou Mahamadou


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Quand deux Titans politiques se querellent voilà ce qu’ils pourraient se dire intérieurement : La thèse de Mahamadou Issoufou : « Ce n’est pas parce qu’on a un pied dans la tombe, qu’il faut se laisser marcher sur l’autre » (François Mauriac, le monde, 19 août 1998). Et Hama Amadou de répliquer : « C'est proprement vivre les yeux fermés que de vivre sans philosopher» (Descartes, Principes de la philosophie, préface).

Si on peut un temps soit peu paraphraser Michel Onfray, on pourra avancer que toutes les fois que dans un Etat, il y a des troubles politiques, des dissensions politiques vaines, il y a sans conteste « déficit d’intelligence politique ». A la lumière des derniers événements politiques au Niger, à savoir le changement de gouvernement: « Gouvernement d’ouverture », suivi du retentissant retrait des ministres de Lumana, force est de donner aujourd’hui raison à la pensée de Raymond Aron, quand dans La Revue française de science politique, il mettait en exergue cette palinodie entre «catégories dirigeantes » et « classes dirigeantes ». Dans le cadre du divorce politique intervenu entre PNDS et Lumana, ne sommesnous pas in situ entre l’immoral et l’amoral ?

Depuis plusieurs décennies, le Niger est dirigé par une « classe politique », qui dialectiquement est devenue une « classe dirigeante » (bourgeoise, insolente et méprisante), qui « fait et défait », « refait et défait » la politique au Niger. Le Niger et sa vitalité sont pris en otages par cette camarilla politique qui ne veut pas laisser [lâcher] le pouvoir comme un fauve qui tient sa proie dans ses crocs. Cette classe politique dirigeante hypothèque l’avenir de la génération future. Elle handicape également la modernité du pays et toutes les chances d’un mieux être pour les Nigériens. Il faudrait à mon sens réexpliquer ce qu’est la politique et la politeia, en vue d’aboutir à la claire compréhension de la notion finalité en politique et le rôle de l’homme politique dans une République. Si cela est établi, il serait aisé de faire voir en quoi, le sumphéron (l’intérêt général) va au-delà des intérêts partisans.

Car ces vaines rivalités intempestives nuisent au bien collectif, au bonheur, à la tranquillité publique, à la sécurité, et en dernière instance à la prospérité économique. Raymond Aron, en bon scientifique définit la nature de son objet en ces termes : « Nous appelons catégories dirigeantes, les minorités qui occupent des positions ou accomplissent des fonctions telles qu’elles ne peuvent pas ne pas avoir une influence sur le gouvernement de la société. Autrement dit, la notion de « catégorie » doit soigneusement se distinguer de celle de « classe ». Notre auteur emploie la notion de « classe » qui est un concept assez clair chez Karl Marx, mais il s’en éloigne en mettant plus particulièrement l’accent sur un concept moderne de « classe dirigeante ».

Historiquement, c’est-à-dire au temps de Karl Marx, l’Etat était dirigé par une minorité, qu’il nomme la « classe dominante », celle qui dirige, et qui domine l’économie. Or, pour Raymond Aron la classe dirigeante est la nouvelle oligarchie, cette « classe dirigeante » qui s’est accaparée de l’Etat ; ou plus exactement qui essaie vaille que vaille de diriger l’Etat comme une entreprise mafieuse. Fort heureusement, cette classe dirigeante doit aujourd’hui tenir compte de l’érection d’une nouvelle classe plus dynamique et patriotique, qui lui fait front, à savoir les nouvelles « catégories à prétention dirigeantes », dont l’excellente figure se réduit chez Raymond Aron à l’expression « couches défavorisées », regroupées aux seins des syndicats et des corporations. Leurs diverses luttes, et leurs organisations constantes, pour défendre leurs intérêts contre leurs dirigeants et l’Etat, impactent, influencent sur les choix directionnels et étatiques.

