Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la philosophie politique classique n’a guère traité des élections dans une perspective normative. Lorsqu’elle s’y intéresse, c’est le plus souvent pour en signaler les limites, poussant rarement la réflexion radicale jusqu’au point de savoir comment et pourquoi les élections demeureraient nécessaires en démocratie. Pourtant, la question des élections dans une démocratie soulève une toute autre question importante liée au mode de désignation des gouvernants, donc de la source du pouvoir politique dans une société humaine donnée.
En effet, la construction contemporaine de l’Etat, qui a supplanté les autres modes d’organisation sociale et politique, a permis de mettre en valeur la ‘’légitimité légale-rationnelle’’ au détriment des ‘’légitimités traditionnelle et charismatique’’, selon le grand sociologue allemand du début du XXème siècle, Max Weber. C’est donc le gouvernement représentatif apparu dans le sillage de la souveraineté populaire, dans la seconde moitié du XIXème siècle, qui fera du suffrage universel la matrice de la démocratie représentative telle qu’elle existe de nos jours.
Faut-il le rappeler, l’universalisation du suffrage a été une des grandes conquêtes politiques pour les masses populaires qui avaient-là le droit d’élire en toute liberté leurs représentants dans les instances délibératives. La démocratisation du suffrage a eu pour conséquence majeure l’apparition des partis politiques et la professionnalisation de la politique date certainement de cette éclosion partisane. Et depuis cette révolution, les élections sont apparues comme le mode de dévolution du pouvoir le plus démocratique qui soit, même si certains auteurs ont pu parler, non sans raison, d’une ‘’crise de la démocratie électorale’’.
Chez nous en Afrique subsaharienne en général, et au Niger en particulier, après des périodes marquées par des dictatures civiles et militaires, les revendications démocratiques sur le continent africain ont abouti à la mise en place de processus électoraux pour désigner les gouvernants et les différentes institutions délibératives. Cependant, la difficile acclimatation des principes démocratiques d’inspiration libérale ou néo-libérale dans ces sociétés fortement caractérisées par une conception centralisatrice du pouvoir, l’immaturité d’une partie de la classe politique et les velléités putschistes de certains hommes en kaki, ont mis à rude épreuve les jeunes expériences démocratiques, avec souvent l’irruption de l’armée sur la scène politique nationale. Au Niger, par quatre fois (1974, 1996, 1999 et 2010), l’armée a fait irruption sur la scène politique nationale pour mettre fin à l’ordre constitutionnel normal.
Aujourd’hui, l’organisation régulière d’élections libres et transparentes est le critère le plus souvent utilisé à l’échelle internationale pour évaluer le caractère démocratique d’un régime politique donné. C’est à ce critère que recourt le PNUD dans l’évaluation qu’il fait des régimes politiques du monde. Cette exigence d’élections libres et transparentes est aussi contenue dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du citoyen de 1948. Comme on le voit, la tenue des scrutins dans un pays est devenue la règle d’or, tandis que leur absence signifie l’exception.
Le Niger du Président Issoufou Mahamadou s’inscrit désormais dans ce mouvement universel qui fait de la démocratie électorale le mode de gouvernance le plus « civilisé », c’est-à-dire le plus apte à exprimer le mieux la volonté populaire. C’est pourquoi le Président Issoufou, depuis plus d’un quart de siècle, n’a cessé de professer que le salut du Niger contemporain résidait forcément dans le processus démocratique, qu’il veut inclusif, libre et honnête.
Ainsi, en s’acquittant de son devoir civique, lundi dernier à l’Hôtel de ville de Niamey où il est parti se faire enrôler sur le fichier électoral biométrique, le Chef de l’Etat a marqué par-là sa volonté de conduire à bon port le processus électoral en cours dans notre pays. «L’élection dans la vie d’une Nation est un moment décisif qui engage son avenir», a souligné le Président Issoufou. Ajoutant que «ce sera l’occasion d’une alternance démocratique, pour la première fois, dans la vie politique de notre pays depuis son indépendance», le Chef de l’Etat a lancé un vibrant appel à la mobilisation de l’ensemble des citoyens et à l’inclusion de l’ensemble des forces politiques en présence.
C’est là, assurément, un signe manifeste de sa part de concrétiser le bail qu’il a conclu avec le peuple nigérien, dix ans plutôt. Les élections démocratiques, libres et transparentes seront donc la seule voie d’accession au pouvoir au Niger, que cela plaise ou non à certains qui pensent y parvenir sans passer par la case élections.
Haro donc sur certaines postures remarquées, ces derniers temps, chez certains hommes politiques qui ne sont démocrates que quand cela arrange leurs affaires et, visiblement, prêts à pactiser avec le diable si cela peut leur procurer le graal suprême !