Ainsi donc et finalement, nous nous serions tous doublement trompés sur le compte, la morale et la bonne foi de Tandja. Par deux fois, en quelques années, l'histoire se répète et par deux fois cet homme commet de graves et lourdes infidélités à la morale, à la dignité à la sagesse et à la position qui aurait dû être la sienne.
Il y a quelques années, beaucoup d'entre les Nigériens ont cru, jusqu'au dernier moment, que jamais cet homme ne pouvait s'engager sur la voie périlleuse du Tazartché. Non pas que nous ayons cru fortement en son âme de démocrate ou en ses convictions républicaines. Non pas que nous l'ayons considéré, un seul instant, comme un homme qui voulait graver son nom dans les annales de l'histoire, mais parce que tout simplement nous savions qu'aucun esprit lucide et encore doué de bon sens ne pouvait penser réussir un tel projet. Et pourtant, malgré tout, il l'a quand même fait. Il l'a fait, en ayant clamé et proclamé, en son salon ou en public, urbi et orbi, devant les nigériens et les étrangers, que jamais lui Tandja Mamadou ne commettrait une telle forfaiture. Il avait eu à l'époque cette formule de " la table est desservie, il faut la quitter ".
Il ne la quittera que de force. Il paraissait et faisait tout pour paraitre sincère, tant et si bien que douter de sa bonne foi, à l'époque, était inconvenant ou pouvait ressembler à un procès d'intention. Il s'obstinera, croyant en secret avoir toutes les cartes en main et croyant surtout avoir suffisamment roulé tout le monde. Mal lui en prit, car en une belle matinée du 18 février, il en payera le prix puisqu'il sera proprement balayé par un groupe de militaires nigériens. Malheureusement, ce sera un prix a minima, parce que la justice attend toujours de passer sur tous les crimes qu'il a commis et/ou dont il cautionné et suscité la commission. A commencer par le plus grave, la haute trahison. L'histoire et la société nigérienne auront été largement clémentes avec cet homme. Et en pareilles circonstances, le moins qu'on puisse attendre était qu'il se rangea, qu'il s'amenda et qu'il se retira sur la pointe des pieds. Tout le reste de sa vie devrait être un exercice assidu et permanent de rédemption et de recherche du salut personnel.
Pour son âme (ou ce qui lui en reste d'âme). Vivant en liberté, avec tous les honneurs (même indus) de la République, il aurait dû finir en paix et en toute tranquillité, comme un homme qu'on consulte et qu'on écoute. Mais pas le narrateur des balivernes et boniments du dimanche qu'il est devenu ! Ce bonimenteur a d'autres projets, d'autres agendas secrets que seul l'enregistrement volé a pu dévoiler. Sans cet enregistrement, il se serait encore bien joué de beaucoup de nigériens qui ont trop vite pensé qu'il était redevenu sage et lucide ; qu'il avait enfin tiré les leçons du coup d'Etat qui l'a renversé. Mais rien ne peut décidément changer un homme qui n'a jamais bien compris la bienveillance du peuple nigérien. Tandja restera donc toujours Tandja ; un concentré de mauvaise foi et d'hypocrisie, un sublime imposteur que ni l'âge, ni son triste bilan à la tête du pays, ni la déchéance du pouvoir ne pourront ramener sur le chemin de la raison et de l'humilité.
Par deux fois, il aurait pu avoir une sortie honorable, par deux fois il aura raté cette sortie. La première fois, alors qu'il devrait rendre le pouvoir et permettre une alternance démocratique il créa les conditions objectives d'un énième coup d'Etat au Niger. La deuxième fois, c'est maintenant. Alors qu'il aurait pu être en retrait et dans la retenue, alors qu'au surplus sa place devrait être en prison, il se met en tête de reconquérir le pouvoir et pour cela il fait du mensonge et du dénigrement du régime de Issoufou ses thèmes de campagne. Il faut quand même être un sacré champion pour rater deux fois sa sortie ! Et c'est pourtant ce qui arrive à Tandja. Des hommes politiques qui l'ont côtoyé, accompagné ou vécu avec lui, et jusqu'au dernier électeur qui a voté pour lui, tous ont dû, à un moment ou à un autre, se sentir floués, trahis et même salis par cette vie de mensonges et de fourberies.
Au soir de sa vie et alors qu'il aurait pu être à un moment de gloire, il est présenté aujourd'hui, par l'opinion publique nationale et internationale, comme l'homme qui vaut 400 milliards de mensonges. Terrible ironie de l'histoire. Implacable sanction de sa vie. C'est pourquoi, et pour que l'infamie ne dépasse pas les mesures de son boubou, il est aujourd'hui temps d'indiquer la sortie à cet homme. Par la morale et la justice, cet homme doit payer les actes qu'il a posés. C'est cela l'Etat de droit et c'est cela la République. Parce qu'il incarne tout ce que la société nigérienne reprouve, il est temps que la société nigérienne le mettre à son ban. Définitivement. Par la censure morale et la justice, il est temps que nous indiquions et imposions à Tandja la sortie politique, enfin. Ce serait simplement oeuvre de salubrité publique.