A l’examen, il saute aux yeux que si nous actualisons la pensée de Raymond Aron à nos nouvelles réalités politiques _notamment au Niger _, il se dégagera de manière poignante une injustice sociale perpétrée par la nouvelle oligarchie moderne nigérienne, qui n’a pas enterré la vielle oligarchie des sociétés grecques classiques, où le pouvoir a toujours été aux mains d’une minorité que combattait le démos (aujourd’hui la société civile qui défend les intérêts du démos], c’est-à-dire les plus nombreux, ou ce qu’Aristote appelait la multitude. Lorsqu’il y a lutte politique, (du grec stasis, qui a le même sens que discordes, zizanies, dissensions, troubles politiques, etc.) dans la société grecque, Aristote la réduisait à cette fameuse lutte qui opposait les nantis (la minorité) aux pauvres (la multitude). Cette lutte à l’époque entraînait inéluctablement la transformation des institutions politiques, induisant du coup un changement drastique de gouvernement.

Devant les iniquités de la classe oligarchique, le peuple mettait alors au pouvoir un démagogue (ou un tyran) qui défendra ses intérêts contre ceux de la classe minoritaire. Ce tyran démagogue a permis aujourd’hui dans nos démocraties africaines, la figure du militaropolitique, c’est-à-dire le putschiste. Le concept de « catégories dirigeantes » a été privilégié au détriment de celle de « classe dirigeante », car aux yeux de Raymond Aron, la société d’aujourd’hui dite classiquement moderne, n’est plus comparable à celle brossée et critiquée par Karl Marx à son époque, même si au demeurant les iniquités demeurent. Partant de l’analyse sociologique de notre société actuelle, Raymond Aron n’y voit plus cette dichotomie, entre classe bourgeoise, communément appelée la « classe dirigeante », qui dispose des moyens de production et du capital, et la classe prolétaire, qui ne dispose que de sa seule force de travail.

La réalité de cette ancienne lutte de classe, est l’exploitation inhumaine d’une minorité sur la majorité. Toutes les décisions sont prises par le patronat, qui est le dieu absolu de la décision. Aujourd’hui il est aisé de forcer ce parallèle en considérant « le patronat politique nigérien » comme la classe dirigeante, et source de tous les maux du Niger. Or cette classe dirigeante (corrompue, qui excelle dans le partage des postes ministériels et de commandements, dans le vol des biens de l’Etat, et violent allègrement les droits de l’homme), est confrontée de plus en plus aux réticences et aux revendications de la nouvelle classe oppositionnelle : la société civile. Il est encore aisé d’observer la nouvelle réalité du pouvoir de décision, qui n’émane plus de la seule capacité de la « classe dirigeante », mais qu’au sein de tous les syndicats et autres corporations professionnelles, il est juste de parler de nouvelles

« catégories dirigeantes » désignées par leurs bases, en vue de défendre leurs intérêts contre le patronat politique et contre les décisions arbitraires de l’Etat. La matérialité de cette nouvelle « force sociale » est assertée par la formule suivante : « Il existe en n’importe quel régime une catégorie que l’on appellera personnel politique, c’est-à-dire une minorité (quelques centaines ou quelques milliers de personnes) qui, conformément à la formule de légitimité et à la traduction institutionnelle de celle-ci, est engagée dans la compétition dont l’exercice du pouvoir est l’enjeu ou encore minorité qui englobe les délégués de ceux qui détiennent le pouvoir ». En d’autres termes, cette minorité de personnes charismatiques, de délégués et autres en tant que forces sociales, constituent aux yeux de Raymond Aron une la nouvelle classe dirigeante, qui est incontestablement un personnel politique, au même titre que le personnel politique propre à tout régime politique.

L’analyse de Raymond Aron est d’actualité, car il a observé en sociologue et en scientifique, le nouvel phénomène politique que constitue « la catégorie dirigeante ». Au temps de Marx, nous n’avons pas une telle division des pôles décisionnels. On peut dire qu’il y a eu une évolution dialectique dans le rapport entre l’ancien patronat et le nouveau prolétariat qui s’est érigé en instance de décision, en vecteur de décision. Or, dans la doctrine marxiste de l’Etat nous savons qu’il n’existe que deux classes antagonistes, les pauvres et les bourgeois. Et nonobstant la démocratie qui est censée égaliser les droits des individus, la même réalité demeure : une « classe dirigeante » toujours plus puissante et dominante, et une classe de pauvres, de défavorisés qui subit l’inégale répartition des richesses. (A suivre dans notre prochaine édition)

Dr. YOUSSOUF MAIGA MOUSSA

Criminophilosophe

Université Blaise Pascal

Université d’Auvergne

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